5. Les gardiens
Histoires du siège de Qâra, et de quelques unes de ses conséquences
Marie-Ange Patrizio
11 décembre 2015

Vendredi 9 octobre, après-midi, des informations reçues de Damas vont nous faire écourter notre séjour au monastère, nous devrons partir dimanche. Je réalise que nous n’avons pas encore organisé certaines rencontres projetées avant de venir en Syrie, pour notre séjour à Qâra : enseignants du primaire qui sont restés à leur poste tout le long de la crise (sauf pendant l’occupation par les terroristes, en novembre 2013), atelier de tissage de tapis traditionnel en cours de lancement, et ceux qui travaillent dans la région avec les « déplacés » syriens, c’est-à-dire : les habitants qui sont venus se réfugier dans les zones contrôlées par le gouvernement, après avoir quitté leur foyer dans les zones menacées ou occupées par les groupes armés (Armée syrienne libre, Etat Islamique -Daesh-, Al Nosra et autres groupes terroristes formés ou reformés pendant les presque cinq années de crise en Syrie). Personne, inversement, ne nous a parlé de Syriens ayant quitté leur foyer dans les zones « gouvernementales » pour aller se réfugier dans les zones contrôlées par les groupes armés, rebelles, révolutionnaires, modérés ou pas. Certains ont quitté le pays pendant quelques semaines ou mois et sont revenus ensuite dans les villes ou villages dont ont été chassés les groupes armés. Depuis le début de l’intervention russe (30 septembre) il semble que de nombreux Syriens soient revenus aussi des camps de réfugiés, et attendent la libération totale de leur région ou village pour y retourner.

Le samedi étant le jour férié hebdomadaire en Syrie, il est donc trop tard pour programmer certains rendez-vous extérieurs. Nous allons passer des travaux saisonniers aux interviews des gens proches du monastère, faciles à rencontrer sur place, et disponibles.

  Abu Georges supervise l’intendance du monastère depuis 2009 (y compris construction de la nouvelle hôtellerie pour les visiteurs, actuellement à l’arrêt) et avec son épouse Sylvie il s’occupe aussi de l’aide aux déplacés dans toute la zone du Qalamoun, pour le Croissant-Rouge.

  Il était là lors de mon premier séjour, en 2011, et il se souvient : à la demande de Mère Agnès, il avait accompagné à Homs une « journaliste freelance » (pour des médias catholiques), BP, qui faisait partie de notre groupe ; BP voulait absolument aller à Homs voir des « manifestations de démocrates» opposants à Assad. Il avait dû, « avec elle, pour sa sécurité à elle, entrer dans des quartiers dangereux de Homs », où on nous avait recommandé de ne pas aller. Traduction de R. : «Les gens les regardaient de leurs fenêtres, il n’y avait pas de voiture dans les rues, c’était très facile de se faire kidnapper dans une zone où il y avait l’Armée (dite) Syrienne (dite) Libre. On voyait bien qu’elle était étrangère [je confirme] ; on voyait des gens avec des cagoules, et des fusils. Elle a bien vu que c’était des gens masqués et avec des armes». La mission d’Abu Georges était de l’accompagner et de la ramener au monastère. BP, à qui j’avais demandé (perfidement, oui) le soir si elle avait rencontré les fameux manifestants démocrates dont on nous parlait tant en Europe, m’avait dit « non, mais je ne suis pas allée partout ». Je n’ai vu aucun compte-rendu de BP sur cette « mission », à mon retour en France. Mais peut-être ne suis-je pas, moi non plus, « allée partout » sur Internet…

  Abu Georges est originaire de Qâra, mais il est né et a grandi à Damas où il travaillait dans le bâtiment. Il était en relation avec Mère Agnès ; c’est à cause de la crise qu’il s’est "orienté vers le travail humanitaire, et c’est une grâce de Dieu de pouvoir travailler pour le Croissant-Rouge »[1]. Sa famille était à Damas pendant tout le début de la crise, c’est la première année qu’ils sont ensemble ici. Sylvie était responsable des aides humanitaires pour Mère Agnès à Damas. Elle est ici depuis cet été et elle est responsable à Qâra de l’organisation de stages pour les femmes ; toutes celles qui veulent, celles qui sont d’ici et n’ont pas ou plus de travail (et de ressources), et les déplacées.

  Abu Georges parle des gens qui travaillent avec lui, exceptionnels, "héroïques" dit-il : "ils vont livrer des denrées avec un van, maintenant c’est sécurisé mais ils l’ont fait pendant toute le période où c’était très dangereux de circuler ; où ils se sont plusieurs fois fait tirer dessus" (notamment lui et Brahim).

 Sylvie était enseignante à l’école Besançon, école française à Damas. "Avant les événements, il y avait aussi environ 2000 élèves au lycée français ; après le début de la crise, 675, et depuis ça varie[2]. Il y avait 300 enseignants, et il n’en reste plus qu’une centaine [la plupart, d’après une autre source à Damas, en contrats locaux avec l’association des parents d’élèves]. Le directeur, maintenant, est un Syrien. Il y avait une école française à Mazzé (quartier résidentiel de Damas) qui a fermé après le début des événements ; ils avaient peur pour les élèves". Sylvie a démissionné de l’école où elle enseignait depuis 15 ans.

  Leur fille est en terminale dans un lycée à 7 Km de Qâra, trajets quotidiens. Leur fils est à la faculté de médecine à Dayr Atiyah. Il avait d’excellentes notes ; il a demandé un visa pour venir étudier à la faculté de médecine à Lyon. Refusé. Motif étonnamment signifié par l’université qui n’est pas l’autorité compétente en la matière [par email à Soeur Claire-Marie] : il est catholique pratiquant, donc il refuse l’avortement, pense-t-on… Il avait été lui aussi à l’école Besançon. Maintenant c’est parce qu’il est à l’université du Qalamoun que Sylvie a voulu se rapprocher et venir habiter ici.

  Un détail me revient aujourd’hui, à propos des jeunes hommes qui poursuivent leurs études actuellement en Syrie. Détail peu médiatisé sur l’effroyable « dictature » des Assad, père et fils : pour la conscription, tout jeune Syrien garçon unique dans la fratrie est dispensé de service militaire, en tant que soutien de famille. Y compris en temps de guerre où pourtant l’Armée manque de soldats au bout de plusieurs années de l’agression qui a tué au combat au moins, estimation la plus basse, 80 mille militaires -appelés, réservistes ou engagés[3]. Les divers attachés et expatriés que nous avons stipendiés pendant des années en Syrie par exemple à l’ambassade et à l’IFPO[4], aujourd’hui recyclés en France experts politologues, oublient, entre autres choses, de nous parler de ce détail dans les médias où ils passent en boucle pour cracher sur le «régime ».

  Abu Georges : "Pour comprendre la situation ici : la ville est sur la frontière avec le Liban, la contrebande y était une ressource essentielle ; l’autre étant la production de cerises sur les flancs des montagnes, à quelques kilomètres. Maintenant les cerisaies sont aux mains de Daesh qui a pris la montagne. La cerise de Qâra n’est pas pour la consommation courante car elle est très chère ; c’est une variété qui est ferme, donc bonne pour l’exportation. Elle s’appelle napoléon, en tous cas ici on l’appelle comme ça"[5]. A ce moment de notre entretien, on entend le canon.

 "Ici, le froid complexifie la situation : à Qâra il peut faire -16, -20°, l’hiver. On est à 1300 mètres. A cause de la crise il n’y a plus de contrebande [ou plus la même], il n’y a plus de cerises, le mazout est rare et cher et il fait très froid". Toutes circonstances aggravant les problèmes de Qâra où, "avant la crise, les jeunes entre 16 et 18 ans arrêtaient l’école pour faire de la contrebande qui leur rapportait beaucoup plus. De ce fait, une partie de la population n’a pas de métier, et a eu beaucoup d’argent par la contrebande. Donc le niveau d’éducation scolaire est faible, ici".

m-a : Contrebande de tout, y compris armes ? « Avant [la crise] ils prenaient le mazout ici [vendu à bas prix] et le vendaient au Liban. Et ils revenaient avec de tout. C’était une bombe à retardement, avec ces facteurs de déséquilibre : économiques, sociaux et moraux. Avant à Qâra il n’y avait pas de vol, ça a commencé à apparaître. Ici c’était très préservé, et maintenant on a commencé à voir des familles se défaire ; c’est ce qui fait que le monastère se concentre sur Qâra, plutôt qu’ailleurs ».

  Abu Georges et sa femme ont « pris aussi l’option du Croissant-Rouge pour renforcer le travail du monastère ; ils ont plus de soutien. Le Croissant-Rouge les a sollicités parce qu’ils sont les mieux rodés à Qâra pour ces interventions ; avant, l’équipe de Mère Agnès, ils étaient 25 ; maintenant ils ont une équipe de 256 personnes, au Croissant-Rouge. Ils ne travaillent pas qu’avec les chrétiens : avec toutes les familles qui ont besoin d’eux. Une équipe était déjà formée, avant, par le monastère, et c’est le Croissant-Rouge qui leur a demandé de constituer aussi une équipe pour lui. Il y a un village à côté, Jarajir, où il n’y a aucun chrétien, ils ont aidé tout le monde.

  Le 15 XII 2013 [un mois après l’occupation de Qâra par les groupes armés] ils ont agrandi leur zone d’intervention à cause des besoins. Pour l’équipe de Mère Agnès la zone est la Syrie toute entière ; pour le CR seulement la région Qalamoun.

  Un mois avant, il y avait eu des combats entre l’Armée syrienne et les groupes armés. Personne ne pouvait circuler sauf la voiture du monastère : ils pouvaient entrer et sortir car ils représentaient le monastère, et l’Armée Syrienne qui faisait le siège autour de la ville acceptait que le véhicule passe. Les groupes armés se sont enfuis après 3 jours de combats, ils sont allés au Liban à Aarsâl [juste de l’autre côté des montagnes]. Les civils étaient partis dès l’arrivée des groupes armés, ils avaient peur des combats. Avant la crise il y avait environ 25 000 habitants à Qâra, et après ces 3 jours de combat 20 personnes seulement étaient restées : une seule famille, avec des personnes handicapées qui ne pouvaient pas bouger et des personnes âgées. Les 3 premiers jours ils ont accueilli au monastère 200 familles, sauf les hommes : Abu Georges a interdit aux hommes de rentrer pour éviter des problèmes.

 Ici, ils avaient 5 paquets de pain et quelques produits alimentaires, ils ont divisé les paquets de pain, "on a l’habitude de faire des réserves de nourriture", ils ont commencé à donner du pain ; à un moment ils en ont donné à un vieil homme qui est riche, et Abu Georges a senti qu’il était gêné. Le vieil homme l’a pris dans ses bras et lui a dit "ça fait deux jours que je n’ai pas mangé", il avait les larmes aux yeux.

 Ensuite un soldat du Hezbollah l’a appelé pour lui dire qu’il y avait une vache dans une ferme qui perdait son lait : qu’il vienne la chercher. Il n’a pas pris ça au sérieux mais le soldat l’a rappelé pour lui dire "on vous attend !". Abu Georges a demandé à Brahim de l’accompagner. Ils sont partis chercher la vache et en fait ils ont trouvé plein d’animaux dont beaucoup avaient péri ; ils ont dû y retourner plusieurs fois, et ont ramené plus de 100 vaches, rassemblé environ 200 moutons et chèvres. A ce moment-là c’était très dangereux, ils ont essuyé des tirs, des balles ont frôlé les pieds de Brahim. Tous les animaux qu’ils ont trouvés ils les ont ramenés au couvent et dans la ferme d’en face [élevage de volailles, fermé maintenant, zone militaire]. Comme Brahim s’y connaît un peu en élevage, il a pu s’en occuper. Et il se trouve qu’il y avait à Qâra un vétérinaire -dont la femme et les enfants étaient réfugiés à Damas- qui était revenu seul voir son père resté ici ; Abu G lui a demandé de venir les aider. L’épouse de cet homme l’appelait de Damas en lui disant de venir s’occuper d’eux mais il a fini par lui répondre de se débrouiller, qu'il avait autre chose à faire !

  Ils n’avaient plus d’électricité et c’était l’hiver, beaucoup de neige mais plus d’eau. Ils ont fait fondre la neige pour donner à boire aux animaux.

  Quand les gens sont rentrés chez eux après les combats, ils venaient reconnaître leurs animaux et les reprenaient. Une partie des animaux avait été volée et vendue entre le 19 et le 25 XI 2013. Ils avaient commencé à 3, le vétérinaire a été le 4ème, puis un avocat qui était au monastère les a aidés. Un autre jeune et 2 personnes extérieures à Qâra.

 "L’étincelle est venue du responsable du Hezbollah" qui l’a appelé. Abu Georges lui avait dit mais il y en a beaucoup ! l’autre lui a dit ça ne fait rien. Si quelqu’un vous embête on peut s’organiser avec l’Armée pour vous faciliter la tâche.

  Ils ont trait les vaches qui en avaient besoin, même si personne ne savait traire (rires). Ils ont eu beaucoup de lait. Sylvie en se moquant : "ils se lavaient avec du lait !" Abu Georges : "non, mais comme il y en avait beaucoup et pas d’eau on buvait du lait ; les religieuses ont fait des yaourts qu’ils ont donnés à Qâra".

  Ils ont cherché où il y avait du foin. Par chance ils en avaient eux, ici, et à la ferme d’en face ; et Abu Georges avait un ami qui avait beaucoup de vaches, donc du foin : ils ont tout ramené au monastère. Ils ont pu nourrir un peu les bêtes, en partageant ce qu’ils avaient : une vache a besoin de 8 kilos de nourriture, ils ne pouvaient en donner que 4. Pour leur donner à boire, ils mettaient des grosses bassines de neige à chauffer.

  Avant que les gens ne reviennent les chercher, les animaux sont resté plus d’un mois et demi, certains trois mois et "nous nous sommes débrouillés, dans la neige, pour faire vivre ces vaches. Le vétérinaire était musulman. Nous sommes fiers de cette action !".

Quand les habitants de Qâra sont revenus leurs maisons étaient presque toutes pillées, certaines brûlées. Comme le monastère leur donnait des aides ils pensaient que le monastère n’avait aucun besoin, Abu Georges n’a pas de souvenir d’une chèvre ou d’un agneau donné en remerciement ; les gens ne pensaient pas à donner eux-mêmes quelque chose pour remercier d’avoir retrouvé leurs animaux en vie.

 Certains habitants pillaient les maisons qui étaient encore vides. Alors eux descendaient du monastère et allaient engueuler les gens qu’ils voyaient piller, ils les chassaient et fermaient les portes des maisons. On leur a dit après : « vous êtes les gardiens de Qâra ! ».

Brahim : « on ne pensait pas à la peur, dans le feu de l’action !».

  Il n’y avait pas de réseau pour téléphoner. Abu Georges est monté en haut de la tour pour trouver un soupçon de réseau pour envoyer un SMS à sa femme et appeler Agnès Mariam qui était aux USA. "Heureusement qu’elle était aux USA car sa présence ici était un danger plus important pour le monastère. Aujourd’hui, oui, elle est toujours visée, donc sa présence est un danger pour les autres. Quand elle vient, comme ces jours-ci, on lui dit de partir le plus vite possible. Quand elle est ici c’est à nous de la protéger.

  Les ambitions de Daesh, ce n’est pas que la Syrie, leur but c’est l’Europe, parce que Daesh est partout, parmi les réfugiés il y a des gens de Daesh ".

m-a : Qui finance les aides pour les déplacés ?  "Le Croissant-Rouge ".

Les aides distribuées par les équipes de Mère Agnès sont financées par les dons reçus[6] au Monastère Saint Jacques le Mutilé, provenant de la solidarité suscitée par les conférences de Mère Agnès ; qui a appris l’existence de "sommes énormes" arrivant ailleurs en Syrie via des églises évangéliques étasuniennes ou communautés -dites- « caritatives » nord-américaines. Avec bibles en prime pour la nouvelle croisade. Fond de commerce et fonctionnement identiques à ceux des sectes fondamentalistes (financées par « nos amis » du Golfe) que nous prétendons combattre maintenant en Syrie, et à Paris.

  Où va cet argent ? Les Patriarcats d’Orient sont très vigilants, politiquement, et transparents dans leurs actions : et de ce fait mal vus par les gouvernants occidentaux.

Pour les réfugiés syriens en Turquie, par contre, l’Union européenne vient d’allouer 3 milliards d’euros au gouvernement turc[7] : qui peut contrôler la destination exacte et l’utilisation de cet argent ? "Blanchiment d’argent pour les armes que va livrer l’Occident" plus ou moins clandestinement aux mercenaires terroristes, ai-je entendu pendant notre séjour, cette allocation venant d’être annoncée mais pas encore actée.

Samedi 10 octobre matin, rendez-vous avec Brahim et Sylvie pour plus de précisions sur leur intervention ; Abu Georges est là aussi. Ambiance de jour férié.

  Dehors, pendant que j’attends avec Brahim, je le questionne sur les montagnes derrière nous, qui sont pelées ; il me dit que les tâche vertes qu’on voit sur les contreforts sont des cerisaies. Et Daesh pas loin. Abu Georges me dit en passant no camera en me voyant avec l’appareil photo en-dehors de l’enceinte du monastère, zone militaire.

Brahim : "Avant, toute la montagne était une forêt, avec des arbres un peu comme les cèdres au Liban, mais d’une autre variété. Toute la montagne a été déboisée au fil des siècles. C’était du très bon bois, pour faire les maisons, pour les charpentes. Il y en a d’ailleurs dans le monastère".

  On commence nos entretiens en déjeunant avec Brahim qui vient d’apprendre qu’il doit partir à 10h à Tartous (livrer le fauteuil roulant avec le jeune réserviste).

Sur la table : pains, petits fromages genre mozzarella et féta, olives vertes, oeufs durs, tomates. Et zaatar (le vert) ; Sylvie nous dit qu’en Allemagne sa soeur trouve plus de choses qu’ici pour cuisiner syrien !

m-a à Brahim, jeune homme d’une trentaine d’années : quel est ton travail sur le terrain ?

Il est fonctionnaire, ingénieur agronome, il dirige  - "petit directeur " nous dit-il en riant-  une usine d’aliments pour animaux, à 15 Km, à An Nabk. Après son travail il vient ici, après 15h et les jours fériés : pour les déplacés et pour la gestion des 40 hectares du monastère. "Une partie seulement est cultivée, maintenant : la plus proche du monastère, qui malheureusement n’est pas bonne pour la culture. L’autre partie, la meilleure, ne peut plus l’être car sous le tir possible des terroristes. Dans le domaine, il y a des oliviers, abricotiers, amandiers, figuiers, cerisiers (peu), noyers, pommes et poires, cognassiers (pâtes de fruits de Claire-Marie). Un seul noisetier, et des pêchers. Et les potagers. Et une céréale pour les animaux" [dont nous n’arriverons pas à identifier le nom : peut-être du seigle].

  Autrefois Brahim avait lui-même une ferme avec des animaux, poules, moutons ; maintenant il n’a plus d’animaux, seulement des cultures. Parce que les conditions sont difficiles : le travail coûte très cher et il est risqué. S’il a des animaux et qu’il y a encore une attaque il sera obligé de les abattre ; ça coûte cher de les avoir donc ce n’est plus possible pour le moment. Il avait environ 130 moutons, pour l’élevage. Dans la première période il a vendu du lait et quand il a eu trop de travail il a abandonné la vente du lait de brebis et a fait de l’élevage seulement pour la viande. La viande de mouton est 7 fois plus chère maintenant. Les oeufs, ça fait deux ans qu’il n’en vend plus ; 30 oeufs = 700 LS , 1 oeuf = 25 LS. Autrefois entre 50 et 100 les 30 oeufs ».

m-a : et avec l’équipe de Mère Agnès ?

Ils font la distribution des aides : aliments, vêtements, hygiène. Mère Agnès achetait des grosses quantités de riz qu’ils divisaient pour faire des rations. Mais ça n’est pas toujours facile, les gens peuvent être agressifs s’ils n’ont pas leurs aides. Ils distribuent aux réfugiés et aux gens de Qâra et des alentours, à tous ceux qui ont besoin.

"Une partie de l’équipe va dans les maisons, pour faire l’inventaire de ce qu’ont les gens ; c’est un travail qui est sympa et en même temps difficile, parfois très difficile".

m-a ?  "De traiter avec les gens parce que tout le monde veut, tout le monde a besoin, ils veulent qu’on leur donne ce qu’ils veulent, eux, et pas forcément ce qu’on a, nous".

Des fois il a envie d’arrêter mais quelque chose lui dit non ; "c’est difficile aussi d’arrêter !"

m-a : depuis quand font-ils ça ?

"Depuis le 15 XI 2013. Toujours la même date !" A Damas l’équipe de Mère Agnès a été active avant, et il lui arrivait d’aller à Damas pour aider.

m-a : tu as aussi du temps libre ?

 "Maintenant oui, parce que la distribution ce n’est pas tous les jours. Quand les aides arrivent on distribue. L’aide vient de Mère Agnès, et des Jésuites". Et il leur arrive de donner de l’argent : pour des gens qui sont malades, pour des opérations chirurgicales.

Les denrées alimentaires arrivent de l’extérieur. Ici à Qâra ils n’ont jamais acheté de denrées à distribuer. Mais ils préfèreraient recevoir de l’argent et acheter dans le pays [bien moins cher que d’envoyer d’Europe, et pour faire fonctionner la production et le commerce syriens].

  Sylvie connaît une Libanaise d’origine syrienne qui lui donnait de l’argent pour qu’elle lui achète des lots de sous-vêtements ici, parce que le coton syrien est beau, de belle qualité ; elle les vendait ensuite au Liban et la différence allait aux réfugiés. "Il y a plein de petites actions de solidarité. Il y a ce qu’il faut en Syrie, pour se nourrir, se vêtir. Mais maintenant ça peut être très cher ; par exemple, les bons cartables, ceux qui durent longtemps valent environ 10 000 LS, et le salaire mensuel de ceux (militaires) qui sont sur les frontières c’est environ 15 à 20 000 LS (100 $) ; alors les gens sont d’accord pour donner un bakchich".

Le salaire de Brahim est inférieur à 100 $, environ 20 000 LS.

"Les salaires ont été augmentés après l’Aïd, 130 $ [si nous avons bien entendu] environ ; même si c’est peu on remercie Dieu. Et les fonctionnaires ont toujours été payés. Avant la crise la Syrie n’avait pas de dette «  et croissance à 7%.

"La Syrie est auto-suffisante. Par exemple, la production de blé est suffisante pour avoir toujours 5 années d’avance ; la Turquie en a pillé ces dernières années mais il y en a encore !".

  Abu Georges reprend la parole : L’an dernier, l’hiver a été très sévère. Une femme l’a arrêté sur le chemin et lui a dit qu’elle avait besoin de choses pour ses enfants, qui n’avaient plus rien à se mettre. Il a demandé les tailles, les pointures, elle a appelé son fils pour lui demander sa pointure, il avait des claquettes en plein hiver. Abu Georges avait des chaussures en réserve, mais juste la pointure au-dessous : trop petites. Lui au monastère il peut bouger, demander à Mère Agnès, et aller chercher des choses ailleurs. Pas le CR où on ne prend que ce qui arrive. Un carton d’aide du CR vaut 100 LS et comme la personne qui le reçoit a d’autres besoins elle est obligée de vendre ; il excuse les gens qui revendent le contenu des cartons d’aide. "En plus ils sont perdants car quand ils vendent ils perdent 40% de la valeur du carton ; si les aides étaient en cash ça éviterait tout ce trafic et ça serait plus adapté".

 Récemment les usines de médicaments autour de Damas ont réouvert, mais ça a augmenté de 55%, d’un coup. C’est récent qu’ils aient des médicaments à distribuer. Agnès Mariam avait des hôpitaux ambulatoires pour Homs et Alep. Dans la première période, quand les habitants sont revenus à Qâra après la bataille il n’y avait plus rien. Du monastère, eux arrivaient à sortir : ils répertoriaient les besoins de la population en médicaments et allaient les chercher ailleurs. Avant il y avait 10 pharmacies à Qâra, qui est un gros bourg depuis longtemps : en 1266 il n’y avait que des chrétiens à Qâra, 36 000 habitants. [Le père de Brahim, militaire à la retraite, a écrit un livre sur l’histoire de sa ville : nous y reviendrons]. Les derniers temps, il y avait 25 000 habitants à Qâra ; après, 80 000 avec les déplacés de Al Qusayr ».

Brahim : "Quand on est sorti de la colonisation ottomane, la France nous a sortis de la misère et de l’ignorance et ouverts au progrès et à la civilisation ; nous nous considérions comme des amis de la France et nous ne comprenons pas son attitude actuelle». Ces propos de Brahim, que je ne partage pas, reflètent aussi, en tous cas, la perplexité de nombreux Syriens sur l’attitude des gouvernants français ces dernières années (ministres des Affaires Etrangères notamment, dont Alain Juppé au coude à coude avec celui qui apprécie le « bon boulot » de la branche syrienne d’Al Qaeda, le Front Al Nosra).

m-a : mais maintenant nous avons des gouvernements sionistes et atlantistes.

  Nous sortons accompagner Brahim qui va partir livrer le fauteuil roulant à Tartous (20 kilos, donateur : www.arcenciel.org Liban, inscription sur le carton : « participer au développement »). Nous bavardons avec le jeune réserviste qui va conduire et escorter la livraison (cf. « Matins de lumière »).

  Toujours intriguée par la nudité des montagnes, je demande à Sylvie quelle est l’origine de la déforestation : « Au fil des siècles, et en particulier par les Turcs : et ça s’est achevé avec le besoin de travées pour construire la voie ferrée de l’Empire ottoman vers La Mecque. Mais la déforestation avait commencé il y a 4 ou 5 siècles ».

 Sylvie est d’origine arménienne, catholique, elle pourrait avoir un passeport arménien parce qu’elle peut prouver que ses ancêtres sont arméniens ; elle a 41 ans. Elle organise des stages de crochet et tricot. "Les ateliers de tapis c’est une autre qui s’en occupe".

"Ça fait longtemps que les gens ne savent plus faire ces travaux-là parce qu’on pouvait les trouver beaucoup moins cher que si on les faisait à la maison. Avec la crise tout est beaucoup plus cher et c’est nécessaire de se faire soi-même certains vêtements pour économiser ; faire ses pulls" etc. Ils ont mis une annonce au Croissant-Rouge, et dans les rues, pour demander qui veut faire du tricot ou du crochet ou de la couture et ils ont commencé cet été.

  Au début il y a eu peu de femmes. "Quand c'est gratuit on croit que ça n’est pas sérieux, pas important. Donc peu de femmes sont venues". Pour qu’elles viennent Abu Georges leur a dit que celles qui viendraient auraient une aide ; « comme celles qui viennent sont très pauvres, elles ont eu une aide que de toutes façons elles allaient avoir » (!). Elles ont commencé avec une ou deux femmes seulement, et ensuite une dizaine sont venues. "Quand elles ont commencé à apprendre, elles ont beaucoup aimé. Celles qui ne savaient absolument pas tenir une aiguille étaient très contentes".

m-a : quel âge  ? "de 16 à 50 ans environ. Les jeunes ne savaient pas du tout, et certaines parmi les plus âgées non plus ; elles n’avaient pas de technique". Le CR donnait le matériel -3 pelotes- pour s’entraîner et ensuite un sac de pelotes pour faire un tricot utile ; stages dans les locaux du CR, dans une pièce de quelques mètres carrés.

D. : pour vendre ? « "Oui, c’était ça le but, pour avoir une source de revenus. On a commencé cet été. A An Nabk des femmes le faisaient avant la crise, depuis une dizaine d’années, et quand elles sont venues voir ce que faisaient les stagiaires ici, elles étaient étonnées de leurs travaux".

Stages de 2 mois et demi pour le crochet, deux mois pour le tricot : 3 fois 1h30 par semaine = 25 séances. Sylvie a un salaire symbolique pour ce travail.

  Le but est d’apprendre aux gens à faire quelque chose soi-même : robes, vêtements, chaussettes, bonnets bébés, écharpes, châles, gants. Trois stagiaires qui travaillent très bien vont aller vendre leur production au bazar [marché]. "Elles ont commencé pour les bébés et ensuite les vêtements pour des plus grands. C’est important pour la femme qui reste à la maison ; on boit beaucoup de café ici, alors quand on boit le café on tricote et psychologiquement c’est un très bon plan, tu produis quelque chose".

  L’équipe pense faire bientôt des cours de français et anglais, "stages de langue pour les enseignants, du CP à la 4ème, pour la prononciation ; les profs ont une mauvaise prononciation. Pour le tricot tout est théorique, les devoirs, la pratique c’est à la maison, il y a même un mari qui en a assez de toujours voir sa femme avec un tricot ! ». On se quitte en bavardant tricot, crochet…

  Nous avons continué ce jour-là par les entretiens avec le jeune réserviste et le colonel, de passage au monastère. En fin d’après-midi nous partons à Qâra faire une visite à une famille de déplacés. Visite non préparée : nous ne savions rien de ceux que nous allions rencontrer, introduits par deux personnes du Croissant-Rouge avec qui nous échangeons quelques mots -R. traduit- en passant les prendre avec le pick-up de Abu Georges : on se serre et on ne traîne pas dans les rues du quartier, l’obscurité est en train de tomber. La jeune femme qui nous accompagne est psychologue, mais on n’aura pas le temps de parler, ni avant ni après notre visite ; son mari est le maire du quartier et nous expliquera, chez les déplacés, le mode de désignation du maire.

  Nous arrivons dans une petite maison basse entourée d’une cour, il semble que nous arrivions au milieu d’une fête familiale, il y a du monde mais on s’installe à l’écart avec celle que nous venons rencontrer, dans la pièce où elle vit. Tapis par terre, un plateau avec le maté et quelques biscuits arrive ensuite : nous sommes une bonne dizaine et partageons les trois verres, par souci d’économie. Celle qui nous reçoit a cinq enfants. L’aîné est un garçon qui a 8 ou 9 ans, à qui sa mère dit de s’asseoir à côté de moi. Nous sommes nombreux dans la pièce qui n’est pas grande : nous trois, les deux membres du CR et Abu Georges (qui s’absente ensuite pendant notre entretien), notre hôtesse et une de ses soeurs habitant dans la maison à côté, et une ribambelle d’enfants qui, quand ils vont être moins intimidés par la situation, entrent et sortent librement, et gaiement. Pas facile de s’entendre au milieu de ces va et vient, de la circulation du maté, des interventions des membres du CR pour expliquer la situation. La jeune femme raconte, et précise en fonction de nos questions.

 Ils sont « déplacés » venant de la Ghouta, de Beit Sawe, à côté d’Irbin. L’aîné des enfants présents dit tout d’un coup à sa mère que le petit a été réveillé ; on ne l’avait pas vu, il était sous une couverture, sa mère ne l’avait pas laissé sortir parce qu’il est malade. Très rapidement elle parle de l’aîné, qui a plutôt envie de quitter la pièce pour aller rejoindre ses frères et cousins. "Il a eu un accident, un baril d’essence a explosé à cause de la chaleur (chez eux) et il a un morceau de cerveau qui est sorti. On lui a mis un os artificiel, un morceau de crâne", opéré à l’hôpital du Qalamoun. "Il ne peut pas lire, se concentrer, il va à l’école mais il ne lit pas, n’écrit pas, il a des problèmes de concentration". Sa mère dit que c’est peut-être le choc qui fait qu’il est comme ça. "Quand il entend un bruit ça le réveille, ou ça lui fait peur. Il faudra plus tard lui remplacer cet os artificiel ». Le récit est impressionnant mais le garçon n’a pas l’air d’avoir de séquelles fonctionnelles apparentes.

   Puis elle nous dit que son mari a été pris il y a deux ans, à un barrage de l’Etat, et depuis elle n’a aucune nouvelle de lui, qu’il n’a aucun lien avec les groupes armés, que c’est peut-être un problème d’homonymie, elle ne sait rien sur lui… Ici elle a des frères qui l’aident, elle s’entend bien avec eux, elle a peu de ressources pour vivre, elle est à l’étroit.

  Celui qui nous a amenés ici nous explique alors sa fonction dans le quartier qu’il administre, et le mode de désignation du « maire » ; il travaille aussi pour le Croissant-Rouge, avec sa femme. Ses interventions sont intéressantes mais nous entraînent loin de ce que disait notre hôtesse et je demande si on peut revenir à elle. Qui nous demande alors si on peut parler à Mère Agnès de son mari, pour avoir des informations. Les échanges sont confus, difficiles à cause des interventions qui se croisent, en s’interrompant. Abu Georges revient avec un grand sac dont il sort des peluches qu’il distribue aux enfants rentrés derrière lui…

m-a à l’hôtesse : Depuis combien de temps sont-ils là ? "Depuis le début des événements".

  Pendant que sa mère parle, l’aîné-rescapé qui est à côté de moi se lève discrètement, sans difficultés et rapidement pour essayer de rejoindre la bande qui est ressortie : je le retiens par la jambe et il se rassoit, sans difficultés fonctionnelles et sans résistance non plus, sans rancune, je lui fais comprendre qu’on n’a pas fini ! Dans le brouhaha je demande à R. de lui dire qu’il écrive son prénom, en lui tendant mon crayon et mon cahier : il le fait sur le champ, sans hésitation ni difficulté apparente ; puis, deuxième question du « test », je lui dis « Souria ? » en montrant le papier, et il l’écrit aussi, sans traduction cette fois. Je lui dis alors en français qu’on a fini, tous les deux, et qu’il peut sortir si il veut ; il comprend instantanément et sort content. La partie « verbale » du test -flash- improvisé me semble plutôt bonne ! Je montrerai le soir la partie « performance » à R. et D. qui n’avaient pas suivi cette partie là de la « consultation ». J’ai des doutes sur l’origine traumatique de ses difficultés à écrire et à se concentrer en classe.

  J’essaie de reprendre le fil de la conversation avec notre interlocutrice, au milieu des interventions multiples : pourquoi ont-ils quitté leur maison à Ghouta ?

« Parce que ce qu’elle voyait à la télé lui faisait peur et elle ne voulait plus sortir et ils ont décidé de partir, de venir ici où est sa famille. Son mari était chauffeur de taxi là-bas. Elle a décidé rapidement avant que quelque chose ne lui arrive. Elle ne veut rien savoir de Ghouta. Quand il y a eu les événements à Qâra [novembre 2013] ils sont à nouveau repartis, cette fois à Aarsâl, au Liban ; elle y est restée un mois. [Pendant toute notre  visite je remarque que les petits ne touchent pas aux biscuits, peut-être leur a-t-on dit de nous les laisser].

m-a : Son mari a pu continuer à travailler ici ? Oui, il avait trouvé une voiture, pas un taxi, un camion citerne. "Quand ils l’ont pris, il partait chercher des affaires à Damas, mais pas avec son camion citerne".

Elle a des aides pour elle et sa famille ? « Elle lave des tapis pour les gens, à un lavoir » ; on a vu ces tapis étendus sur la murette à l’entrée de la maison ; « elle gagne de l’argent comme ça. Elle a des aides du Croissant-Rouge mais pas de l’Etat : "si quelqu’un est fonctionnaire, il a des allocations, sinon rien" (sic). A la fin de la crise elle ne retournera pas là-bas où elle était en location, ici elle est chez elle.

m-a : est-ce que les enfants parlent de la disparition de leur père ? -"Qu’est-ce qu’ils peuvent dire ?" Elle pleure. Ne peuvent-ils rien dire ?

R. me dira ensuite que ceux qui nous ont introduites ont trouvé mes questions déplacées, « des questions de journaliste ». Qu’attendait-on de nous ? Nous sommes venues en tant que voyageuses, questionnant sur la vie quotidienne des gens que nous rencontrons. Il était essentiel, pour moi en tout cas, de poser des questions sur les raisons et les circonstances du « déplacement » de nos hôtes. Celle qui nous a reçues a parlé d’abord de l’accident de son fils et questionnées sur ses effets présumés ; lui avait-on dit que R. et moi étions psychologues ? En tout état de causes une « consultation », la plus imprévue et improvisée soit-elle, sur des effets présumés traumatiques ne se passe pas d’un minimum d’anamnèse, y compris sur la situation familiale, surtout avec une disparition -énigmatique, telle que je l’ai entendue- du père. 

  A la fin de notre visite quand nous sommes debout pour partir le jeune accidenté n’est pas loin de moi et, en lui serrant la main pour le saluer, je lui dis -en français et demande à R. de lui traduire- qu’il est important pour le moment, pour lui et pour sa famille, qu’il continue à aller en classe, travailler. Emballé c’est pesé ? Peut-être, mais le très bref échange avec ce jeune garçon a sans aucun doute été pour moi le meilleur moment de cette visite qui me laisse par ailleurs quelques interrogations.

  Le soir je suis fourbue ; et interrogative après les rencontres de cette journée et les discussions qu’elles provoquent, y compris entre nous trois dans la chambre du monastère. Les traumatismes de guerre et de la guerre travaillent l’intimité et la vie sociale de tous ceux qui y sont confrontés, victimes, témoins et visiteurs[8]. Avec leurs effets dits secondaires, nocifs ou faussement bénéfiques, qui peuvent égarer chaque sujet happé plus ou moins directement dans cette situation confuse et tragique.

  Toutes choses à questionner et analyser sans préjugés ni a priori, pseudo scientifiques ; et politiques. La résistance à l’agression, l’action pour préserver justice et dignité, la reconstruction matérielle et la réconciliation en cours sont une part essentielle aussi de la thérapie la plus intime, à tout âge, chacun selon ses moyens, là où il est. En Syrie comme ici.

m-a patrizio

Marseille,11 décembre 2015

Merci, une fois de plus, à Dominique de France pour sa contribution à la précision et à la logique des textes des entretiens.



[1] Le Croissant-Rouge syrien fait partie de la Fédération Internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et Croissant-Rouge.

[2] A mon retour, jai rencontré dans la région marseillaise une fillette syrienne qui était dans cette école, à Damas, jusqu’à son départ il y a trois mois ; lan dernier un tir de mortier des « rebelles » de Douma a tué une de ses amies, sous ses yeux.

[3] Par contre : « Les « Forces mocratiques (sic) de Syrie », pseudo-parti politique créé par les puissances coloniales (France, Israël, Royaume-Uni) pour masquer le YPD (Kurdes de Syrie), ont décrété la conscription obligatoire des jeunes de 18 à 30 ans. De nombreux Kurdes, opposés à la création d’un pseudo-Kurdistan dirigé par le clan Barzani, fuient les camps de réfugiés en Irak et en Turquie pour ne pas être contraints de se battre pour ce projet », http://www.voltairenet.org/article189398.html .

[4] Institut Français du Proche-Orient, voir à ce sujet : http://palestine-solidarite.org/analyses.marie-ange_patrizio.270214.htm

[5] Cette variété -bigarreau napoléon- à cause de sa taille et de sa fermeté est utilisée dans la confiserie, dans le Vaucluse. Avant lembargo limportation revenait moins cher pour les confiseurs européens.

[6] Dons déductibles fiscalement, par le biais dune organisation française : traçabilité garantie du donneur au consommateur.

[8] et bourreaux, sans aucun doute ; autre histoire que travaille le processus pour la réconciliation. Voir à ce propos lentrevue accordée par le Président Bachar al-Assad à la télévision tchèque le 1er décembre 2015 [Texte intégral transcrit et traduit par Mouna Alno], question 11 :

« le processus politique a deux aspects : lun deux est de traiter avec lopposition politique, lautre est de traiter avec ces groupes [armés]. En Syrie nous désignons ce deuxième aspect par « le processus de réconciliation » qui fait que nous accordons lamnistie à ceux qui déposent leurs armes et retournent à une vie normale.

Intervention : À vos conditions ?

Président al-Assad : Non, il sagit dune  amnistie avec reprise dune vie normale. Dans ce cas, lamnistie est totale sans aucune condamnation retenue contre vous. Vous êtes libre de mener votre vie, une vie normale, paisible, sans combat armé, sans terroriser les gens. En Syrie, ce processus de réconciliation a réussi plus que tout autre processus politique ».

http://www.mondialisation.ca/entrevue-avec-le-president-syrien-bachar-al-assad-nous-devons-proteger-notre-pays-des-terroristes-soutenus-par-des-puissances-regionales-et-par-loccident/5493348

Autres textes de Marie-Ange Patrizio sur le site du CSO