Patricia Villalon
1 avril 2022
Jacques Baud, est un ex-membre du Renseignement Stratégique suisse, expert auprès des Nations Unies et de l’Union Africaine, responsable de la lutte contre la prolifération d'armes légères à l'OTAN.
En 2014, il a suivi sur place la crise ukrainienne. Il vient de publier un livre "Poutine maitre du jeu ?" Dans sa conversation avec un journaliste de Sud Radio, on comprend que ce conflit n'est pas tombé du ciel, car il y a l'agresseur et l'agressé, ainsi que des responsables de cette situation.
Le fait est que c'est la Russie qui est l'agresseur selon Mr Baud. Il explique au journaliste que le 24 mars 2021, Zelenski, Président d'Ukraine sort un décret pour la reconquête de la Crimée, puis il fait déplacer progressivement les forces ukrainiennes pendant un an, vers les frontières sud du pays et vers le Donbass. Le 16 février de 2022, la population du Donbass a été prise sous un feu d'artillerie intense de la part des forces ukrainiennes, cela a déclenché l'intervention de Poutine. Les premières frappes russes le 24 février ont décapité les forces ukrainiennes au Donbass, c'est à dire que l'armée ukrainienne a été déconnectée de son commandement.
En 2014, Baud explique que, comme responsable de la lutte contre la prolifération d'armes légères au sein de l'OTAN, il a dû se déplacer en Ukraine quand la rébellion du Donbass avait éclaté et, qu'en étant sur place, il avait d’abord imaginé que les Russes fournissaient des armes aux rebelles, pour se rendre compte par après que c'était l'armée ukrainienne qui fournissait les armes en passant du côté des rebelles. A cette époque, des unités complètes passaient avec armes et bagages du coté russophone, approvisionnant les rebelles jusqu'en 2016.
Tout avait démarré le 24 février 2014, lorsque les nouvelles autorités non élues, puisqu'issues d’un coup d’Etat, avaient décidé d'instaurer la langue ukrainienne comme seule langue officielle. Avant cela il y avait les langues russe et l'ukrainienne. Ce décret avait provoqué des émeutes.
Les accords de Minsk, avec l'Allemagne et la France du côté de l'Ukraine et la Russie du côté des russophones du Donbass, n'ont pas réussi à trouver une solution correcte au problème d'une seule langue pour toute l'Ukraine. Poutine, n'avait pas l'intention de commencer une guerre. Mais comme les frappes des forces ukrainiennes avaient augmenté depuis le 16 février, et comme l'Etat -Major russe est toujours très attentif à des situations de danger, ils n'ont pas eu d'autre solution que décider l'invasion.
Quant à la guerre de l'information J. Baud explique qu’on a tendance à ignorer des faits, et à informer de façon intéressée, citant l'exemple de la bombe à fragmentation lancée par les forces ukrainiennes contre des civils en Donetsk, faisant 26 morts et attribuée aux Russes par les médias.
Il cite également l’exemple de la maternité de Marioupol. Le 7 mars, des représentants des Russes dans une réunion tenue à New York, avaient prévenu qu'ils allaient frapper, puisque les renseignements qu'ils avaient montraient que les Brigades Azov avaient chassé à la force tout le monde pour occuper le lieu, du fait de sa situation stratégique. La frappe avait eu lieu le 9 mars, et dans les médias du monde entier les Russes étaient accusés de bombarder une maternité.
Le journaliste demande des explications sur les bataillons avec des slogans nazis comme Azov. Baud explique qu'en 2014 l'armée ukrainienne était fortement démoralisée face aux rebelles qui savaient très bien ce qu'ils faisaient face à l'ennemi et qu'il y avait plus de morts par suicide que de morts par action de combat. L'OTAN l'avait envoyé là-bas pour requinquer le moral de l'armée ukrainienne. A ce moment L'OTAN avait proposé des solutions à long terme et c'est dans l'urgence que le gouvernement ukrainien avait préféré des solutions à court terme c'est à dire en ayant recours à ce qu'on appelait à l'époque des paramilitaires, dans ce cas c'était des milices ultra-nationalistes qui ont été choisies et qui étaient et sont encore au Ministère de l'Intérieur pour assurer des tâches purement statiques qui complètent l'action de forces armées. Selon Reuters, le nombre des milices est d’environ 102.000, ce qui fait plus de 40 % des forces armées ukrainiennes. Selon l'écrivain, l'Ukraine n'est pas un pays nazi, l'antisémitisme n'est pas politique en Ukraine mais plutôt culturel.
A propos de Zelenski, J.Baud explique que l'ancien patron de celui-ci est un oligarque ukrainien du nom de Kolomosky, propriétaire de la chaîne dans laquelle l'ancien humoriste et acteur Zelenski travaillait, et que Kolomosky est aussi propriétaire de Burisma, une entreprise qui traite des hydrocarbures, notamment du gaz, et dont avait fait partie Hunter Biden, le fils de Joe Biden. Zelenski était aussi cité dans l'affaire de Pandora Papers pour de graves affaires de corruption en 2021, Entre 2014 et 2020 l'indice de corruption avait augmenté de 32% en Ukraine selon un site financier américain, En résumé, les Américains ont instrumentalisé l'Ukraine pour provoquer la Russie à des fins géostratégiques.
Selon Jacques Baud, actuellement les Russes ont atteint tous leurs objectifs en Ukraine, et ils ne veulent pas occuper le pays dans son entièreté. Le combat va durer encore quelques semaines. Mais ce qui intéressait les Russes c'était la partie russophone du pays.
Enfin, il estime que ce qui va peser très lourdement dans le futur ce sont les sanctions que l'Europe a lancées contre la Russie et les contre-sanctions russes qui vont arriver.
Ecouter l'interview sur https://www.youtube.com/watch?v=noqlx0B6evo