Ce mémorandum est le résultat de plusieurs initiatives de la diplomatie polonaise. Le 2 octobre 1957, le ministre des Affaires étrangères de la République Populaire de Pologne, Adam Rapacki, a présenté à la 12ème session de l’Assemblée Générale des Nations Unies, une proposition concernant la création d’une zone dénucléarisée en Europe Centrale. Cette dernière concernait la Pologne, la Tchécoslovaquie, la République Démocratique Allemande (RDA) et la République Fédérale Allemande (RFA).
Le plan Rapacki était une occasion unique pour les alliés de Bonn et de Washington de mettre un frein à l’incroyable folie qui s’était emparée de l’OTAN et, par la suite, du Pacte de Varsovie dans une course aux armements nucléaires dont l’issue ne pouvait être que catastrophique. Les obstacles au plan Rapacki furent nombreux particulièrement en ce qui concerne la RFA. La désatomisation de ces pays était le cauchemar des Occidentaux. On reprochait notamment au plan Rapacki de ne pas prendre en compte les armements conventionnels. En effet, le plus grand nombre des forces conventionnelles soviétiques constituait une parade aux armées occidentales nucléarisées, présentes sur le sol de la RFA. De plus, le chancelier Adenauer et son ministre Strauss essayaient par tous les moyens de posséder l’arme atomique ou, du moins, de la partager avec les Américains. Le gouvernement de Bonn craignait par-dessus tout de voir les Etats-Unis se retirer de son territoire s’ils étaient obligés de renoncer à leur armement nucléaire.
Suite à l’absence de réponse positive à ce projet, le gouvernement polonais a cru utile de publier un mémorandum le 14 février 1958, reprenant les propositions et en les complétant d’une série de recommandations. Ce mémorandum a été également présenté à l’Assemblée Générale des Nations Unies. Il comprenait 4 points : le 1er définit les zones dénucléarisées de l’Europe centrale, à savoir, les deux Allemagnes, la Pologne et la Tchécoslovaquie. Le 2ème demande que les quatre puissances nucléaires de l’époque s’engagent à les respecter. Le 3ème stipule que les puissances nucléaires n’utiliseront pas les armes nucléaires sur le territoire de la zone. Le 4ème demande que les forces armées des Etats stationnés dans la zone s’engagent à ne pas maintenir des armes nucléaires sur ce territoire. Ce mémorandum a constitué un excellent document pour la création de zones dénucléarisées dans le monde, comme celles concernant l’Amérique du Sud, le Pacifique, l’Afrique et bien d’autres.
Il est intéressant de noter qu’un dialogue entre la Belgique et la Pologne fut initié en 1963 avec l’arrivée aux Affaires étrangères de Pierre Harmel. En 1966 des contacts entre Pierre Harmel et Adam Rapacki furent plus encourageants que ceux qui avaient eu lieu avec l’ancien secrétaire général de l’OTAN, Paul-Henri Spaak. Certains diplomates polonais estimaient, néanmoins, que le projet Harmel constituait une compensation à l’acceptation, par la Belgique, du SHAPE sur son territoire.
En novembre 1967 Rapacki rencontra Harmel à Bruxelles et la presse polonaise reconnut que des progrès avaient été réalisés pour trouver une solution à la détente entre les deux blocs, américain et soviétique. On peut conclure que la guerre froide déclenchée par le discours de Churchill, le 5 mars 1946 à Fulton et poursuivi par Truman le 12 mars devant le Congrès ainsi que par Spaak, lors de son fameux discours aux Nations Unies, « NOUS AVONS PEUR » connut une légère accalmie grâce à la diplomatie de Rapacki et Harmel.
Il est consternant de constater que la politique étrangère de la Pologne d’aujourd’hui, de plus en plus crispée vis-à-vis de la Russie, a bien changé depuis le mémorandum concernant le plan Rapacki, en 1958.