Claudine Pôlet
7 mars 2004
Le Projet de Constitution Européenne n'a pas pu être adopté à la fin 2003, étant donné d'importantes divergences entre les gouvernements des pays membres. Toutefois, la nouvelle Présidence Irlandaise va se remettre à l'ouvrage pour faire aboutir le Projet.
On aurait pu penser que les volets concernant la politique de défense et de sécurité de l'Europe et les liens avec l'Otan étaient au centre de ces divergences. On aurait pu penser que les formidables mobilisations de millions de citoyens européens contre la guerre à l'Irak en 2003 avaient poussé les gouvernements à remettre en question cette allégeance à l'Otan et donc aux Etats-Unis et à vouloir marquer dans la future Constitution Européenne leur volonté d'indépendance, de souveraineté, de contribution à la paix dans le monde.
Il n'en a rien été ! Ces chapitres (dont Alerte Otan n°12 avait mis en évidence la nocivité) n'ont pas été l'objet de discussions, de divergences, de claquements de portes. Dans l'agenda des nouvelles discussions concernant le Projet de Constitution, il semble déjà acquis qu'on n'y touchera pas. On ne touchera pas en tout cas à ce qui en constitue la ligne de force : les liens transatlantiques de l'Union Européenne sont sacrés et le resteront.
Les débats parlementaires en Belgique à propos du deuxième élargissement de l'Otan ont confirmé cette position de tous les responsables des partis politiques. Les protocoles d'accord ont été adoptés à la quasi-unanimité des députés ! Il en a été de même dans les différents pays de l'Union.
Sur les sept pays européens qui vont rejoindre l'Otan en avril 2004, il y en cinq qui vont aussi rejoindre l'Union Européenne. Finalement, seuls 6 pays de l'Union resteront en dehors de l'Otan. La PESD -politique européenne de sécurité et de défense -lui restera intimement liée . Son secrétaire général Javier Solana le proclame : l'OTAN est une dimension essentielle de la PESD. Nous sommes loin du compte pour ceux qui imagineraient une politique européenne de défense, une armée européenne indépendante, une sécurité européenne.
Au sein de l'OTAN, ce n'est pas la loi de la démocratie qui règne, c'est la loi des plus forts. C'est la loi de ceux qui possèdent le plus de richesses, les armes les plus destructrices, le plus grand nombre de militaires, la plus puissante industrie d'armements, la plus grande capacité de corrompre et d'acheter les voix des plus faibles. Les pays plus récemment ou presque membres de l'Union Européenne (comme l'Espagne, la Pologne, les pays balkaniques et nordiques) ne se sont pas unis à ceux de la " vieille Europe " pour mener une politique étrangère européenne commune en ce qui concerne la guerre préventive contre l'Irak, mais bien au pays le plus puissant de l'Otan, les Etats-Unis. Et un an plus tard, même les pays européens opposés à la politique de guerre préventive des Etats-Unis, s'y sont ralliés puisqu'ils l'entérinent après coup et qu'ils participent à l'occupation de l'Irak
La résistance à la guerre et à la politique US de quelques pays dits de la vieille Europe s'est réduite comme une peau de chagrin. Et les velléités de pays comme la France, l'Allemagne et la Belgique, de former des coalitions ponctuelles deviendront impossibles dans la nouvelle Constitution Européenne. Mais sans attendre l'adoption de celle-ci, les quelques tentatives ont déjà avorté : On peut le voir à propos de l'Eurocorps, du Quartier Général Européen, de l'Agence Européenne de l'Armement.
Prenons l'exemple de l'EUROCORPS : Cette force militaire composée de soldats de France, Allemagne, Belgique, Luxembourg était présentée comme l'embryon d'une armée européenne autonome. Bientôt elle se composera de 50.OOO hommes, et des militaires espagnols se joindront à elle. Et quelle pourrait être sa prochaine mission ? elle serait chargée de prendre le commandement des opérations de l'OTAN en Afghanistan en août 2004 et de remplacer l'actuelle ISAF. On change l'étiquette, mais le contenu et les objectifs restent les mêmes : occuper l'Afghanistan. Dans quelque temps le même scénario se réalisera en Irak, ou ailleurs dans le monde.
Qu'en est-il du QUARTIER GENERAL EUROPEEN à Bruxelles ? Il devait être le noyau d'une politique et d'une stratégie propre à l'Union Européenne. Ce ne sera qu'une cellule, au sein de l'Etat-Major européen de l'Otan, composée d'une centaines de civils et de militaires chargés de travailler sur l'anticipation des crises…et de coordonner les moyens de l'un ou l'autre QG national avec les capacités de l'Otan, pour des missions ponctuelles et lorsque l'Otan aura décidé de ne pas intervenir comme telle.
L'Union Européenne n'aura peut-être pas une nouvelle Constitution dans l'immédiat. Mais les quinze, vingt-cinq pays, ou plus qui la composeront, ont déjà clôturé et signé le chapitre militaire de cette Constitution en déclarant la relation transatlantique irremplaçable.