Thomas L. Friedman
26 octobre 2003
J'ai longtemps été un opposant maniaque à l'expansion de l'OTAN, de peur qu'elle allait diluer l'organisation. Mais maintenant que l'OTAN est en train de s'élargir à 26 pays, je dis : pourquoi s'arrêter là ? Virtuellement, toutes les menaces futures contre l'OTAN vont venir non pas de l'est et de la Russie, mais du sud - Le Moyen-Orient et l'Afghanistan. Donc, si l'OTAN veut réellement protéger l'Europe, elle ne peut plus être seulement en Europe. Il est nécessaire qu'elle aide à stabiliser ces autres régions. Pour faire cela, l'OTAN a besoin d'ajouter 3 membres de plus : l'Irak, l'Égypte et Israël.
Voyons pourquoi, en commençant par l'Irak. Si un gouvernement légitime émerge en Irak, nous aurions vite à y faire face à deux défis. D'abord, l'Irak devrait avoir une armée de quelle taille ? Ainsi que le note Michael Mandelbaum, l'expert aux affaires étrangères de l'institut Johns Hopkins : « L'Irak a besoin d'une armée qui soit suffisamment forte pour tenir en respect l'Iran, et cependant pas suffisamment forte pour étouffer la démocratie irakienne, et menacer tout les pays voisins, ainsi que le faisait l'énorme armée de Saddam »
En bref, nous voulons que l'Irak ait une petite armée, mais qu'il soit toujours un contrepoids à l'Iran. La meilleure façon d'arranger cela, serait que l'Irak rejoigne l'OTAN, ce qui donnerait à Bagdad un pouvoir de dissuasion crédible sans avoir à maintenir une grande armée.
De plus, même si l'Irak obtient un gouvernement démocratique, ce sera pour longtemps une démocratie fragile. Cela nécessitera de garder d'une manière ou d'une autre des forces en réserve, au-delà de l'horizon, pour servir de garant à la démocratie irakienne, de telle manière qu'aucun parti ou individu ne puisse jamais plus se défaire de ce système. Cette force servirait comme le gardien de la démocratie irakienne, à la manière dont l'armée turque le fait dans la Turquie moderne. La force idéale qui ferait cela serait la combinaison de forces multinationales et irakiennes, comme le serait l'OTAN, qui inclurait également une composante arabo-musulmane. Si l'Irak était dans l'OTAN, ce serait politiquement beaucoup plus facile de déployer une telle force, qui pourrait être stationnée dans une base loin dans le désert, mais qui serait toujours en arrière plan, juste au cas où.
Et cela nous amène à la raison pour laquelle l'OTAN devrait inviter l'Egypte : les effectifs. Ainsi que Lord Robertson, le secrétaire général de l'OTAN, me l'a expliqué personnellement, toutes les nations européennes de l'OTAN plus le Canada ont un effectif combiné de 1,4 million de soldats en service actif - mais seulement 55.000 sont réellement "utilisables" pour des missions à l'extérieur. Les autres sont soit non entraînés pour quoi que ce soit d'autre que de se tenir sur une position fixe en Europe pour dissuader l'Union Soviétique, soit manquant de supports logistiques, organisationnels, de commandement et de contrôle, pour des missions à longue portée. Aussi, beaucoup d'armées européennes sont syndiquées, et n'aiment pas travailler le week-end ! Puisque les 55.000 hommes utiles des troupes euro-canadiennes sont tous actuellement déployés dans des missions de maintien de la paix, sans parler des restructurations militaires, l'OTAN est joliment [maxed out ? hors-jeu ?] - et nous le sommes également.
L'Egypte a pourtant un énorme surplus d'effectifs militaires, qui a peu de choses à faire. Amener les soldats égyptiens dans l'OTAN lui donnerait le caractère arabo-musulman dont l'organisation a besoin, rendrait beaucoup plus facile à l'OTAN le "maintien de la paix" en Afghanistan et en Irak, et fournirait des ressources et un statut à l'armée égyptienne, tout en la liant à l'Ouest. De plus, la justification principale que les partisans de l'OTAN donnaient pour son expansion aux fragiles démocraties de l'Europe de l'Est, était que cela y favoriserait la démocratisation et la stabilité. Où mieux qu'en Irak et en Egypte, promouvoir des réformes ? Ils sont certainement aussi importants que la Lettonie.
Vous [?] voudriez introduire Israël dans l'OTAN, parce que cela rendrait plus facile tout processus de paix, en donnant aux Israéliens un sentiment plus profond de sécurité [ mais les Palestiniens n'ont pas droit à un profond sentiment de sécurité?]. Aussi si l'Egypte était dans l'OTAN, Israël devrait y être également pour maintenir l'équilibre de puissance. Mais en fin de compte, si les Israéliens et les Palestiniens peuvent jamais, un jour, arriver à un accord de paix, ils auront très vraisemblablement besoin d'une force multinationale crédible pour le surveiller, et la seule que je peux envisager est une force de l'OTAN conduite par les Etats-Unis. Si Israël et l'Egypte étaient toutes les deux membres de l'OTAN, les soldats de maintien de la paix de l'OTAN seraient beaucoup plus acceptables au public israélien et aux Palestiniens.
Non, je n'ai pas perdu la tête. Je suis simplement ici, au quartier général de l'OTAN en train d'écouter les responsables de l'OTAN me dire que leur futur se trouve au Sud, mais qu'ils n'ont aucun effectif pour y aller [...]. La solution devient évidente : si vous ne pouvez pas amener Mohamed à la montagne, amenez la montagne à Mohamed - et à Moïse.
traduction : R.Marounek