Alerte Otan n° 93
Octobre 2024
La Géorgie dans le viseur de l’OTAN

Tina Bokuchava, cheffe de la coalition « pro-européenne ». Le choix des drapeaux est pour le moins éloquent

Ce 28 novembre, les députés européens ont voté une motion exigeant de nouvelles élections en Géorgie, sur base d’allégations d’« ingérence russe ». Accompagné, tradition oblige, de sanctions à l’encontre du Premier ministre et de hauts fonctionnaires géorgiens, pour ‘fraudes’ non avérées. Eux ce n’est pas de l’ingérence, c’est de la « défense de la démocratie ».

Les observateurs internationaux n’ont pourtant signalé aucune fraude significative lors des élections législatives du 26 octobre. Il n’y a jusqu’à preuve du contraire aucune raison objective d’affirmer que le vote a été truqué. Le parti au pouvoir, le « Rêve géorgien », l’avait largement emporté, devançant de plus de 13 points la coalition pro-OTAN chérie de l’UE.

Mais il y a un problème avec le gouvernement réélu : Il ne se conforme pas aux sanctions décrétées par l’Occident contre la Russie, et refuse de couper les liens économiques et politiques avec son grand voisin. Ce n’est pas ce que l’OTAN a prévu pour la Géorgie, idéalement placée sur le flan sud de la Russie

Qui n’est pas avec nous est contre nous : le gouvernement géorgien est donc « pro-russe », et des élections qui le portent au pouvoir ne peuvent qu’avoir été manipulées. Comme le résume Boris Johnson: « La démocratie géorgienne a été volée par le gouvernement fantoche à la solde de Poutine à Tbilissi ».


Europarlementaires italiens venus protester à Tbilissi contre l’ingérence russe, insensibles à l’ironie de la situation.

La preuve ? Pas besoin, pour la présidente pro-occidentale, Salomé Zourabichvili : « Ce qui importe, c'est ce que la population géorgienne sait, ressent et voit », et elle appelle à des manifestations massives pour renverser le résultat : n’est-ce pas juste ce qu’on avait reproché à Trump en 2020 ? Nul doute qu’un remake de « la prise du Capitole » à Tbilisi serait cette fois-ci applaudi: « le peuple se bat pour la Démocratie » !

Les Géorgiens n’ont probablement pas voté par amour particulier de la Russie. Ils ont peut-être plutôt voté, dans leur majorité, pour la paix. Peut-être ne veulent-ils juste pas devenir une seconde Ukraine. Mais c’est littéralement impensable pour les dirigeants atlantistes, pressés d’ouvrir un second front contre la Russie.

La Géorgie est entrée dans la « phase Maïdan »

L’Occident suit pas à pas la recette qui avait si bien fonctionné pour l’Ukraine : accuser le gouvernement en place d’être un pion russe, contester sa légitimité, imposer des sanctions ; inciter à des manifestations massives, en espérant le cycle provocations/répressions/victimes attribuées au ‘régime’, conduisant dans l’idéal au renversement du gouvernement, et la mise en place d’un pouvoir OTAN-compatible.

A Tbilisi, des provocateurs attaquent les forces de l’ordre à coup de cocktail Molotov et de mortiers d’artifice. On comptait déjà fin novembre plusieurs dizaines de policiers blessés. On imagine assez facilement comment serait qualifiés de telles manifestations si elles avaient lieu à Bruxelles, à Paris, ou dans n’importe quelle ville située ‘du bon côté’, et avec quelle douceur et compréhension les responsables de sécurité locaux traiteraient les manifestants.

Mais à Tbilisi, ce sont des manifestants pacifiques: Le 30 novembre, les États-Unis dénonçaient  « l'usage excessif de la force par la police contre les manifestants pacifiques »; le lendemain la nouvelle cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas faisait chorus « Il est clair que l’utilisation de la violence contre des manifestants pacifiques est inacceptable.»

La mécanique orwellienne est bien enclenchée, jusqu’à la caricature.


Un pacifique manifestant pro-européen à Tbilissi le 2 décembre, muni d’un lance-roquette artisanal
Roland Marounek