Roland Marounek
1 mai 2017
« C'est une attaque chimique, et Bachar el-Assad est responsable. Nous avons demandé une enquête internationale, parce que chaque fois on souhaite pouvoir vérifier les faits, et prendre des sanctions. Le problème c'est que ces sanctions sont bloquées au Conseil de l'ONU par la Russie » Didier Reynders paraphrasait ce 10 avril sur RTL la Reine de Cœur de Lewis Carrol : la condamnation d’abord, l’enquête après. Mais la ‘logique merveilleuse’ est bien partagée par l’ensemble des responsables occidentaux et leurs médias.
Le lendemain du véto russe au dernier projet de résolution présentée par les USA, la France et la Grande-Bretagne, les médias répètent en chœur que « la Russie bloque l’enquête sur le bombardement chimique ». Qu’en est-il réellement?
En fait le projet de résolution, outre une accusation implicite du gouvernement Syrien, exigeait dans son 5e point un accès total à tous ses sites militaires aux « enquêteurs » de l'ONU, sous peine de représailles militaires. Cela rappelle curieusement les prémisses de la 2e guerre d’Irak ou le régime de G.W. Bush Jr formulait une pareille exigence pour mettre à jour les armes de destructions massives de Saddam Hussein. Cela rappelle plus avant les négociations de Rambouillet, à la veille de l’agression de la Yougoslavie de 1999. La Russie ne peut plus tomber dans de pareils pièges.
La Russie et la Syrie réclament au contraire une enquête, sur le site de Khan Shaykhun et sur la base bombardée par les USA, et demandent que cette enquête soit internationale et menée des experts indiscutables. Pourquoi cette demande-là est-elle rejetée?
En réalité, ce sont les USA, en bombardant l’armée syrienne, et leurs alliés occidentaux en soutenant effrontément cette agression, qui ont rendu impossible toute enquête objective : car tout élément contredisant la version « Bashar est coupable », serait automatiquement une accusation contre eux-mêmes.
Punir, ou bien récompenser les attaques chimiques?
« La France est prête à punir ceux qui ont pris la décision infâme de gazer des innocents.[…] Tout porte à croire que c'est le régime qui a commis cet acte abject. », déclarait François Hollande en 2013 après le bombardement chimique dans la banlieue de Damas. Quelques mois plus tard, des scientifiques US montraient que la roquette qui avait contenu les gaz provenait des positions rebelles.
« Bachar el-Assad porte l'entière responsabilité de ce développement. Son recours continu aux armes chimiques et aux crimes de masse ne peut en effet rester impuni » déclare-t-il maintenant au lendemain du bombardement US. Toute enquête est superflue pour Hollande.
Est-il difficile de voir que la réaction occidentale est un encouragement direct à la répétition de pareils crimes ? Dès que l’armée gouvernementale prendra le dessus sur les jihadistes, ou dès qu’une solution politique non favorable à eux sera en vue, une attaque chimique, provoquant indignation médiatique et bombardement contre les forces syriennes, pourra rétablir l’équilibre.
N’y a-t’il que les « états-voyous » pour se soucier du droit international ?
Le recours à la force contre un état souverain en dehors d’une résolution des Nations Unies est, de quelque côté que l’on le tourne, une violation flagrante du droit international. Il est ahurissant que la plupart des pays européens aient cautionnés, parfois avec enthousiasme, le bombardement US.
Notre ministre des Affaires Etrangères déclare : « Je peux comprendre la réaction du président américain, c’est après une attaque chimique. ... Je suis surpris d’entendre les responsables russes dire qu’on ne respecte pas la loi internationale » : une très probable manipulation suffit donc à notre représentant pour « comprendre » que l’on bafoue le droit international…
Il est urgent que la Communauté Internationale revienne aux bases de la Charte des Nations-Unies, pour éviter une nouvelle guerre généralisée. Il aurait été essentiel que l’on condamne sans la moindre ambigüité cette violation de la Charte, au lieu de se prévaloir de justifications humanitaires, et de photos émouvantes : la seule alternative au droit international, c’est le droit du plus fort.
La Belgique associée à une opération criminelle en Syrie
Le bombardement US contre l’armée régulière syrienne est un appui direct aux groupes jihadistes qui la combattent. Il se trouve que c’est al-Qaida dans la région – mais les uns et les autres sont parfaitement interchangeables.
Qu’est ce que notre pays fait encore en Syrie aux côtés des Etats-Unis, dans la soi-disant « Coalition Internationale contre le terrorisme » ? En luttant contre le gouvernement syrien, on ne lutte pas contre le terrorisme, on prépare directement son avènement – comme hier en Libye.
Il n’est pas difficile de prévoir ce que serait en Europe le résultat concret d’un état syrien où les factions jihadistes auraient pris le pouvoir, avec toute notre complaisance.
Il n’est pas très difficile non plus de prévoir quelles seraient les conséquences d’une guerre pour le petit pays qui abrite bombes atomiques et QG de l’Otan.
Nous venons de commémorer le premier anniversaire des attentats de Bruxelles. Cela devrait suffire. Notre population subit directement les conséquences d’une politique étrangère (et sociale) précise, qu’elle n’a absolument pas choisi. Nos forces armées n’ont pas à servir de supplétifs à des objectifs géostratégiques qui ne sont pas les nôtres, et qui sont directement contraires aux intérêts vitaux du peuple.