La marche somnambule vers la guerre

Roland Marounek
1 septembre 2016

La menace russe…

« Les actions agressives de la Russie, y compris ses activités militaires provocatrices à la périphérie du territoire de l’OTAN et sa volonté avérée d’atteindre des objectifs politiques par la menace ou l’emploi de la force, constituent une source d’instabilité régionale, représentent un défi fondamental pour l’Alliance, … menacent l’objectif, que nous poursuivons de longue date, d’une Europe libre, entière et en paix. »: Le communiqué du dernier sommet de l’Otan repose sur le fait ‘acquis’ que la Russie représente une menace expansionniste dont l’Europe ‘libre’ doit se protéger.

Et il ne s’agit pas de la simple rhétorique d’une organisation obsolète qui se cherche une raison d’exister : c’est très exactement le même récit ‘indiscutable’ qui est inlassablement martelé, par les hommes politiques et les médias. « La Russie de Vladimir Poutine (…) a multiplié les intimidations ces dernières années et (...) est passé en force avec l'annexion de la Crimée en 2014. » affirme la RTBF le 8 juillet ; l’invité de la station pose sérieusement la question, le matin de l’ouverture du Sommet : « combien de bataillons faudrait-il aux Russes pour envahir les pays Baltes ? »

… ou celle de l’Otan ?

Au centre de ce discours, se trouve (actuellement) la question ukrainienne : La Russie en annexant la Crimée, a envahi un pays européen, a violé la frontière d’un État souverain... Le décor est planté, le storytelling est bien établi, il n’est plus possible de le remettre en question.

Et pourtant : que s’est-il vraiment passé fin 2014-début 2015 en Ukraine ? Comme quelques rares voix le reconnaissent aujourd’hui, un gouvernement démocratiquement élu a été renversé par des manifestants encadrés militairement par des milices fascistes, et cette déstabilisation était ouvertement soutenue par les pays de l’Otan, USA en tête. Cette manœuvre visait très clairement la Russie, et, en particulier, la chute de l’Ukraine dans le giron de l’Otan signifiait la prise de la dernière fenêtre militaire russe sur la Mer Noire, la base navale de Sébastopol. C’était une prise militaire de taille.

La défense de la démocratie, la liberté, tout ce genre de chose, … s’en inquiète-t-on encore dans le chaos ukrainien actuel ? Il s’agissait dans la réalité d’une action de nature fondamentalement militaire contre la Russie. Vue sous cet angle, l’annexion de la Crimée, aussi discutable qu’elle soit par ailleurs, représentait une mesure minimale d’auto-défense.

Depuis l’effondrement de l’URSS et la dissolution du dit Pacte de Varsovie, l’Otan malgré les promesses faites, s’est étendu profondément à l’Est, jusque dans des pays de l’ex-URSS. Les bases militaires otaniennes se trouvent tout au long des frontières de la Russie. Le coup d’état ‘coloré’ en Géorgie a permis en 2004 de démanteler les bases militaires russes et d’y accueillir les troupes US. Le déploiement du ‘bouclier anti-missile’ permettrait, s’il était opérationnel, une première frappe nucléaire – et le secrétaire général de l’Otan a annoncé lors du Sommet que le système avait atteint une « capacité opérationnelle initiale ». L’Occident reconduit depuis deux ans des sanctions économiques qui ont pour objectif affiché de mettre à genou l’économie russe, en même temps que nos amis des pays arabes jouaient la surproduction pour faire s’effondrer les cours du pétrole…

Qui, objectivement, menace qui?

«Nous allons à Varsovie la tête haute, fiers des engagements qui sont pris» (Ch. Michel)

Le dernier sommet de l’Otan pourrait marquer un pas important dans ces préparatifs de guerre. Pour « faire face à l'attitude agressive de la Russie », l’Otan va accroître considérablement sa présence militaire aux portes de la Russie, en particulier dans les pays baltes, où des soldats belges « prêts à faire la guerre » comme souligne presque fièrement Le Soir au lendemain du sommet, doivent rejoindre les bataillons alliés dès l’an prochain. Pouvons-nous nous réveiller avant qu’il ne soit trop tard ?

Pour « répondre au défi stratégique posé par le Russie », les 28 États membres de l’Alliance se sont également engagé à augmenter les dépenses dans ce qu’ils appellent la défense « Nous voulons donner un signal clair et fort. Montrer que la Belgique est un partenaire solide et loyal. Nous voulons inverser la courbe budgétaire de la Défense » déclare Charles Michel. Notre pays devrait ainsi à terme y engloutir 2% de son budget, soit des milliards d’Euros investis ‘par loyauté’ pour des intérêts géostratégiques, qui sont directement opposés aux intérêts des peuples. Ceci à côté des 15 milliards d’Euros déjà prévus pour le remplacement des F-16. Autant de milliards dont seront privés les domaines sociaux, qui ont sont eux les véritables fondements de la sécurité.

En cas de conflit avec la Russie, notre pays, siège de l’Otan et hébergeant des bombes nucléaires US, serait à coup sûr l’un des pays les plus exposés. L’Otan ne nous défend pas, il constitue au contraire une menace existentielle. Notre défense doit redevenir ce que son nom suppose, et ne plus être au service ‘loyal’ de l’impérialisme, en Afghanistan, en Libye, en Syrie, - ou contre la Russie ; nos peuples en vivent aujourd’hui les conséquences tragiques. Il est vital d’amener le débat politique sur l’appartenance de notre pays à cette organisation.