Alerte Otan n° 24 - Décembre 2006
Éditorial :
Après Riga : Vers la militarisation perpétuelle

L'OTAN a adopté à l'issue du Sommet de Riga une Directive Politique Globale1, censée définir l'orientation de la politique de l'Alliance pour ces 15 prochaines années. Une Déclaration finale des Chefs d’Etats et de gouvernements a également été adoptée.

Ces documents ne reprennent pas toutes les propositions inquiétantes lancées avant le sommet par les USA et relayées par le Secrétaire général, le très atlantiste Joop de Hoop Scheffer. En effet, ils ne parlent pas de l'abandon de l'unanimité pour la majorité qualifiée, ni d’adhésion de nouveaux pays à l’Otan et ne citent pas formellement les pays asiatiques, participant aux opérations en Afghanistan, comme de nouveaux partenaires privilégiés.

Manifestement, les divergences entre les pays membres de l’Alliance sont profondes, bon nombre de gouvernements alliés, et pas seulement la France, sont réticents à devoir payer toujours plus cher une défense (ou une sécurité) collective qui apparaît de moins en moins garantie par la politique et les opérations de l’Alliance Atlantique.

D’autre part, les recommandations du Sénat Belge à la veille du Sommet de Riga exprimaient plus que des réticences, mais des recommandations assez précises reflétant les préoccupations et les inquiétudes de la population en Belgique. Comme nous le montrons dans ce journal, notre gouvernement n’a tenu aucun compte de ces avis du Sénat puisqu’ il ne s’est prononcé contre aucune des Directives du Sommet de Riga.

Le point le plus flagrant concerne le stationnement des bombes atomiques en Europe, et celles de Kleine Brogel en particulier. Mais il y en a beaucoup d’autres, comme l’augmentation sournoise du budget de l’Otan et de la participation belge au financement de la Force de Réaction Rapide et à celui des opérations en Afghanistan, auxquelles la Belgique est opposée.

Malgré toutes les objections de plusieurs pays alliés, le terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive sont considérés d'emblée comme les menaces principales pour l'Alliance, suivies aussitôt par "la perturbation des approvisionnements en ressources vitales" : La scène générale est plantée, les « démocraties » ont absolument besoin d'une super-force capable de mettre hors d'état de nuire un état terroriste, qui menacerait les Bons (nous) par des armes de destruction massive, et menacerait de couper 'notre'pétrole et 'notre'gaz.

Par conséquent, comme le développe la Directive, l'OTAN doit être une force militaire mondiale capable d’ intervenir rapidement "là où c'est nécessaire", lorsque les intérêts des Etats membres sont menacés, même loin à l'extérieur de ses frontières : cela n'a vraiment plus rien à voir avec la défense du territoire des Etats membres prévue et bien balisée dans le Traité de l'OTAN2.

La mise sur pied effective de la Force de Réaction, forte de 25.000 hommes est la réponse concrète à cette orientation. Il est précisé que 40% des forces armées des pays devront être mobilisables pour des opérations de déploiement, prêtes à "mener des opérations expéditionnaires interarmées loin du territoire national". De plus, tous les pays membres vont, dès à présent, participer financièrement aux frais de logistique de cette Force de Réaction.

La Directive réaffirme que l'OTAN "continuera d’avoir besoin d’une combinaison de forces conventionnelles et de forces nucléaires, conformément aux directives en vigueur". Non seulement, elle envoie aux orties les résolutions du Sénat belge, mais elle oriente l’Otan dans un mépris complet du TNP et des Nations Unies et engage le monde dans une course effrénée aux armements.

Même si le financement commun des opérations n’a pas été exigé ouvertement, la Directive insiste sur la nécessité d'un "partage équitable des charges". Rappelons que les dépenses militaires de l'OTAN ont connu une augmentation de 12% depuis 2001, ce qui représente plus de 400 milliards d'Euros. Mais ce n'est pas assez, et la Directive prévoit l'accroissement des investissements dans les capacités essentielles. Mais un financement commun qui ne porte pas son nom, est déjà en route en Afghanistan (participation belge de 30 millions d’euros à des opérations où elle refuse d’envoyer des soldats), en Irak (participation financière accrue à l’Académie militaire de l’Otan et à la formation de la police), dans la Force de Réaction Rapide.

Est-ce vraiment le projet de société que les gens veulent dans nos dites démocraties ? La sécurité en Europe, on ne l'obtiendra pas par une politique de militarisation perpétuelle, mais bien en oeuvrant pour arriver à un monde plus juste, en investissant non dans les armes, mais dans la santé, l'éducation et le développement.

Même si les mouvements progressistes, le mouvement de la paix en Belgique ne veulent pas se poser la question de rompre ou de dissoudre cette machine de guerre de l’Otan, il faut au moins envisager une politique extérieure et de défense de la Belgique un peu plus audacieuse ! Rien n’oblige la Belgique à maintenir ces bombes atomiques sur notre territoire, rien n’oblige à financer l’occupation de l’Irak et de l’Afghanistan, rien n’oblige à maintenir des soldats belges dans ce pays !

1. Visible sur le site du CSO à l'adresse http://www.csotan.org/textes/doc.php?art_id=325&type=documents
2. cf http://www.csotan.org/textes/doc.php?art_id=60&type=documents