Manlio Dinucci
9 mars 2021
L’Accord Ue-Chine sur les investissements, conclu le 30 décembre par la Commission européenne, pourrait ne pas être ratifié par les eurodéputés sur la base de l’accusation que Pékin viole les droits humains. C’est le paravent derrière lequel se cache le véritable motif : la croissante pression exercée par les États-Unis sur l’Europe pour créer une coalition contre la Chine. La stratégie de Washington -d’Obama à Trump et à Biden maintenant- est celle de l’”endiguement” de la Chine, dont la croissance met en question l’ordre économique mondial dominé jusqu’à présent par les États-Unis et par les plus grandes puissances occidentales.
Ce sont les multinationales et d’autres entreprises étasuniennes et européennes qui ont délocalisé depuis des décennies une grande partie de leurs productions en Chine, en réalisant d’énormes profits. La Chine n’est cependant pas restée simplement l”usine du monde” dans laquelle on va produire parce que la main d’oeuvre coûte moins cher. Elle a réalisé son propre développement productif et technologique et, sur cette base, des projets comme la Nouvelle Route de la Soie. En phase avancée de réalisation, celle-ci consiste en un réseau routier et ferroviaire entre la Chine et l’Europe à travers l’Asie Centrale, le Moyen-Orient et la Russie, couplée à une voie maritime à travers l’Océan Indien, la Mer Rouge et la Méditerranée. Pour les infrastructures routières, ferroviaires et portuaires dans plus de 60 pays sont prévus des investissements pour plus de 1000 milliards de dollars. Dans ce cadre, la Chine est devenue le principal partenaire commercial de la Russie. Les relations économiques entre les deux pays se sont renforcées, surtout après les sanctions imposées par Etats-Unis et Ue à la Russie, avec un échange qui a dépassé les 100 milliards de dollars annuels, et il est en développement.
L’échange entre États-Unis et Chine reste six fois plus grand. Mais, étant donné que de nombreux produits sur le marché étasunien sont fabriqués en Chine par des multinationales USA ou fournis par des sociétés chinoises, les États-Unis enregistrent dans le commerce bilatéral un déficit de plus de 300 milliards de dollars annuels. En outre a été observé un écroulement des investissements chinois aux États-Unis à buts productifs, qui ont baissé de 90% en trois ans (de 46,5 à 4, 8 milliards de dollars), alors que ceux des États-Unis en Chine sont restés à environ 13 milliards. En même temps le pourcentage de la dette étasunienne de plus de 27.000 milliards de dollars, possédé par la Chine, a diminué de 14% en 2011 à 5% en 2020. Plus grave encore pour Washington est le fait que le pourcentage en dollars des réserves monétaires chinoises est tombé en quatre ans de 79% à 59% et que la Chine cherche des monnaies alternatives au dollar à utiliser dans le commerce international.
Ne pouvant pas arrêter ce processus qui peut mettre fin à la prédominance économique des États-Unis, Washington jette son épée dans le plateau de la balance. L’”endiguement” économique devient “endiguement” militaire. L’amiral Phil Davidson, qui est le chef du Commandement Indo-Pacifique des États-Unis (dont l’aire de responsabilité couvre la Chine et 35 autres pays), a requis au Congrès plus de 27 milliards de dollars sur cinq ans pour construire autour de la Chine un rideau de bases de missiles et systèmes militaires, y compris une constellation de radars sur des plate-formes spatiales. “Nous devons commencer à affronter la Chine depuis une position de force”, a déclaré au Sénat Antony Blinken, secrétaire d’État de l’administration Biden.
À la Conférence de Munich sur la Sécurité, le 19 février, le secrétaire général de l’OTAN Stoltenberg a affirmé : “Europe et Amérique du Nord doivent défendre l’ordre international, que Chine et Russie défient en tentant de récrire ses règles au bénéfice de leurs propres intérêts”. Après avoir accusé la Russie de “comportement déstabilisant”, il a déclaré que “l’ascension de la Chine est une question déterminante pour la communauté transatlantique”. Il a ensuite annoncé une prochain “ajournement du concept stratégique de l’OTAN” parce que “nous avons besoin de nous renforcer militairement” avec des “partenaires proches comme Australie et Japon”. Appel aux armes donc pour les alliés des USA, non seulement contre la Russie en Europe mais contre la Chine en Asie. Avec pour résultat que Russie et Chine renforcent leur alliance aussi sur le plan militaire.
Édition de mardi 9 mars 2021 d’il manifesto
https://ilmanifesto.it/leuropa-chiamata-alle-armi-contro-cina-e-russia/
Traduit de l’italien par M-A Patrizio.