17 mars 2022
Le dirigeant socialiste français Jean Jaurès a été assassiné en 1914 parce qu'il s'opposait à l'entrée de la France dans la grande boucherie connue dans l'histoire comme la Première Guerre mondiale. Il a été assassiné, non parce qu'il était « pour la paix », mais parce qu'il s'opposait au militarisme de son propre camp.
Plus de cent ans plus tard, les dirigeants et médias occidentaux dépeignent – presque unanimement – la Russie et le président Poutine comme des ennemis implacables à abattre.
Le Comité de surveillance OTAN (CSO) déplore l'intervention militaire russe en Ukraine, en violation des principes de base du droit international et le cortège de victimes civiles et militaires dans les deux camps. Mais cette intervention russe ne peut être comprise qu'en se rappelant son contexte et ses causes fondamentales.
En particulier le fait que cette guerre a commencé, non en février 2022, mais en 2014, lorsque le gouvernement ukrainien légalement élu a été renversé par la force, avec le soutien ouvert des États-Unis et de plusieurs États membres de l'Union européenne, et avec l’aide de groupes armés néo-nazis.
Les populations de l’Est ukrainien qui ont rejeté les autorités issues de ce coup ont reçu en retour des bombes et les assauts de ces milices : selon les Nations Unies, il y a eu plus de 13.000 morts et plus d’un million de réfugiés, fuyant les bombes en Russie – dans la plus parfaite indifférence de nos médias.
Au-delà de cette guerre, le camp occidental n’a eu de cesse, depuis la fin de la guerre froide, que d’alimenter les tensions avec la Russie, notamment en étendant à n'en plus finir l'OTAN, qui est passée de 9 membres (en 1949) à 30 actuellement et stationne des troupes et des armements aux frontières russes. Ceci a été accompli en dépit des promesses en sens contraire faites à Gorbatchev et aux derniers dirigeants soviétiques.
Il y a soixante ans, le monde a été au bord d'une guerre nucléaire quand l'URSS a installé des missiles à Cuba, à une bonne centaine de kilomètres des côtes des États-Unis. L'URSS a cédé et retiré ses missiles. Mais que dirait Washington si la Russie réinstallait des missiles à Cuba ou dans un autre pays voisin de l'Oncle Sam ?
Nous ne pouvons oublier les opérations militaires, comme celles contre la Yougoslavie (1999), l’Irak (2003) ou la Libye (2011), la Syrie, menées par l’OTAN et les États-Unis. Ces opérations ont plongé des régions entières dans l’instabilité et la terreur, dont elles subissent encore aujourd’hui les conséquences. Aucune sanction n’a été prise contre les Etats et les dirigeants à la base de ces agressions, qui ont causé et causent toujours mort et désolation pour des millions d’êtres humains.
Par ailleurs, les États-Unis ont révoqué la plupart des accords de contrôle des armements conclus avec l'URSS ou la Russie (ABM, INF, Open Skies...). Ils ont continué à prendre à leur compte près de la moitié des dépenses militaires mondiales (767 milliards de dollars en 2020 contre 67 milliards pour la Russie) et ont mené des guerres dévastatrices dans plusieurs pays d'Europe, d'Asie et d'Afrique.
De leur côté, les alliés européens des États-Unis n'ont que rarement émis des objections aux agressions de Washington et s'y sont souvent associés avec enthousiasme. L'Union européenne devient un supplétif de l'OTAN. Sa « Facilité européenne pour la paix » finance pour plusieurs centaines de millions d'euros d'armements destinés à l'armée ukrainienne, y compris des groupes paramilitaires professant ouvertement une idéologie qu’on croyait révolue, de races supérieures et d’Untermenschen. L’Occident est en train de répéter la même folie que lorsqu’il fournissait sans compter les armes aux islamistes afghans dans les années 1980.
En plus de jeter de l’huile sur le feu, les livraisons d’armes auxquelles ont participé la Belgique et plusieurs États membres de l'UE à un pays en guerre sont totalement illégales. Une « position commune » européenne, transcrite dans les législations nationales, interdit strictement les exportations d'armes vers les pays en guerre.
Alors que le gouvernement allemand a décidé une augmentation vertigineuse de ses dépenses militaires et a déjà débloqué 100 milliards d'euros pour « moderniser » son armée, cette guerre préfigure d'une augmentation encore plus forte que prévu de ces dépenses aussi en Belgique. Au détriment des soins de santé, de l'enseignement, de la culture et des allocations sociales. Cumulé à la multiplication du prix de l'énergie, conséquence directe des sanctions contre la Russie, le pouvoir d'achat va s'effondrer et la pauvreté s'étendre encore plus.
Nous dénonçons enfin la censure qui nous envahit. Les médias russes ont été bannis du net et des ondes, nous laissant à la merci de la seule propagande du camp des « gentils ». Les voix dissidentes sont traitées d'« agents de Poutine ». Le service public, la RTBF, vient même, en raison des « circonstances », de déprogrammer une émission consacrée au mouvement pacifiste des années 1980 en Grande-Bretagne.
Alors que la guerre en Ukraine pourrait s'intensifier, voire s'étendre, le CSO prône une réelle désescalade. Si la première des urgences est un cessez-le-feu, un règlement global devrait tenir compte des préoccupations sécuritaires de Moscou. Toute nouvelle extension de l'OTAN devrait être clairement abandonnée.
La sécurité est indivisible. Il n'y a pas de sécurité pour nous si nous ignorons celle de celui d'en face. Et un pacifisme ne dénonçant que le militarisme du camp d'en face ne sert qu'à renforcer les va-t-en-guerre de notre propre camp.
Vive Jaurès, à bas la guerre !
Le Comité de Surveillance OTAN