Alerte Otan n° 93
Octobre 2024
Éditorial :
Russie, Chine, Iran, Corée du Nord : Le nouvel Axe du Mal de l’OTAN

"Menace soviétique"
Caricature soviétique des années 1970

A l’annonce de l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, Mark Rutte, le tout nouveau Secrétaire Général de l’OTAN, n’a pas tardé, comme tant d'autres, à le féliciter. Ce faisant, il a dit son espoir de travailler avec M. Trump en vue "d’une OTAN plus forte", ce en raison, dixit M. Rutte, du "nombre grandissant de défis". Saluant le "fort leadership" de M. Trump, il s'est dit convaincu d'être entendu sur la nécessité de poursuivre sur la voie de budgets et de production militaires accrus. A l'épreuve des faits, on verra.

C'est que l’élection de Donald Trump a provoqué stupeur et effroi parmi une bonne partie de la classe politico-médiatique européenne ; elle est vue comme une catastrophe pour la continuation du financement de la guerre contre la Russie en Ukraine, et cela donne le prétexte aux dirigeants européens, à quelques exceptions près, de réclamer encore davantage d’argent pour la guerre.

En tout état de cause, pour l’OTAN, l’ennemi numéro 1 reste bien la Russie, son "attitude agressive", et son union avec les autres ennemis maléfiques désignés, la Chine, la Corée du Nord et l’Iran : le nouvel Axe du Mal menaçant un Occident  portant haut les valeurs d’humanisme, de démocratie, de liberté, de droits de l’homme. Comme à Gaza.

Le nouveau Commissaire européen à la Défense engage les Etats membres à augmenter les dépenses militaires "face à la menace russe", et appelle à une coopération totale avec l’OTAN. Pour la ministre allemande des Affaires étrangères, avec le retour de Trump les Européens devront « assumer encore plus de responsabilités en matière de politique de sécurité », entendez jeter encore plus d’argent dans la guerre contre la Russie en Ukraine.

En Belgique les futurs dirigeants pressentis sont exactement sur la même longueur d’onde : Tout y passera, dépenses sociales, investissement dans les services publics, engagement des fonctionnaires de l’Etat... : tout pour atteindre voire dépasser les 2% sacrés de l’OTAN.

Pourquoi une telle frénésie de dépenses pour la guerre ? Pourquoi un tel gâchis d’argent à l’heure où l’humanité fait face à de tels défis sociaux et climatiques, et pourrait utiliser bien plus utilement tous ces milliards perdus pour la mort et la destruction ?

Oui, mais : Nous ne pouvons pas abandonner l’Ukraine valeureuse et démocratique aux appétits impérialistes de Poutine, la Russie, la Chine, l’Iran, la Corée du Nord menacent le monde libre, veulent détruire nos libertés, menacent nos valeurs, etc.

Les dirigeants de l’UE, et les grands médias se sont enfermés dans ce narratif. Toute personne le mettant en question, est automatiquement disqualifiée : c’est au mieux un « munichois » prêt à brader les Valeurs européennes pour une paix honteuse avec le nouvel Hitler ; au pire un « ami de Poutine », pour ne pas dire un collabo, un traître pactisant avec l’ennemi.

Mais le grand risque pour ces dirigeants, c’est que leurs populations sortent petit à petit de cette réalité parallèle. Et elles ont commencé à se rebeller, à ne plus accepter le récit imposé, que ce soit en Allemagne, en Tchéquie, en Slovaquie, en Roumanie. Car qu’ont-elles devant les yeux?

· Les actions génocidaires d’Israël à Gaza seraient impossibles si les États-Unis et l’Union Européenne n’en assumaient les coûts et le soutien politique. Les massacres et les destructions en Palestine et au Liban, sont la guerre de l’Occident. Ils ont mis à nu toute l’hypocrisie des discours sur les Droits de l'homme et sur nos Valeurs européennes.

· la guerre en Ukraine n’aurait tout simplement pas eu lieu sans la volonté de faire entrer l’Ukraine dans l’OTAN, comme l’a reconnu le précédent Secrétaire Général de l’OTAN en 2023. Qu’on aime ou qu’on n’aime pas Poutine, ou son ‘régime’, n’était-il pas fondamentalement compréhensible de ne pas accepter d’avoir à ses frontières un bloc militaire hostile ?

L’OTAN nous a conduits à la guerre, et veut maintenant nous imposer une « économie de guerre »  pour la faire perdurer, et nous entraîne dans une escalade potentiellement suicidaire pour l’humanité.

« Nous avons dû détruire la ville pour la sauver » déclarait un commandant US pendant la guerre du Vietnam ; l’OTAN devra-t-elle détruire le monde pour prétendre le sauver des menaces qu’elle a elle-même créées, au nom de valeurs dont chaque jour qui passe à Gaza nous apporte la preuve de la vacuité ?

Le cœur du problème est l’OTAN et l’impérialisme occidental dont l’Alliance Atlantique est l’instrument militaire. Les vertueux appels à la "résolution pacifique des conflits" resteront dérisoires et inaudibles, tant qu’on feindra de ne pas le voir.