M K Bhadrakumar
13 décembre 2013
Il n'y a jamais eu de sérieux doutes que le sénateur John Mc Caïn allait manquer la soirée de gala de demain (dimanche) à Kiev - une mer de personnes issues des régions occidentales de l'Ukraine amenées à la capitale pour faire une sérieuse tentative de "révolution de couleur" alors que les gens des régions de l'Est mèneront une contre-manifestation contre la "révolution de couleur".
Pour la première fois depuis la chute du mur de Berlin un face à face entre l'Occident et la Russie pourrait s'ensuivre, et Mc Caïn ne veut pas le manquer. Il a décollé des USA hier pour Kiev. Il est difficile de juger dans quelle mesure cette mission de Mc Cain a reçu l'aval tacite de l'administration Obama, mais des figures clés du Congrès américain soutiennent l'entreprise.
Le magazine des Affaires étrangères a appelé à la démission du Président de l'Ukraine Viktor Ianoukovitch. Le vice-président Joe Biden a déclaré que l'avenir de l'Ukraine devrait être lié à l'Occident et non à la Russie, et, en outre, que cela était aussi dans l'intérêt des États-Unis. La barre a été relevée.
Le vice ministre russe des Affaires étrangères Sergei Ryabkov a révélé dans une interview à la presse hier à Moscou, qu'il y a une semaine, il a mis en garde la secrétaire d'Etat adjointe Victoria Nuland que Washington devrait être "extrêmement prudente sur l'interférence dans les processus internes en Ukraine, car cela pourrait avoir de lourdes conséquences".
Manifestement, les avertissements russes sont tombés dans l'oreille d'un sourd. La question en litige est le fait qu'une délégation de haut niveau du gouvernement de Kiev pourrait se rendre à Moscou ce lundi pour signer des accords économiques majeurs, esquissant un allégement de la dette ukrainienne envers la Russie, précisant des concessions financières de la Russie - des engagements de remboursement de la dette de l'Ukraine représentent à eux seuls 7 milliards de dollars, mais l'Union Européenne est en mesure d'offrir un plan de sauvetage de quelque chose comme 700 millions de dollars seulement, après avoir gratté les fonds de tiroir.
Les USA craignent que si les accords passent, l'entrée de l'Ukraine dans l'orbite du Conseil Économique Eurasien dirigé par Moscou ne devienne inexorable. Le Ministre des Affaires étrangères russe Lavrov doit se rendre à Bruxelles lundi pour discuter de l'Ukraine avec le chef de la politique étrangère de l'UE Catherine Ashton.
Il se pourrait que Moscou fasse une autre tentative pour persuader l'UE de se rendre à l'évidence et d'arriver à un certain modus vivendi avec la Russie. Moscou avait précédemment demandé un dialogue à 3 entre la Russie, l'Ukraine et l’UE, mais Bruxelles avait rejeté cette idée.
En tout cas, l'ancien chancelier allemand Gerhard Schröder s'est rendu à Moscou la semaine dernière et y a rencontré le président Vladimir Poutine ; on peut parfaitement imaginer que Moscou est en train de chercher à passer par Berlin. Le fait est que, en dernière analyse, l'avenir de l’Ukraine est aussi, d'une certaine manière, la fâcheuse "question allemande" dans toute l'histoire européenne moderne.
Entretemps, le président Vladimir Poutine a souligné jeudi dans un discours important que l'intégration eurasienne serait la meilleure chose qui puisse arriver à l'Ukraine. La plupart des Russes pensent également que la Russie et l'Ukraine partagent "le même sang".