Alerte Otan n° 51 - Janvier 2014
Le néfaste partenariat entre Union Européenne et OTAN

La Politique de Sécurité et de Défense commune (PSDC) que l’Union Européenne est en train d’élaborer très péniblement a connu un récent développement à la réunion du Conseil Européen de décembre 2013. Cette question est importante pour tous les mouvements progressistes et, particulièrement pour les associations de paix. Elle l’est d’autant plus à l’approche des élections européennes.

En effet, aucun débat à propos de l’armée européenne ne peut ignorer ou se dégager du fait que les dirigeants politiques de l’UE renforcent leur partenariat avec l’OTAN, au point de le rendre quasi exclusif. Les opérations militaires avec la bannière étoilée jaune et bleu sont de plus en plus nombreuses et couvrent des territoires de plus en plus larges. Par ailleurs, le partenariat avec l’OTAN est mis sur le même pied que le « partenariat » (pour reprendre les termes du document officiel du sommet de décembre) avec l’ONU. Aucun pays membre de l’UE ou/et de l’OTAN ne peut être membre, par exemple, du Groupe des Pays Non Alignés et les pays neutres au sein de l’UE ont de plus en plus de mal à faire respecter ce statut.

Le document officiel du Conseil Européen commence par cette observation :

« Pour la première fois depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne (2009), le Conseil européen a tenu un débat thématique sur la défense. Ce débat a été précédé d'une réunion avec le Secrétaire général de l'OTAN. Celui-ci a présenté son analyse des défis actuels et futurs en matière de sécurité et il s'est félicité que les efforts actuellement déployés et les engagements pris par l'UE et ses États membres soient compatibles avec l'OTAN et soient profitables à cette organisation. »

A ce propos, ISIS Europe (encore un Think tank indépendant et neutre….) a présenté sur son site, un article de Jamie Shea qui résume ce que l’OTAN attend de l’Union Européenne. Jamie Shea, trop bien connu des militants qui s’opposaient à la guerre de l’OTAN contre la Yougoslavie en 1999, a changé de poste et est à présent « Adjoint au Secrétaire général de l’OTAN pour les défis de sécurité émergents » (donc un homme indépendant et neutre…).

Les conseils de Jamie Shea à l’Union Européenne :

La PSDC a ses raisons de se focaliser sur l’Afrique, mais elle devrait viser à dépasser les missions individuelles et tendre à la stabilisation des régions entières. Pour ce faire, elle devrait avoir plus de cohérence et de liens entre toutes ses missions. De même pour les missions sur mer, comme la lutte contre la piraterie dans le Golfe d’Aden.

Pour renforcer la PSDC, l’UE devrait avoir des plans mieux préparés d’avance et prendre des décisions plus rapidement. Créer un fonds de solidarité pour lancer plus rapidement des missions et couvrir les frais des Etats UE engagés.

Il faut réaliser une plus grande synergie entre l’OTAN et l’UE. Faire des exercices ensemble, faire travailler en commun les Battle groups européens et la Force de réaction rapide OTAN. Avoir un système unique d’homologation des équipements militaires, un seul règlement pour l’espace aérien européen. Entreprendre des opérations ensemble , même en jouant un rôle différent : l’exemple de la Bosnie, du Kosovo et de l’Afghanistan pourrait servir de modèle pour la Libye dans le futur.

Une autre collaboration OTAN-UE à développer : l’OTAN continuera à tendre la main à des Etats UE non membres de l’OTAN, tels que la Suède et la Finlande, tandis que l’UE en ferait autant avec des Etats-OTAN, mais non membres de l’UE, tels que la Turquie et la Norvège. Tout ceci dans le but de promouvoir l’interopérabilité et la culture stratégique commune de toute la communauté transatlantique.

Il faut rationnaliser la dimension militaire de la PSDC : à commencer par éliminer les doubles emplois au sein de l’UE et entre l’UE et l’OTAN. Pour cela aussi, augmenter le niveau d’intégration de la Défense et réduire le degré d’autonomie et d’indépendance nationale. Le but est de développer des capacités européennes de « gestion de crises (crisis management) » et de « construction de capacités (capacity-building) » tandis que les USA et le Canada restent fermement engagés aux côtés de la défense européenne pour la dissuasion (nucléaire ?) et pour riposter à la résurgence de menaces plus grandes dans l’avenir.

Le Conseil Européen de décembre 2013 a bien pris note.

Le document qui publie les conclusions du Conseil semble un copié-collé des orientations otaniennes. Pourquoi faudrait-il une Défense européenne indépendante de l’OTAN puisque la « communauté atlantique » , celle des grandes multinationales capitalistes, défend, au-delà de la concurrence en son sein, les mêmes intérêts vitaux et a la même volonté de puissance face au reste du monde. Mais ce n’est pas pour autant l’intérêt de la majorité de la population de ces 34 pays qui font partie, et/ou de l’UE et de l’OTAN.

Claudine Pôlet