L’Otan en Géorgie... sans attendre la Géorgie dans l’Otan ?
14 août 2008

L’affrontement militaire entre la Géorgie et la Russie embrase le monde entier, il ne s’agit manifestement pas d’une question bilatérale de disputes pour le territoire de l’Ossétie du Sud. C’est une question complexe qu’il faut analyser sous beaucoup de facettes : la défense du droit du peuple d’Ossétie du Sud à disposer de lui-même, la défense de l’intégrité territoriale de la Géorgie, le retour à « la guerre froide », l’affrontement global Russie-Etats-Unis, la géopolitique et les intérêts pétroliers, les grandes et petites puissances, le rôle des medias, propagande ou information, etc..

Le Comité Surveillance Otan voudrait mettre en évidence ici l’attitude et le rôle de l’OTAN vis-à-vis de la Géorgie, qui nous paraît très important et qui concerne directement la Belgique et le mouvement pacifiste et progressiste de notre pays, membre de l’Alliance Atlantique.

Le Sommet de l’Otan à Bucarest en avril dernier (voir l’extrait de la Déclaration ci-dessous) annonçait sa décision d’intégrer la Géorgie (et l’Ukraine) à l’Otan. Un conseil des ministres des pays membres de l’Alliance était prévu pour le mois de décembre afin d’engager le processus d’intégration. Les réticences de certains pays membres (en particulier France, Allemagne) se sont manifestées, dans la crainte d’une confrontation directe avec la Russie et la peur d’être entraînés malgré eux dans une guerre généralisée : la Géorgie dans l’Otan pourrait invoquer « l’article 5 » du Traité Atlantique et demander l’aide des autres pays membres si elle se considère agressée. Il est certain que les différents pays membres de l’Otan ont des divergences d’intérêts économiques quand il s’agit de l’approvisionnement énergétique et que certains pays de l’Union Européenne dépendent actuellement beaucoup des fournitures de la Russie en gaz et en pétrole. L’Otan qui a réaffirmé au dernier Sommet de Bucarest sa volonté de garantir la sécurité énergétique de ses membres n’a pas une vision homogène sur comment assumer cet engagement. Mais la Géorgie est un pays important pour s’assurer un passage des pipelines du Caucase sans devoir traverser la Russie, et donc pour contribuer à cette sécurité énergétique visée par l’Alliance Atlantique.

Fort de ce soutien officiel et des promesses de l’Otan, et fort également d’un budget militaire en augmentation folle depuis 4 ans, d’armements fournis par les Etats-Unis, l’Ukraine et Israël et d’une armée gonflée comme la grenouille de la fable, le gouvernement géorgien de Saakachvili, a lancé jeudi soir, à l’ombre des Jeux Olympiques, une brutale expédition militaire sur l’Ossétie du Sud, bombardant et détruisant la capitale, tuant plus d’un millier de civils et 47soldats russes de la Force de Paix. Et c’est la Russie que nos medias et nos gouvernements présentent comme « l’agresseur » !

Rappelons quelques faits : les soldats russes sont en Ossétie du Sud depuis plus de 10 ans, à côté de soldats géorgiens, d’Ossétie du Sud et du Nord, sur la base d’accords établis par la CEI, cautionnés par l’OSCE, et pour garantir la paix dans la région jusqu’à ce que des négociations aboutissent à un consensus sur le statut de l’Ossétie du Sud. Par son entrée en guerre, la Géorgie rompt brutalement ce processus. Ensuite, c’est le bandit qui crie au voleur ! Puisque la "Communauté Internationale" a, de manière aussi flagrante, inversé la réalité, changé une agression par la Géorgie en agression contre la Géorgie, il est à craindre que Saakashvili continue de plus belle, avec des violations du cessez-le-feu qui seront sans doute pareillement appelées violations russes, jusqu'à obtenir le soutien militaire désiré.

Le secrétaire général de l’Otan condamne « la riposte disproportionnée de la Russie ». L'Otan ne trouve pas "disproportionnés" le pilonnage et la destruction de la capitale ossète, le bombardement des écoles et des hôpitaux, le massacre avéré de blessés... Par contre, l’Otan offre déjà à la Géorgie une aide financière pour remplacer les radars détruits par l’armée russe.

On peut ajouter à cela, la militarisation forcenée de la Géorgie, l’aval donné par l’Otan au déploiement du système anti-missiles dans plusieurs pays européens limitrophes de la Russie, (outre le fait que des éléments du bouclier pourraient être installés en Géorgie même) et maintenant cette provocation militaire du gouvernement géorgien, l’annulation de la rencontre du partenariat Otan-Russie. Toute cette attitude de l’Otan est très préoccupante et peut faire craindre un entraînement dans un nouvel engrenage guerrier.

L’Union Européenne se présente comme un médiateur « neutre ». Kouchner fait le commis-voyageur de bonne volonté entre Tbilissi et Moscou, et déclare que ce conflit est absurde et moyenâgeux, Mais lui-même a agi comme un proconsul d’Empire romain au Kosovo, il a fini par cautionner l’intervention militaire de l’OTAN et le séparatisme des chefs de guerre albanais, l’épuration ethnique contre les Serbes et les autres petites communautés, et ouvert la voie à la déclaration d’indépendance du Kosovo et l’installation permanente de l’OTAN dans les Balkans.

Aujourd’hui, pas plus que dans le cas de la Yougoslavie, ou de l’occupation actuelle de l’Afghanistan par l’Otan et les forces militaires US, on ne doit se faire d’illusions sur la réelle capacité ni sur le réel intérêt de l’Union Européenne de jouer à l’arbitre, au médiateur neutre entre Tbilissi et Moscou. L'Union Européenne n'est évidemment pas neutre : outre les manifestations de solidarité de la Pologne et des Pays Baltes, on doit également souligner la déclaration du premier ministre britannique, selon laquelle "la responsabilité du conflit en Géorgie incombe entièrement à la Russie". Enfin, chaque nouveau Traité imbrique plus étroitement l'Union Européenne dans l'Otan, qui a déclaré que "la Russie avait violé l'intégrité territoriale de la Géorgie". Une Europe dont plusieurs membres sont aussi ouvertement partisans de l'agresseur ne peut pas être une force d'interposition "neutre" plus crédible que les Etats-Unis, ou l'Otan.

Par ailleurs, les dirigeants de l’Otan font preuve d’une incohérence qui s’apparente à du cynisme : ils défendaient avec autant d’acharnement et de violence la destruction de la Yougoslavie et l’autodétermination du Kosovo qu’ils défendent aujourd’hui l’intégrité territoriale de la Géorgie ! En Belgique, notre ministre De Gucht est plus prudent : il critique la maladresse de la provocation géorgienne, mais il donne raison au gouvernement de Saakachvili sur le fond. L’engrenage dans la guerre en Afghanistan ne s’est pas mis en marche autrement : il fallait aider à la reconstruction de ce pays, d’abord on y était pour 6 mois... et 7 ans plus tard la Belgique s’y enfonce de plus en plus avec l’Otan.

Nous devons exiger du gouvernement belge de refuser un soutien de l’Otan à la Géorgie, sous quelque forme que ce soit, car cela aurait des conséquences extrêmement graves pour la paix mondiale.

Le 14 août 2008 Comité Surveillance Otan


Pour rappel :

Déclaration du Sommet de Bucarest

publiée par les chefs d’État et de gouvernement participant à la réunion du Conseil de l’Atlantique Nord tenue à Bucarest le 3 avril 2008

« Point 23 : L’OTAN se félicite des aspirations euro-atlantiques de l’Ukraine et de la Géorgie, qui souhaitent adhérer à l’Alliance. Aujourd’hui, nous avons décidé que ces pays deviendraient membres de l’OTAN. Ils ont l’un et l’autre apporté de précieuses contributions aux opérations de l'Alliance. Nous nous félicitons des réformes démocratiques menées en Ukraine et en Géorgie, et nous attendons avec intérêt la tenue, en mai, d'élections législatives libres et régulières en Géorgie. Le MAP représente, pour ces deux pays, la prochaine étape sur la voie qui les mènera directement à l’adhésion. Nous déclarons aujourd’hui que nous soutenons la candidature de ces pays au MAP. Nous allons maintenant entrer dans une période de collaboration intensive avec l’un et l’autre à un niveau politique élevé afin de résoudre les questions en suspens pour ce qui est de leur candidature au MAP. Nous avons demandé aux ministres des Affaires étrangères de faire, à leur réunion de décembre 2008, une première évaluation des progrès accomplis. Les ministres des Affaires étrangères sont habilités à prendre une décision sur la candidature au MAP de l'Ukraine et de la Géorgie ». www.nato.int/docu/pr/2008/p08-049f.html