Roland Marounek
1 janvier 2018
La guerre imposée à la Syrie pendant bientôt 7 ans semble en train de se terminer, avec la déroute des agresseurs et de leurs protégés jihadistes. Si du moins la raison devait l’emporter, ce qui reste incertain. Car la persistance de la propagande est de mauvais augures.
Il n’est toujours pas possible de parler sereinement du gouvernement syrien, ou du président al-Assad. Le choix même de ces termes est suspect. Il faut dire « régime syrien », et « dictateur» , « boucher » .... Comment cela se fait-il qu’une simple discussion sans condamnation préalable du « régime» est littéralement impensable aux yeux de beaucoup ?
Printemps pourri
L’histoire ‘officielle’ veut que début 2011, dans la vague des printemps arabes des manifestations pacifiques en faveur de la démocratie sont réprimées brutalement par le régime, et qu’à cause de cette répression sanglante, le mouvement pacifique se transforme peu à peu en rébellion armée. Ce récit est souvent accompagné de celui des enfants arrêtés et torturés par le régime pour avoir dessiné des tags contre Bashar.
Pourtant les éléments concrets manquent pour appuyer cette narration. Seuls pour attester, les récits des opposants eux-mêmes et les images d’al-Jazeerah, qui avaient un intérêt évident à présenter la situation de la pire manière. Mais on a tout pris sans recul et esprit critique, et en zappant les infos dérangeantes.
Les snipers du régime
Aux tout premiers jours des ‘événements’ en Syrie la télé a présenté des images de personnes non identifiées tirant sur des manifestants. Les tout premiers récits, dès mars-avril 2011, parlaient de personnes fauchées lors des funérailles d’autres manifestants tués dans des circonstances analogues.
Le commentaire médiatique obligé était que « le régime cherchait à intimider les manifestants ». Somme toute on accusait ‘Bashar’ d’être non seulement cruel, mais encore complètement idiot - ce genre d’intimidation étant bien sûr un carburant très efficace pour attise les incendies.
L’histoire récurrente des snipers anonymes, tirant sur la foule, est très intéressante. Elle réapparaît systématiquement dans ce genre de ‘révolution’, comme dernièrement au Venezuela et en Ukraine. Cet élément de récit devrait éveiller l’attention de toue personne rationnelle.
« Ils tuent les enfants »
Autre constante de toutes ces dernières guerres, les récits d’atrocités venant des ‘rebelles’, par nature invérifiables, tout aussitôt repris comme témoignages incontestables, et diffusés massivement. Tous les éléments contradictoires sont ignorés.
La couverture médiatique de cette guerre a été particulièrement généreuse en matière l’utilisation des images d’enfants tués ou blessés. Ils ne sont pas seulement des tyrans, ils tuent les enfants… Le but est limpide, éveiller la compassion et de remplacer toute réflexion par l’émotion.
Le storytelling est planté, qui impose une lecture unilatérale de chaque info. Plus moyen d’aller à l’encontre sans être fiché soutenant un dictateur sanguinaire qui massacre son propre peuple – et donc inaudible.
La guerre médiatique tue
« J’ai envie de partir en Syrie. La Syrie souffre, souffre tous les jours, comme la Palestine. Donc pour moi, voilà, je veux partir là-bas, et les aider, et faire un truc humanitaire… » « M.F. raconte qu’il a choisi de rejoindre le combat "après avoir vu sur internet des enfants syriens dont les droits étaient violés". »
Le discours martelé contre le ‘régime syrien qui tue les enfants’ a été un moteur essentiel pour la mobilisation des aspirants jihadistes. Des milliers de jeunes européens inconscients d’être des soldats au service direct des intérêts US et alliés ; beaucoup d’entre eux étaient mus par l’image manichéenne déversée quotidiennement par les médias.
La propagande ‘humanitaire’ a également l’effet paradoxal de nous pousser à l’inhumanité abjecte : les sanctions contre la Syrie décrétées par l’Occident depuis 2011 dans le but de mettre le pays à genoux, prive les syriens de biens de première nécessité, notamment médicaments et matériel médical : les gens crèvent de notre grande compassion pour la Syrie.
La responsabilité de la gauche
En ce début de 2011, l’onde de choc des Printemps Arabes frappait de plein fouet l’intelligentsia européenne. Beaucoup ont été fascinés par l’image imposée du peuple se réveillant et renversant à mains nues les tyrannies. Le désir d’être conforté dans son illusion ‘révolutionnaire’, d’être entré dans une période de grands changements historiques a déformé la perception de la réalité, et a empêché de réaliser que ce qui se passait, n’était qu’un nouvel avatar de la vieille politique impérialiste de renversement de régime au moyen de proxies plus ou moins locaux.
Au point de ne pas vouloir voir qu’une grande partie des morts sont, dès le début, des soldats, issus du peuple. Au point de ne pas pouvoir voir que ‘les rebelles’ sont en bonne partie des combattants étrangers à la Syrie, généreusement approvisionnées en armes made in Otan et en dollars US. Pourra-t-on se réveiller à la prochaine, en réalisant qu’« une révolution est usuellement faite par le peuple, et pas en important des étrangers contre le peuple » ?
C’est une triste ironie : une grande partie de ‘la gauche’, affolée par la propagande massive, a soutenu l’agression contre la Syrie, au nom du peuple syrien, alors même que c’est le peuple syrien qui, par sa résistance et ses sacrifices a héroïquement résisté, jusqu’ici, à la destruction sectaire du pays, pour préserver sa souveraineté et son indépendance.