Les États-Unis et le crime organisé


16 août 2004

Apres une brève rencontre avec le leader serbe Momcilo Trajkovic à Laplje Selo, nous partons à Pristina pour notre rendez-vous avec l'ombudsman (médiateur) du Kosovo, le Polonais Marek Nowicki.

Chargé de surveiller les problèmes dans le domaine des droits humains, il dresse un tableau sans complaisance de la situation au Kosovo et des grandes responsabilités de la communauté internationale. S'il s'occupe également de problèmes internes à la communauté albanaise (comme la construction pratiquement toujours illégale de nouveaux immeubles partout au Kosovo), l'essentiel de l'entretien est consacré au sort des minorités. Selon lui, le manque de clarté sur le statut final du Kosovo (indépendance, autonomie ?) aggrave les tensions pesant sur toutes les communautés et contribue à la situation économique catastrophique de la province. Il nous déclare que le vrai pouvoir ici est partagé entre les Etats-Unis et le crime organisé, et accessoirement par l'Allemagne. Il nous livre plusieurs exemples illustrant l'intolérance extrême de nombreux Albanais envers les Serbes, comme ce garçon serbe blessé par balles dans le village de Gorazdevac, puis décédé à son arrivée à l'hôpital parce que le véhicule l'y transportant, conduit par son père, a été bloqué pendant de précieuses minutes par une foule s'apprêtant à lyncher le père et le fils agonisant. Si la police de l'ONU est arrivée juste à temps pour empêcher le lynchage, il était trop tard pour sauver le fils. Il considère que son principal succès, en 4 ans de travail au Kosovo, est d'avoir gagné la confiance de toutes les communautés. Et surtout, il implore les gouvernements occidentaux de ne pas expulser les réfugiés du Kosovo appartenant à des minorités, une pratique à laquelle ont fréquemment recours les autorités allemandes, envers les Roms principalement.

L'après-midi, après avoir vu l'église orthodoxe de Pristina, détruite en mars dernier, nous visitons plusieurs localités touchées par les émeutes de mars, en particulier les villes de Kosovo Polje et de Lipljan. Le niveau de destruction est impressionnant et la situation des derniers Serbes qui y sont présents est particulièrement tragique, confinés dans quelques immeubles ayant échappé à la destruction. Autrefois majoritaires dans les deux villes, les Serbes ne sont maintenant plus que quelques dizaines de familles à y subsister. Des maisons sont en cours de reconstruction (par des ouvriers albanais), mais il est à craindre, comme cela est arrivé plusieurs fois ces dernières semaines, qu'elles seront incendiées dès qu'elles seront achevées.

En début de soirée, nous rendons une autre visite particulièrement éprouvante à la petite mahala rom de Gracanica. Si les Roms disent n'avoir aucun problème avec leurs voisins serbes (nous avons vu les enfants des uns et des autres jouer ensemble), leur misère dépasse l'entendement. Vivant à plusieurs par pièce, les fenêtres de leurs maisons sont brisées et les toits percés. Parmi eux se trouvent de nombreux réfugiés de Pristina. Les plus mal lotis sont plusieurs personnes âgées et des enfants, gravement malades, mais incapables de payer les soins médicaux. Ils nous disent que, depuis 5 ans, notre délégation est la première à les visiter et à s'intéresser à leur sort. Si l'un ou l'autre a un job auprès de l'ONU, la plupart survivent grâce à la mendicité ou, pour les plus agés, grâce à une maigre pension payée par Belgrade.