Alerte Otan n° 20 - Décembre 2005
Réflexions sur l’évolution de l’OTAN à l’Institut Emile Vandervelde

L'Institut Emile Vandervelde étant un organisme lié au Parti Socialiste, le fait qu'il organise une « journée de rélexion sur l'évolution de l'Otan » pourrait être le signe d'une inquiétude de cette partie du monde politique progressiste envers le rôle croissant de l'Otan comme gendarme du monde. Les prochains mois connaîtront, en effet, d'importants débats entre les gouvernements des pays membres de l'Alliance en vue de définir ces nouvelles fonctions que certains Alliés – les Etats-Unis en premier lieu – veulent faire remplir par l'OTAN.

L'IEV avait invité à sa tribune des représentants du ministre de la Défense, l'ambassadeur de Belgique auprès de l'Otan, des parlementaires socialistes, ainsi que des responsables de ce qu'il appelle « la société civile ».! »

Au cours du colloque, l'intervention de M. Struye, ambassadeur auprès de l'OTAN, est à épingler. Pour lui, l'OTAN devra bien envisager une intervention militaire pour assurer la continuité de l'approvisionnement énergétique de ses membres si celui-ci est sérieusement menacé. On ne peut trouver meilleur aveu quant à la fonction véritable de l'OTAN pour ses véritables dirigeants ! On est loin de l'image que le PS voudrait lui donner : une Alliance, garante de « nos valeurs », de « nos libertés démocatiques ». Un des intervenants a souligné la gravité d'une telle déclaration, en prenant un exemple fictif : imaginons que le Président Chavez du Venezuela décide d'augmenter le prix de vente du pétrole et que les Etats-Unis considèrent cela comme une « sérieuse menace à leur approvisionnement », l'Otan pourrait faire la guerre !

Curieux débat à l'IEV : les responsables socialistes se sont esquivés dès qu'ils avaient fini leur intervention et n'ont donc même pas entendu ce que « la société civile » avait à leur dire. D'autre part, ce colloque était tellement confidentiel, que les militants socialistes ignoraient tout de sa tenue. Les parlementaires socialistes, chargés de défendre les intérêts et préoccupations de leurs électeurs, étaient presque tous absents.

Il faut espérer et faire en sorte que cette rencontre soit le début d'une vaste réflexion sur une vision progressiste de la politique de sécurité et de défense de la Belgique, comme partie de l'Europe et du monde.

Claudine Pôlet

Nous reprenons ci-après quelques extraits de l'intervention du responsable de la CNAPD. Le texte complet de cette analyse se trouve sur le site du CSO http://www.csotan.org/textes/texte.php?art_id=271&type=articles

« Je voudrais tout d'abord remercier l'IEV d'avoir laissé une place à la société civile et en l'occurrence à la CNAPD dans cette journée de réflexion.

Je voudrais ensuite préciser que la CNAPD n'a pas pris de position récente concernant l'OTAN, si ce n'est en filigrane sur d'autres dossiers, et que les réflexions que je vous livre sont des éléments d'un débat encore en cours.

Contrairement à ce que disait Monsieur Régibeau, il y a bel et bien un intérêt des citoyens pour les questions internationales et de paix, les 100.000 personnes qui sont descendues dans la rue contre la guerre à l'Irak en sont la preuve.

Jean-Arthur Régibeau (du Cabinet du Ministre de la Défense Flahaut) nous interpelle en disant « Des changements majeurs ont lieu au sein de l'OTAN, vous ne pourrez pas dire dans quelques années que vous ne le saviez pas ». Il précise d'entrée de jeu que « notre appartenance à l'OTAN n'est pas en jeu » mais que « nous pouvons discuter des évolutions et modalités » . C'est le moment où jamais d'avoir un grand débat public !

Je vais rapidement vous montrer ce que je ressens comme une évolution très préoccupante, à savoir comment l'OTAN a progressivement glissé d'une alliance défensive qui devait agir sur son territoire dans le respect de l'ONU vers une force d'intervention préventive partout dans le monde et si nécessaire sans mandat de l'ONU.

Cette évolution est d'autant plus préoccupante qu'elle a tendance a gagner également la Politique Etrangère et de Sécurité Commune de l'Union Européenne, que d'aucuns présentent comme un nécessaire contrepoids à l'OTAN. En effet, dans le « document stratégique » de Javier Solana (ancien secrétaire générale de l'Otan) et dans la proposition de traité constitutionnel européen, il y a de véritables portes ouvertes à des intervention préventives et il n'y a pas mention de la nécessité d'un mandat du Conseil de sécurité mais bien le même genre de formule sibylline qu'on retrouve dans les documents de l'ONU à savoir « dans l'esprit de la charte » […]

Nous, mouvements de paix, rejetons ces évolutions, au nom de notre attachement au droit international et à un véritable multilatéralisme.

La règle est et doit rester l'interdiction de l'emploi de la force dans les relations entre états avec deux exceptions :

  • la légitime défense en cas d'attaque armée et
  • les mesures décidées par le Conseil de Sécurité en cas de menace contre la paix.

L'OSCE, dont la Belgique assurera la Présidence en 2006, développe également un concept précieux de « sécurité coopérative » qu'un ancien secrétaire général de cette organisation résumait en une question simple : comment augmenter la sécurité d'un état (ou d'un groupe d'états) sans en même temps créer plus d'insécurité pour d'autres états ?

Pour terminer, je voudrais revenir à la situation de la Belgique.

  1. Ces évolutions majeures d'un Traité liant notre pays n'ont jamais été ratifiées par le Parlement belge, ce qui est contraire à notre Constitution (selon l'article 68§2).
  2. Par contre, notre Parlement a récemment voté des résolutions concernant le désarmement et demandant à terme le retrait des armes nucléaires américaines stationnées en Europe et donc également celles stationnées en Belgique, à Kleine Brogel. Mais nos contacts ministériels nous affirment que le dossier est bloqué pour ne pas heurter nos alliés de l'OTAN.
  3. On pourrait aussi évoquer le transit de matériel militaire vers l'Irak par le territoire et les infrastructures belges, qui avait été repris dans la déclaration gouvernementale mais a été encommissionné et reste à ce jour sans suite.

En conclusion, cette alliance transatlantique fait donc des dégâts tant au niveau du droit international qu'au niveau de notre démocratie belge. Ne faudrait-il pas nous interroger plus avant sur son prix et les concessions qu'elle nous impose ?

Cette après-midi de réflexion me paraît un bon endroit pour entamer ce débat qui promet d'être long et passionné.

Je vous remercie pour votre attention ».

Arnaud Ghys
Responsable secteur Paix
CNAPD