L'OTAN est en train de mettre en pièce le pacte de 1997 avec la Russie


8 avril 2014

Le ministère russe des Affaires étrangères a fait une allégation stupéfiante aujourd'hui selon laquelle la société étatsunienne de sécurité privée Greystone, qui est enregistrée à la Barbade et est largement considérée comme une entreprise de proxy des services secrets US, a été déployée dans les régions du sud de l'Ukraine. La déclaration était précise, mentionnant le déploiement de 150 "mercenaires américains" de Greystone.

Greystone est connu pour intervenir dans des situations de conflit où le déploiement direct des forces spéciales américaines devient inapproprié. Kiev a nié l'allégation de Moscou en déclarant habilement qu'il n'y avait pas de forces spéciales américaines en tant que telle opérant en Ukraine.

L'attention des USA pour le sud de l'Ukraine n'est pas un secret. Les États-Unis mesurent la criticité d'empêcher la Russie de gagner un corridor terrestre via le sud de l'Ukraine menant à la Transnistrie, la province séparatiste de la Moldavie, qui elle aussi réclame le rattachement à la Russie. La Russie a quelque 1500 soldats de maintien de la paix en Transnistrie.

Le Greystone a une réputation d'extrême brutalité, et les USA semblent avoir l'intention d'écraser le mouvement pro-russe dans le sud de l'Ukraine et de prévenir un alibi pour l'intervention de Moscou. Le Pentagone est également en train d'amener un destroyer lance-missiles vers la mer Noire dans ce qui est décrit comme étant un « geste symbolique ».

L'Occident semble estimer que les choses deviennent dangereusement proches d'un point de rupture en Ukraine. Le secrétaire général de l'OTAN Anders Fogh Rasmussen a utilisé un langage exceptionnellement fort ce mardi lors d'une conférence de presse à Paris, après un entretien avec le président François Hollande, en mettant en garde qu'une «nouvelle intervention russe [en Ukraine] serait une erreur historique et aurait des conséquences graves pour notre relation avec la Russie».

De manière significative, Rasmussen a abordé les liens entre l'OTAN et l’Ukraine. La semaine dernière, il avait laissé entendre que l'adhésion à l'OTAN était ouverte à l’Ukraine. Une dynamique semble se mettre en place alors que se rapproche le sommet de l'OTAN en septembre au Pays de Galles.

Clairement, l’Acte fondateur sur les relations, la coopération et la sécurité (Founding Act on Mutual Relations, Cooperation and Security, 1997) entre l'OTAN et la Russie est devenue une relique de l’histoire. Cet accord avait servi pour faire avaler à l'ancien président russe Boris Eltsine la décision prise par l'administration de Bill Clinton en 1996 d'intégrer dans l'Otan des pays du Pacte de Varsovie (en violation d'un accord donné au dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev par le secrétaire d'Etat James Baker, selon lequel l'alliance occidentale ne se déplacerait pas d'un pouce vers l'est dans l'ère de l’après-guerre froide).

M. Rasmussen a déclaré aujourd'hui à Paris : «En ce qui concerne l'Acte fondateur OTAN-Russie de 1997, nous examinons en ce moment l'ensemble de nos relations avec la Russie ... Et les ministres des Affaires étrangères prendront des décisions à cet égard lorsqu'ils se rencontreront en juin

Pour ceux qui étudient les relations russo-américaines, les archives présentent un discours fascinant donné par l'ancien US secrétaire d'Etat adjoint Strobe Talbott au Conseil Atlantique le 20 mai 1997, reconnaissant que «le problème est que l'élargissement de l'OTAN est extrêmement névralgique [acutely neuralgic] en Russie, surtout pour l'élite politique.»

L'histoire a bouclé la boucle. Dans un article du Sunday Telegraph Rasmussen a écrit: «Personne dans l'OTAN veut un retour à la guerre froide, mais nous voyons le Kremlin remonter dans le temps et dépecer l'Europe en sphères d’influence. Nous devons défendre nos valeurs