11 novembre 2025

Transcription éditée de la rencontre-débat organisée par le Comité Surveillance OTAN le 11 novembre 2025 avec Maurice Lemoine, journaliste et auteur de référence sur l’Amérique Latine, et Marcos Garcia, chargé d’affaires du Venezuela en Belgique et au Grand-duché du Luxembourg (débat modéré par Roland Marounek, membre du Comité de Surveillance OTAN)
Introduction (Modérateur)
Bonjour, et bienvenue à cette soirée d’hommage au dernier Prix Nobel de la Paix - mais à travers cela bien sûr le point fondamental c’est l’agression potentielle, en tout cas annoncée, qui est complètement liée à cette attribution du prix Nobel, puisqu’en plein déploiement de forces étatsunien, les 5 sages du Comité Nobel ont donné une caution morale, une espèce de justification aux plans de Trump pour le Venezuela.
Ce débat s’inscrit dans le cycle des « War & Peace Cafés », qu’on aimerait rendre plus régulier, cycle qui est co-organisé par quatre organisations de la paix... C’était conçu au départ comme un échange entre les organisations de la paix et ce serait intéressant d’avoir leurs opinions, leurs avis sur la question du Venezuela : ce sont des organisations proches, mais le diable est dans les détails.
Ce débat-ci a été proposé par le Comité de Surveillance OTAN, dont je suis membre, et j’aimerais commencer par dire deux-trois mots sur la raison pour laquelle le Venezuela intéresse le Comité de Surveillance OTAN - puisqu’a priori, le rapport entre le Venezuela et l’OTAN ne saute pas aux yeux.
Pour ceux qui ne nous connaissent pas encore, notre Comité est né il y a déjà ¼ de siècle, juste après l’agression de la Yougoslavie par l’OTAN, et à cette occasion beaucoup d’entre nous ont pris conscience de la nature réelle de l’Alliance Atlantique : non pas comme on nous avait raconté pendant longtemps, une alliance de « défense » contre la menace rouge, mais bien une alliance offensive, le bras armé du capitalisme mondial selon nous. Et les guerres successives suivantes, où l’OTAN participait soit directement soit indirectement - l’Afghanistan, l’Irak, la Libye bien sûr, maintenant l’Ukraine - ont confirmé cette position de l’OTAN comme bras armé de l’Occident, de ce qu’on appelle l’Occident global. Et donc en fait « l’Alliance de Défense de l’Atlantique Nord », ben ce n’est pas une défense, c’est agressif, et ça menace le monde entier, du Venezuela à la Mer de Chine je dirais.
Alors, c’est vrai que l’OTAN n’apparaît pas en tant que tel au Venezuela, mais il faut bien savoir, même si ce n’est pas très connu, que l’OTAN est déjà présente dans cette région, dans les Caraïbes. D’une part parce que la Colombie a rejoint l’OTAN : c’est quelque chose qui n’est pas très connu mais la Colombie est le premier « partenaire global » de l’Alliance Atlantique depuis 2018. Et apparemment ce n’est pas très facile de s’en défaire, puisque le président colombien a au moins exprimé le désir de quitter l’organisation, mais ce n’est pas encore fait. L’OTAN est également présente via toute une série d’îles, de ‘possessions’ des Pays-Bas dans les Caraïbes. Si vous voyez la carte, juste en face du Venezuela, il y a toute une série d’iles qui sont des possessions des Pays-Bas, membre émérite de l’OTAN puisque c’est le pays de Mark Rutte, Secrétaire Général actuel de l’OTAN. Et à ce titre là l’OTAN a déjà fait des manœuvres militaires d’intimidation au large du Venezuela.
De façon plus fondamentale, depuis la révolution bolivarienne de Hugo Chavez, le Venezuela est d’office « un ennemi » des Etats-Unis, de l’Union Européenne, de « l’Occident global », dont l’OTAN est le bras armé ; et parmi ses alliés, et bien il y a les ennemis de l’OTAN, l’Axe du mal comme dit Mark Rutte - la Russie, la Chine, l’Iran -, et c’est très intéressant de voir que Mme Machado ne s’y trompe pas : à chaque occasion elle insiste sur le fait que dès qu’elle sera au pouvoir elle chassera l’Iran, la Russie, la Chine du Venezuela, et selon ses propres termes, « elle fera du Venezuela le meilleurs allié de l’Occident ».
Donc oui selon nous, la guerre, au moins la guerre annoncée contre le Venezuela est une partie de cette espèce de guerre mondiale qui déjà en cours, pour préserver l’hégémonie de l’Occident.
On reparlera certainement de tout cela au cours du débat, débat pour lequel nous avons l’honneur et le plaisir d’accueillir Monsieur Marcos Garcia, chargé d’affaire de la République bolivarienne du Venezuela en Belgique et au Grand-duché du Luxembourg, et Monsieur Maurice Lemoine, journaliste, écrivain, ancien rédacteur en chef du Monde Diplomatique, écrivain spécialiste reconnu de l’Amérique Latine et tout particulièrement du Venezuela, si je ne me trompe pas - en gros.
Comme de coutume, pour respecter les façons usuelles de faire dans ces War & Peace Cafés, la soirée sera divisée en 2 parties : première partie, je vais demander à nos invités de s’exprimer le plus brièvement possible sur quatre questions bien précises, je vais leur demander d’essayer de se limiter à 15 minutes par question, de manière à, pour la seconde partie, vous laisser la parole, vos questions, vos critiques, vos remarques, etc.
1. Qui est Maria Corina Machado ?
Modérateur : Maurice Lemoine, le Comité Nobel nous a déjà commis quelques surprises, mais là je pense qu’on a atteint une espèce de sommet orwellien. On a affaire à une personne qui reçoit le prix Nobel de la paix tout en déclarant vouloir une intervention militaire. C'est quand même assez surprenant disons. Alors, est-ce que vous pouvez nous éclairer sur qui est cette douce personne qui est maintenant l’alter ego de Mère Térésa?
Maurice Lemoine. Ce n’est pas tellement nouveau, en fait, les fantaisies du prix Nobel de la paix. Pour commencer, il ne faut plus prendre ça très au sérieux.
Quand on regarde dans l'histoire, on s'aperçoit qu'en 1906, le prix Nobel de la paix était Théodore Roosevelt. Théodore Roosevelt, c'est le président des Etats-Unis qui a organisé la sécession du Panama, qui était une province colombienne et qui s'est emparée du Panama pour pouvoir y construire un canal. Et puis vous avez eu, en 1953, Georges Marshall, qui était aussi Etatsunien, qui était chef d'état-major de l'armée américaine au moment d'Hiroshima et de Nagasaki. Et pour un prix Nobel de la paix, c'est pas mal non plus. Henry Kissinger, vous le connaissez tous, pas la peine que je vous décrive. Très impliqué dans la guerre du Vietnam, organisateur du coup d'État contre Salvador Allende au Chili en septembre 1973, Prix Nobel de la paix en octobre 1973. C'est merveilleux.
Il y a eu Barack Obama en 2009. Personne n'a jamais trop su pourquoi. Alors après, il s'est rattrapé, puisqu'il a détruit la Libye, il est intervenu en Afghanistan, etc.
Et puis il y a eu en 2016, le président de Colombie Emmanuel Santos. Et c'était intéressant, parce qu'il a eu le prix Nobel de la paix, parce qu'il a fait la paix, précisément, avec la guérilla des Farc, les Forces armées révolutionnaires de Colombie... mais en général, quand on fait la paix, on est deux, - et les Farc n'ont pas eu le prix Nobel.
Alors maintenant, nous avons María Corina Machado. Maintenant, si vous regardez les articles sur les Venezuela, vous allez avoir systématiquement : la prix Nobel de la paix, María Corina Machado, cheffe de l'opposition vénézuélienne, etc., etc. Ça en jette, hein ? Parce qu'avant, c'était juste la cheffe de l'opposition vénézuélienne. Maintenant, c'est la prix Nobel de la paix.
María Corina Machado appartient à une grande famille de l'oligarchie, ça, ce n'est pas de sa faute, personne ne choisit où il est né. Elle n'a pas vraiment apprécié Chávez, parce que Chávez a nationalisé une partie des entreprises de son père, qui étaient des entreprises sidérurgiques, donc, à la limite, on peut comprendre qu'elle avait une certaine animosité pour Chávez.
Pour autant, la nationalisation a eu lieu en 2008, et dès 2002, María Corina Machado participe à la tentative de coup d'État contre Chávez. Parce que vous vous souvenez, 11 avril 2002, tentative de coup d'État contre Chávez, vous avez toute l'oligarchie vénézuélienne qui se réunit au palais présidentiel de Miraflores, et qui signe ce qu'on appelle le décret Carmona, qui destitue l'Assemblée nationale, les maires, tous les corps constitués. Et ce décret Carmona est signé par María Corina Machado.
Et puis en 2004, elle va être financée par les États-Unis - tout ce que je vous raconte, c'est documenté. En 2004, elle est financée par les États-Unis pour organiser un référendum révocatoire contre Hugo Chávez, que Hugo Chávez va gagner avec 59% des voix. Entre parenthèses, ce n'est pas des scores à la nord-coréenne. Il gagne le référendum avec 59% des voix : Il y a une opposition.
L'opposition prétend qu'il y a eu fraude, qu’elle va apporter les preuves... On les attend encore, les preuves, on ne les a jamais eues.
Et puis en 2014, souvenez-vous, il y a eu une vague d'émeutes au Venezuela. Violence insurrectionnelle qui a été lancée par l'opposition radicale sous le nom de « la salida », la sortie. Ça a fait 45 morts. Maria Corina Machado a été impliquée dans la salida, et elle a été devant l'Organisation des États-Américains pour témoigner et demander des sanctions contre le Venezuela.
Et alors, la trouvaille, pour qu'elle puisse parler devant l'Organisation des États-Américains - parce qu'elle n'était que députée, donc elle n'avait aucune légitimité à s'exprimer devant l'OEA -, c'est le Panama qui lui a prêté son siège. Donc elle est devenue un temps ambassadrice du Panama pour demander devant l'OEA des sanctions contre son propre pays. Et c'est la première fois qu'elle a été déclarée inéligible au Venezuela parce que pour faire ceci, elle aurait dû avoir l'autorisation de l'Assemblée nationale.
Et puis, bon, Hugo Chavez nous a quittés, enfin, surtout quitté les Vénézuéliens. Et depuis l'arrivée au pouvoir de Nicolas Maduro, en 2018, Maria Corina Machado participe à une campagne d'une extrême violence, demandant une campagne de pression maximum, à Trump en particulier, lors de son premier mandat. Elle a appelé en permanence à une aggravation des sanctions (parce que les États-Unis de Trump ont imposé des sanctions au Venezuela), et les sanctions ont coûté, jusqu'en 2023, 228 milliards de dollars au Venezuela. C'est-à-dire que les sanctions ont ruiné l'économie vénézuélienne. Ces sanctions ont été appuyées en permanence par Maria Corina Machado qui demande en permanence, et aujourd'hui encore, à les aggraver.
Je précise une chose, parce que je présume qu'il n'y a pas grand monde ici qui aime beaucoup Donald Trump, mais le décret qui a permis les sanctions, qui a fait du Venezuela une « menace extraordinaire et exceptionnelle contre la sécurité nationale des États-Unis », ce qui est une absurdité totale, a été signé en mars 2015 par Barack Obama. C'est-à-dire que Trump, en réalité, c'est la suite de Barack Obama en plus grave.
Maria Corina Machado a appelé à une intervention militaire dans son propre pays, elle en a appelé à la responsabilité de protéger, R2P, qui a été inventée par les humanitaires pour permettre des interventions dans des pays dans lesquels on a envie de chasser... Bref, elle a violé délibérément toutes les règles. Je précise que si Maria Corina Machado était française, c'est-à-dire si elle avait demandé des sanctions contre son propre pays à un ennemi de la France, l'article 411.4 du code pénal, le fait d'entretenir des intelligences avec une puissance étrangère en vue de susciter des hostilités ou des actes d’agression contre la France est puni de 30 ans de réclusion criminelle. Autrement dit si Maria Corina Machado était française, elle serait emprisonnée. Et le Venezuela, qu'on présente comme un régime autoritaire, est d’une mansuétude immense, alors pour des raisons, évidemment, qu'on pourra expliquer après, avec Maria Corina Machado.
Donc, Maria Corina Machado est inéligible. Alors je rappelle qu'en France, on a Marine Le Pen qui est inéligible. Ça ne déclenche pas un scandale international. Qu'au Brésil, Jair Bolsonaro est devenu inéligible, et que ça ne provoque pas un scandale international. Que normalement, aux États-Unis, Donald Trump aurait dû être inéligible, or il ne l’est pas, et ça aurait dû provoquer un scandale international, parce que je vous rappelle quand même qu'il a contesté le résultat des élections et la victoire de Biden en 2020.
Au Venezuela donc, la droite a organisé des primaires, auxquelles Maria Corina Machado, qui était inéligible, a participé. Tout le monde savait donc dès le départ qu'il y aurait un problème. Et puis, je vais évidemment passer très vite, les élections primaires de la droite vénézuélienne, avec Maria Corina Machado, ont été à de multiples reprises dénoncées, y compris par ceux qui y ont participé, comme étant pas très claires, pas très nettes... Par exemple, la vice-présidente de la commission nationale des primaires, Maria Carolina Uzcategui, a démissionné en juillet, parce qu'elle considérait que les conditions n'étaient pas remplies, etc...
Donc d'emblée, il y a eu des suspicions, et, au terme de ces primaires, Maria Corina Machado est devenue, dans nos médias, dans vos médias, qui sont à peu près les mêmes en France et en Belgique, la cheffe de l'opposition vénézuélienne : Maria Corina Machado a gagné les primaires de l'opposition avec 92% des voix - et donc, tout le monde en a conclu que Maria Corina Machado était la chef de l'opposition vénézuélienne, et qu'elle allait forcément battre Nicolas Maduro, puisqu'elle était immensément populaire.
Ce qu'on n'a pas vraiment analysé, c'est qu'elle a gagné les primaires avec 1 500 000 voix, ce qui représente 10% du corps électoral vénézuélien. Si on vous a présenté comme quelqu'un qui avait le soutien d'un raz-de-marée vénézuélien, en réalité, c'était une escroquerie. Alors, la cheffe a effectivement gagné les primaires de la droite, mais avec 10% du corps électoral vénézuélien.
Imaginez-vous, elle a gagné les primaires, elle était inéligible. Et donc, à ce moment-là, tout le monde se demande ce qu'il va se passer. Maria Corina dit, textuellement, les élections ne peuvent pas se passer sans moi.
Et donc, on va avoir, pendant toute la campagne, une pression maximum sur le thème « Maria Corina Machado doit pouvoir se présenter ». Il se trouve qu'avant cette séquence, l'opposition vénézuélienne avait négocié avec le gouvernement à La Barbade, elle avait signé un accord en octobre 2023 pour organiser la présidentielle, et l'opposition et le gouvernement s'étaient engagés à respecter les institutions vénézuéliennes, les institutions électorales et les lois vénézuéliennes. Et cet accord de La Barbade avait prévu que le cas des personnes inéligibles serait réexaminé par la Cour suprême de justice. Mais en aucun cas, l'accord avait dit que les gens inéligibles allaient être rendus éligibles.
La Cour suprême de justice a réexaminé le cas de Maria Corina Machado, et a confirmé qu'elle était inéligible. Et à partir de là, vous avez eu le déclenchement d'un scandale international : « la cheffe de l'opposition vénézuélienne ne peut pas se présenter à la présidentielle, le Venezuela est une dictature ». Alors vous avez eu évidemment les Etats-Unis, vous avez eu l'Union européenne, vous avez eu Amnesty International, - s'il y a des militants d'Amnesty ici, j'ai la plus grande sympathie pour vous, mais il est temps d’interroger un petit peu votre organisation : Il y a un vrai problème. Maria Corina Machado, prix Nobel de la Paix et d’extrême droite, a été félicitée par Amnesty International. Pour les défenseurs des droits humains, c'est douloureux.
Bref, Maria Corina Machado n'a pas pu se présenter. Au bout du bout du bout du bout - je vous raconte pas toute l'histoire, si vous voulez la savoir, vous allez sur le site de Mémoire des luttes, il y a des articles très détaillés sur ce qui s'est passé -, elle a nommé un remplaçant, Edmundo Gutierrez.
Et quelques temps avant l'élection, l'opposition, et Maria Corina Machado en particulier, a annoncé qu'elle ne reconnaîtrait pas les résultats de l'élection, et qu'elle allait mettre en place un système parallèle de comptage des votes.
Citez-moi un pays démocratique, où l'opposition d'extrême droite, peut annoncer : ‘nous ne reconnaîtrons pas les résultats de l'élection, et nous aurons notre propre décompte’. Et c'est ce qui s'est passé au Venezuela.
Et non seulement le jour de l'élection, il y a eu ce système parallèle, mais le conseil national électoral vénézuélien, qui était en charge de cette opération, a été victime d'une cyberattaque, qui l'a empêchée de donner les résultats le soir même.
Je vous précise : quand je vous affirme qu'il y a eu une cyberattaque, parce qu'elle a été niée, on dit ‘c'est le gouvernement qui raconte ça’, elle a été revendiquée. Elle a été revendiquée par un hacker qui s'appelle Astra, qui, dans le monde des hackers, fait partie, paraît-il, des hackers les plus habiles du monde. Il a infiltré il y a une quinzaine d'années le système Dassault en France, pour piquer des secrets industriels.
Et dans une interview qui est en ligne, que l’on peut consulter, il a revendiqué cette attaque sur le conseil national électoral vénézuélien. Et cette attaque a été confirmée par une entreprise de spécialistes de la cybersécurité, qui est étatsunienne, qui s'appelle Netwood Systems, qui a publié un article, que l’on peut là encore lire.... : moi je ne suis pas Tintin reporter. Maintenant la grande mode c’est le « journalisme d’investigation ». Moi, je fais juste du journalisme d'investigation. Tout ce que je vous dis, c’est en source ouverte. Netwood Systems a confirmé qu'il y avait eu une attaque extrêmement violente sur le système national.
Moyennant quoi, tout le monde vous a dit que Nicolas Maduro a perdu l'élection, et Maria Corina Machado les a gagnées. Et depuis cette période, circule ce qu'on va appeler la légende, que Maduro avait perdu l'élection, que Maduro est un dictateur, et Maria Corina Machado est devenue Sainte Maria Corina Machado. Et Sainte Maria Corina Machado, depuis cette élection, appelle encore et en permanence à des sanctions contre le Venezuela, à une intervention militaire contre le Venezuela. Il y a en ce moment une flotte de la marine de guerre des États-Unis qui est face au Venezuela, et Maria Corina Machado l'appelle ouvertement à intervenir.
Et au Venezuela, d'ailleurs, on ne parle plus de Maria Corina Machado quasiment, Maria Corina Machado, c'est un produit destiné à l'extérieur. C'est un produit qui vous est destiné. Et en permanence, vous pouvez le voir sur X, ou sur Instagram, où elle est dans un discours absolument délirant, sur le Venezuela qui est l'allié de la Russie, qui fait pénétrer la Chine en Amérique latine, avec des cellules du Hezbollah... évidemment un discours qui porte auprès de l'administration Trump.
Elle a évidemment beaucoup d'amis, Maria Corina Machado. Par exemple, dans son parti Vente Venezuela, a passé un accord de coopération avec le Likoud de Benjamin Netanyahou. Un accord de coopération, il est signé, il est public. C'est la grande amie de Milei de Trump, de tous les gens qu'on connaît, et qu'on peut dire qu'ils sont de droite radicale ou d'extrême droite... Honnêtement, je ne suis pas capable de vous expliquer comment fonctionne le comité Nobel. Je ne comprends même pas comment quelqu'un a pu imaginer donner le prix Nobel à Maria Corina Machado.
Le 5 et 6 novembre, la prix Nobel Maria Corina Machado « qui vit dans la clandestinité », est intervenue par Internet lors de l'American Business Forum de Miami. Je vous lis ce qu'elle a dit donc au Businessmen de Miami :
« Je parle d'opportunités de 1700 milliards de dollars. Pas seulement dans le pétrole et le gaz, qui sont des opportunités énormes, et vous le savez. Car nous allons privatiser les secteurs de l'exploration et de la production, les raffineries et le transport. Mais aussi les mines et les infrastructures, les gisements d'or, le secteur de l'énergie. Notre réseau électrique dispose de 17 gigawatts et doit être rénové en vue de développer les nouvelles technologies et l'intelligence artificielle. Sans parler du tourisme, le Venezuela dispose de 800 kilomètres de côte avec une eau transparente. La côte caraïbe est prête à être développée. Ca va être énorme.
Nous ramènerons l'état de droit, nous allons ouvrir les marchés, nous apporterons toute la sécurité pour les investissements étrangers, ainsi qu'un programme massif de privatisation et c'est privatisation d'attente que vous. »
Voilà qui est Maria Corina Machado, Prix Nobel de la Paix.
2. Le Venezuela est-il une dictature ?
Modérateur : Merci beaucoup. C'était presque dans les temps...
Monsieur Garcia, Maurice Lemoine a déjà un peu empiété sur la question de la démocratie, mais c'est vrai que lorsqu'on parle à certains, même amis et camarades du mouvement de la paix, c'est cette question de démocratie qui revient très souvent. Les raisons pour lesquelles le comité Nobel a attribué son prix à Maria Corina Machado, c’est, je cite, « pour son combat pour parvenir à une transition pacifique de la dictature à la démocratie »
Il n'y a pas que des gens d'extrême droite qui soutiennent Machado. Le président Macron salue « le courage et l'engagement résolu en faveur de la démocratie et de la liberté au Venezuela ». Son successeur potentiel, Raphaël Glucksmann, a félicité Machado en s’écriant « Vive l’inlassable combat des Vénézuéliens contre la dictature de Maduro ! ». Donc, ma question, M. Garcia : est-ce que le Venezuela est une dictature, et est-ce que Mme Machado va y apporter la démocratie ?
Marcos Garcia [d’après les notes remises] :
Pour répondre à cette question, il faut aller au-delà des discours médiatiques et regarder les faits politiques, les violences internes et les pressions internationales qui marquent ce pays depuis plus de vingt ans.
Le Venezuela : un pays où le peuple vote
Depuis 1999, le Venezuela a organisé 33 élections : présidentielles, parlementaires, régionales, municipales et référendums. C’est l’un des pays qui a voté le plus souvent en Amérique latine.
Et attention : L’opposition a gagné plusieurs fois. En 2007, elle a remporté le référendum constitutionnel. En 2015, elle a gagné la majorité à l’Assemblée nationale.
Mais paradoxalement, à chaque fois que le gouvernement chaviste gagne, l’opposition refuse de reconnaître les résultats. Et très souvent, elle choisit la violence plutôt que le dialogue.
La violence politique de l’opposition
Revenons sur quelques faits : En avril 2002, un coup d’État renverse Hugo Chávez pendant 48 heures. Après, ils ont organisé une grève pétrolière en décembre 2002. En 2013, après la victoire de Maduro, des émeutes éclatent. En 2014, avec “La Salida”, certains dirigeants de l’opposition appellent à la mobilisation permanente pour faire tomber le président. En 2017, les manifestations deviennent dramatiques : un jeune homme, Orlando Figuera, est brûlé vif simplement parce qu’il était considéré comme chaviste. En 2019, soutenu par les États-Unis, Juan Guaidó se proclame “président par intérim”. Et encore en 2024, après une nouvelle défaite électorale, l’opposition tente une “révolution de couleur”.
Tout cela montre que, face à chaque défaite électorale, certains secteurs de l’opposition préfèrent la confrontation à la voie démocratique. Il convient de noter que toutes ces actions sont financées par les États-Unis et l’USAID.
Les pressions extérieures : les mesures coercitives unilatérales
Mais la pression ne vient pas seulement de l’intérieur. Elle vient aussi de l’extérieur — notamment des États-Unis et de l’Union européenne.
En 2015, le président Barack Obama signe un décret déclarant le Venezuela comme une “menace pour la sécurité nationale”. C’est le point de départ officiel des mesures coercitives unilatérales, qu’on ne peut nommer « sanctions » car c’est seulement le Conseil de sécurité de l'ONU qui peut décider des sanctions.
En 2017 sous Donald Trump, ces sanctions deviennent économiques et financières : le Venezuela est exclu du système bancaire international, ses avoirs sont gelés, et même CITGO, sa principale entreprise à l’étranger, est confisquée.
En 2019, les États-Unis reconnaissent Juan Guaidó comme président et imposent un embargo pétrolier total, privant le pays de ses revenus principaux.
Ces mesures coercitives unilatérales ont eu un impact énorme sur l’économie, sur les services publics et sur la vie quotidienne des Vénézuéliens. Cependant, nous avons réussi à surmonter la violence politique et la coercition économique pour vivre en démocratie.
3. Pour quelles raisons les Etats-Unis veulent-ils attaquer le Venezuela ?
Modérateur : Je ne sais pas si ça vaut vraiment la peine de revenir sur le prétexte trouvé par Trump de lutte contre le narcoterrorisme, le trafic de drogue, tellement ça paraît grossier et encore moins crédible que les armes de destruction massives de Saddam Hussein. Je suis sûr que les démocraties européennes auraient préféré une bonne guerre pour la démocratie, la liberté et les droits de l'homme, le package complet. Quelles sont donc selon vous les raisons réelles pour lesquelles l'administration Trump veut actuellement ou prévoit ou semble programmer une agression contre le Venezuela?
Maurice Lemoine : Alors, le Venezuela, c'est à la fois un cas particulier, mais en même temps ce n'est pas un cas si particulier que ça.
Quand vous prenez la période récente en Amérique latine, vous avez eu : tentative de coup d'État contre le Venezuela en 2002, coup d'État en Haïti en 2004, coup d'État réussi au Honduras en 2009, contre Manuel Zelaya, coup d'État réussi au Paraguay en 2012, contre Fernando Lugo, coup d'État réussi en 2016 au Brésil contre Dima Rousseff, (coup d'État parlementaire, mais c'était un coup d'État puisque l'accusation portée contre Dima Rousseff ne tenait pas la route). Vous avez eu un coup d'État au Pérou en 2021. Vous avez eu en 2015 le décret d'Obama contre le Venezuela, vous avez eu le Venezuela, ça a été dit, en 2014, violence insurrectionnelle, 45 morts, en 2017, violence insurrectionnelle, 125 morts.
Alors les médias vous ont dit, « il y a de la violence au Venezuela, de la répression, 125 morts ! » Non, dans les 125 morts, il y avait effectivement des opposants, il y a eu des gardes nationaux, il y a eu des policiers tués par balles, c'est-à-dire que l'opposition démocratique au Venezuela tire à balles réelles sur les forces de l'ordre. On n'est pas en Belgique, on n'est pas en France, on n'est pas en Suisse, ce n'est pas la même histoire.
Entre parenthèses, il y a eu toute une campagne médiatique en 2017 contre Nicolas Maduro « il y a eu une répression qui a fait 125 morts au Venezuela » : dans les Caraïbes en ce moment, avec les frappes de la marine américaine contre des embarcations supposées de narcotrafic, on en est déjà à plus de 60 morts [le 11 novembre]. C'est remarqué, mais ce n'est pas encore l’objet d'un scandale.
Il y a eu en 2017 la détention de Lula au Brésil pour l'empêcher de se présenter à l'élection présidentielle en 2018. 2018, soulèvement du Nicaragua, 220 morts, ce n'est pas rien, il faudrait une soirée au Nicaragua pour en parler. 4 août 2018, tentative d'assassinat de Nicolas Maduro. C'est passé inaperçu, franchement, ça n'a pas fait les grands titres. Avec des drones. C'est nouveau, ça venait de sortir.
Octobre 2019, coup d'État contre Evo Morales... C'est-à-dire qu'il y a une offensive générale de la droite, des droites, et de ce qu'on appelle à juste titre l'impérialisme, avec le sous-impérialisme européen, contre les gouvernements de gauche d’Amérique latine, quels qu’ils soient.
Alors c'est encore plus grave contre le Venezuela, parce que c'est les premières réserves pétrolières du monde. Vous le savez, si vous ne l'êtes pas, j'imagine que vous êtes déjà un peu au courant. Je vous prends quelques déclarations qui ont été faites depuis le gouvernement des Etats-Unis parlant du Venezuela, pour que vous puissiez comprendre bien la logique.
Il y a une chose qu'il faut bien comprendre, c'est que le Venezuela est un pays qui est victime d'une guerre. Alors ça s'appelle une guerre hybride, ça ne se voit pas, ça passe inaperçu, ce n'est pas une armée contre l'autre - jusqu'à présent.
Vous avez, début des mesures coercitives unilatérales, déclaration du département d'Etat des Etats-Unis, 9 janvier 2018 : « La campagne de pression contre le Venezuela fonctionne. Les sanctions financières que nous avons imposées ont obligé le gouvernement à commencer à tomber en défaut, tant pour la dette souveraine que pour la dette de PDVSA ». PDVSA c'est la compagnie pétrolière nationale. « Et ce que nous voyons est un effondrement économique total au Venezuela. Donc notre politique fonctionne, notre stratégie fonctionne et nous la maintiendrons ».
Là on est en 2019, au moment où Juan Guaido s'autoproclame président du Venezuela.
Vous avez Matt Pompeo, qui est l'ancien chef de la CIA, mais aussi qui est l'ancien secrétaire d'Etat du premier mandat de Donald Trump, qui a écrit ses mémoires. Je vous lis un petit passage : « Nous espérions rendre la vie du régime si misérable » -il parle du Venezuela- « nous espérions rendre la vie du régime si misérable que Nicolas Maduro et ses voyous seraient obligés de passer un accord avec l'opposition. Si Maduro voulait vivre dans un château suisse pour le reste de sa vie, nous étions prêts à le laisser faire à condition que le Venezuela revienne à la normale. A plusieurs reprises, le président Trump, John Bolton et moi-même avons suggéré l'option militaire pour le Venezuela. Aucun d'entre nous ne voulait retirer publiquement de la table un important moyen de pression »
Trump quitte le pouvoir, Biden fait quatre ans, et Biden assouplit très très légèrement, pour des raisons que je vous expliquerai après, les mesures coercitives bilatérales, en autorisant l'entreprise de la multinationale Chevron à exploiter le pétrole vénézuélien. Ça réduit très minimement les sanctions, mais ça représente un ballon d'oxygène pour le Venezuela. Trump se met en colère, il est dans l'opposition, et veut revenir au pouvoir, et il déclare le 10 juin 2023 : « Quand je suis parti, le Venezuela était prêt de s'effondrer. Nous l'aurions pris, nous aurions tenu tout ce pétrole, nous l'aurions eu juste à côté, mais maintenant nous lâchons le Venezuela, et nous enrichissons un dictateur. »
Donc en fait c’est clair : le PDVSA était bon à prendre. Et puis vous avez celui qui est aujourd'hui le secrétaire d'Etat, donc le ministre des affaires étrangères, Marco Rubio. En 2019, il y a eu une cyberattaque sur le système électrique vénézuélien, ça s'est traduit par une catastrophe pendant plusieurs jours, plus d'électricité au Venezuela, et cinq heures avant, cinq heures avant le déclenchement de cette cyberattaque, aux Etats-Unis, devant le sous-comité de relations extérieures du Sénat, Marco Rubio déclarait : « le Venezuela va entrer dans une période de souffrance qu'aucun pays de notre hémisphère n'a jamais affronté dans l'histoire moderne. »
C'est lui qui est actuellement le secrétaire d'Etat aux Etats-Unis. Et donc la politique qu'ils sont en train d'appliquer, c'est évidemment celle-là.
Alors, on va quand même revenir sur l'accusation du Venezuela, pays du narcotrafic, pays failli. Vous savez qu'on a un président au Venezuela, qui s'appelle Nicolas Maduro, dont la tête est mise à prix par les Etats-Unis, 50 millions de dollars ! Ça a commencé à 15 millions de dollars pendant le premier mandat de Trump, c'est passé à 25 millions de dollars, et c'est maintenant à 50 millions de dollars. L'argument de l'administration des Etats-Unis, c'est « Nicolas Maduro est le chef de deux cartels, un cartel de drogue, le cartel des soleils, et un autre cartel de drogue, el tren de Aragua. »
Le train d'Aragua, ça a été une bande, effectivement, qui a sévi au Venezuela, une bande de délinquants, il y a eu une période au Venezuela où il y avait une très très forte délinquance, une bande qui a été démantelée, qui avait pris le contrôle d'une prison, la prison de Tocoron, et ça a été démantelé. Et le tren de Aragua, au Venezuela, n'existe plus. Tous les leaders ont été arrêtés, et il se trouve que cette bande, qui était une espèce de grande bande informelle, du fait des mesures coercitives unilatérales, l'économie s'est effondrée, et donc vous avez eu effectivement une vague migratoire de Vénézuéliens qui sont partis. Et un certain nombre des délinquants qui appartenaient au tren de Aragua sont partis avec la migration. Et effectivement, dans les pays où ils sont arrivés, alors ça peut être la Colombie, ça peut être le Pérou, ça peut être le Chili, ou l'Équateur, ils ont recommencé la délinquance. Mais ce n'est plus le train d'Aragua. Ce sont des délinquances informelles, des groupes.
Et le président Trump a trouvé absolument ‘fantastique’ de dire que le tren de Aragua avait été envoyé par Maduro pour infiltrer les États-Unis. Et donc il accuse Maduro d'être le patron du tren de Aragua qui tente d’envahir les États-Unis.
Alors, aux États-Unis, il y a encore des trucs qui fonctionnent, et il y a un organisme qui s'appelle le Conseil National du Renseignement. En anglais, National Intelligence Council. Ce conseil regroupe 18 organismes, la CIA, la DEA, la NSA, le FBI, tous les organismes de sécurité... Et il se trouve qu'ils ont sorti un rapport le 7 avril 2025, dans lequel ils expliquent très clairement que le tren de Aragua n'existe pas et n'est pas en train d’envahir les États-Unis. C'est-à-dire que l'administration même de Trump dit le contraire de ce que vous raconte Trump.
Je ne sais pas si vous suivez un peu les médias, moi, c'est mon métier, mais systématiquement, ils vous parlent du tren d'Aragua. Et jamais on ne va vous expliquer que ce truc, c'est un truc bidon.
Et puis, Nicolas Maduro serait le chef du Cartel des Soleils. Les Soleils, c'est les étoiles qu'ont les généraux vénézuéliens sur leurs épaulettes. L'histoire du Cartel des Soleils est née en 1993, avant l'arrivée au pouvoir de Hugo Chavez. Il y a deux généraux de la Garde nationale qui ont été pris la main dans le pot de confiture, la confiture étant de la cocaïne, qui ont été condamnés, et des journalistes un peu malins, astucieux, ont parlé du ‘Cartel des Soleils’.
Et c'est revenu régulièrement, à chaque fois avec des militaires, parce qu'il y a aussi de la corruption au Venezuela, ce n'est pas un pays parfait, c'est un pays qui a 2200 kilomètres de frontières avec la Colombie, qui est le premier producteur mondial de cocaïne, donc évidemment, il y a des passages. Et chaque fois qu'un militaire a été pris, c’était le Cartel des Soleils.
Sauf que ça n'a jamais été un cartel. Et que depuis 2015, c'est utilisé, ça a été monté en épingle par un certain nombre de médias, il y a eu le New York Times, le Wall Street Journal, le El Pais en Espagne, l’ABC en Espagne, qui ont lancé la campagne sur le cartel des Soleils, en expliquant qu’au Venezuela, il y avait un cartel, un peu comme le cartel de Sinaloa, le cartel de Medellín, le cartel de Cadi.... Ce cartel, il n'a jamais existé.
Et là encore, il suffit tout simplement de consulter les sources ouvertes. Les sources ouvertes, c'est les rapports. C'est les rapports que sortent tous les ans l'ONU-DC, l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime. Depuis maintenant 20 ans, 25 ans, tous vous expliquent que la cocaïne, elle sort à 80%, 85% par le Pacifique. Le Venezuela n'a pas de côte sur le Pacifique. Qu'elle sort à 7 ou 8% par la Caraïbe Nord, c'est-à-dire par l'Amérique centrale, et à 5% par le Venezuela.
C'est-à-dire que oui, il y a 5% de la cocaïne qui passe par le Venezuela. Mais lorsque Trump déploie une flotte de la marine de guerre des Etats-Unis face au Venezuela pour lutter contre un narcotrafic, tout le monde sait que c'est bidon. Tout le monde sait que ça ne ... strictement rien. Si bien qu'en ce moment, il y a le plus gros porte-avions de la marine de guerre des Etats-Unis qui est en train de faire route vers le Venezuela. Il y a à bord 70 avions de chasse, il y a des hélicoptères, il y a en face du Venezuela 2 000 marines. C'est-à-dire qu'on est dans un... Et tout le monde le sait.
Et en imaginant que Donald Trump veut lutter contre le narcotrafic, je lui rappellerai très modestement que lors de son premier mandat, il avait fait une alliance au sein du groupe de Lima, qui était un de tous les pays de droite d'Amérique latine, pour déstabiliser le Venezuela, avec un président colombien qui s'appelait Ivan Duque, qui était un président d'extrême-droite et dont on sait qu'il a été élu en particulier grâce à l'argent d'un narcotrafiquant qui s'appelait José Guillermo Ney Fernandez qui a été assassiné depuis et tout ça est prouvé en Colombie.
Tout le monde sait aujourd'hui qu'en ce moment, le pays, qui était l’un des pays les plus sûrs d'Amérique du Sud il y a quelques années, et qui aujourd'hui est devenu la place du trafic de cocaïne vers l'Europe et vers les Etats-Unis, c'est l'Équateur. Et l'Équateur est gouverné par un président de droite, Daniel Noboa, et le gouvernement des Etats-Unis semble ignorer complètement que l'Équateur est devenu le principal pays fournisseur de drogues pour l'Europe.
Entre parenthèses, il y a eu des élections présidentielles en Équateur, dans le courant de l'année 2025. Le président Daniel Noboa a été réélu. La gauche, la révolution citoyenne, le président Rafael Correa qui est en exil, a parlé d'une fraude massive, et a fait intervenir des organismes techniques européens pour montrer qu'il y avait eu un problème avec les bulletins de vote. Je ne sais pas s'il y a eu une fraude en Équateur, mais la gauche équatorienne demande l'ouverture des urnes, pour qu'on puisse vérifier. Vous en avez entendu parler ? Vous vous souvenez des procès verbaux du Venezuela, l'histoire qu'on nous avait, parce que Nicolas Maduro n'a pas montré le procès verbaux ? Là, en ce moment, il y a en Équateur une véritable raison de demander la présentation des bulletins de vote. Rien du tout.
Donc, en fait, le narcotrafic, c'est bidon.
Le pétrole.
Alors le pétrole, il faut quand même s'arrêter deux minutes dessus, parce qu'en général, on se débarrasse de l'affaire en disant que c'est le pays qui a les plus grandes réserves, sauf que c'est un peu bizarre, parce que le plus gros producteur de pétrole mondial en ce moment, c'est les États-Unis. Donc, on est amené à se demander, mais pourquoi est-ce que les États-Unis ont besoin du pétrole vénézuélien, si les États-Unis sont, non seulement les premiers producteurs, mais les premiers exportateurs. Donc, comme ça, dans la logique au départ, on se dit que c'est un peu bizarre.
Alors, États-Unis, le plus gros producteur du monde, avec 20 millions de barils par jour. C'est-à-dire, au plus fort de la période de Chavez, le Venezuela produisait 3 millions de barils par jour. Aujourd'hui, ils sont à entre 800 miles à un million.
Des hydrocarbures qui jaillissent du sol américain, dans la grande majorité, c'est du pétrole de schiste. Alors, déjà, ça pose un problème, c'est la fracturation hydraulique, sur le plan écologique, c'est une catastrophe.
Ce pétrole qui est exploité par la fracturation hydraulique, c'est un pétrole très léger. Il est exploité depuis une vingtaine d'années. Il se trouve que l'industrie pétrolière des États-Unis n'a pas été conçue pour traiter du pétrole léger. Elle a été conçue pour traiter du pétrole lourd, parce que le pétrole lourd vient du Venezuela, et que Venezuela a été, depuis la fin du 19ème siècle, l'un des principaux pays qui a approvisionné les États-Unis.
Il y a une filiale de la compagnie pétrolière nationale vénézuélienne PDVSA, CITGO, qui est aux États-Unis, qui a été confisquée par les États-Unis. Elle vaut 7 milliards de dollars. Elle rapportait 11 milliards de dollars par an en raffinant le pétrole lourd.
Or, il se trouve qu'en se privant du pétrole lourd vénézuélien, les États-Unis sont dans une situation plus compliquée. Parce que le pétrole léger qu'ils exploitent, il leur permet de faire de l'essence. Mais le pétrole lourd, il est aussi dans l'industrie, il est utilisé pour faire du bitume. Et donc, ils n'ont pas pu remplacer le Venezuela. Ou alors, il faut faire venir ce pétrole lourd depuis le lointain Orient.
Donc, en fait, les États-Unis ont toujours besoin du pétrole vénézuélien, bien qu'ils soient producteurs. Et puis, on peut imaginer que demain, un gouvernement qui ne serait pas Trumpiste, qui ne serait pas anti-écolo, qui ne serait pas négationniste du changement climatique, arrêterait la fracturation hydraulique, et qu'on aurait besoin d'apporter du pétrole. Donc, le Venezuela demeure un objectif absolument prioritaire.
Donc, les États-Unis manquent de pétrole lourd. Et puis, ça a un aspect électoral, pour Trump. Citgo, a 8 raffineries aux États-Unis. Toutes ces raffineries sont dans le golfe du Mexique, dans des zones qui votent pour Trump. Mais s'il n'y a pas de boulot, Trump, sur le plan électoral, ça lui pose un problème. Donc, il a besoin du pétrole vénézuélien. Donc, il permet encore aujourd'hui à Chevron, la multinationale, d'exploiter le pétrole vénézuélien. C'est-à-dire que ce n'est pas un cadeau, c'est parce qu'il en a besoin.
Donc la première raison pour laquelle Trump veut intervenir au Venezuela, c'est ça. La raison, c'est l'or. La raison, c'est le coltan. La raison, c'est les richesses de Venezuela.
La deuxième raison, c'est que, comme Cuba, le Venezuela est devenu un symbole. C'est-à-dire que le Venezuela résiste. Et ça, les États-Unis ne supportent pas. C'est un mauvais exemple pour l'Amérique latine.
Je vous ai lu tout à l'heure, le programme de María Corina Machado, qui promeut les privatisations, qui vous dit, « c'est énorme, tout ce qu'on va vous offrir ». Elle veut privatiser le pétrole vénézuélien, elle veut privatiser l'or, elle veut faire de la côte Caraïbes ce que Trump veut faire à Gaza, c'est-à-dire un paradis touristique. Excusez-moi, je le dis presque en riant, mais c'est absurde.
Ce n'est pas que le Venezuela. Dans l'armée des États-Unis, il y a ce qu'on appelle le Southern Command, le commandement sud de l'armée des États-Unis. Il était dirigé jusqu'à il n'y a pas très longtemps, par une femme, la générale Lauren Richardson. Et en 2021, elle expliquait devant un groupe de réflexion du conseil de l'Atlantique pourquoi Washington avait vraiment besoin de l'Amérique latine. Pas uniquement du Venezuela, de l'Amérique latine. Et là, encore, j'ouvre les guillemets et je vous le lis. (En plus, je n'ai rien à vous apprendre, vous le savez aussi bien que moi. Simplement, je vous le confirme avec des sources précises). La commandante en chef du Southern Command dit :
« Avec toutes ces richesses en ressources et en éléments de terres rares, vous avez le triangle du lithium nécessaire à la technologie d'aujourd'hui. »
Le lithium, c'est Argentine, Bolivie, Chili. Selon la chef militaire,
« La plus grosse réserve de pétrole sont celles du Venezuela et du Guyana », qui viennent des découvertes au Guyana. « Vous avez aussi les ressources du Venezuela avec du pétrole, du cuivre, de l’or... En soulignant que l'importance de l'Amazonie est le poumon du monde. »
En réalité, il y a deux éléments : Ils ont besoin de ces matières premières, et en plus, il y a eu depuis maintenant 50 années, l'intégration de la Chine. Donc, il faut reprendre en main l'Amérique latine pour en chasser la Chine qui est devenue un concurrent. Un concurrent extrêmement important.
Je m'arrête un instant sur la Colombie. La Colombie, c'est le pays voisin du Venezuela. C'est un pays frère, ils ont une histoire commune. La déstabilisation du Venezuela est également en train de se porter sur la déstabilisation de la Colombie.
La Colombie a depuis 2022, si je ne me trompe pas, le premier président de gauche de l'histoire républicaine du pays. Je ne sais pas si vous vous imaginez. Le premier président de gauche, Gustavo Petro.
Gustavo Petro, il a un côté un peu kamikaze. On peut ne pas être toujours d'accord avec lui, mais il est quand même assez courageux, et il a critiqué d'une manière extrêmement [violente ?] la politique d'Israël à Gaza. Mais il a également accusé les Etats-Unis d'être complices de génocide. Vous voyez un peu l'ambiance, avec Trump en face. Il condamne la présence de cette flotte militaire états-unienne face aux côtes du Venezuela, mais aussi face aux côtes de la Colombie.
Dans les frappes qui ont été faites par les Etats-Unis contre des embarcations supposées de narcotrafiquants, il y a des Colombiens qui ont été tués. Et donc, Gustavo Petro a dit ce que tout le monde dit, ce sont des assassinats. Si c'est des narcotrafiquants dans ses vedettes, c'est possible d'ailleurs, on les intercepte, on les arrête, on les interroge, on remonte les réseaux, on fait de la lutte contre le narcotrafic. On ne fait pas de l'assassinat. Donc Gustavo Petro est monté au créneau d'une manière extrêmement forte.
Gustavo Petro est dans une situation compliquée dans son pays. Il n'a pas la majorité. Il a une armée qui est une armée qui, depuis des décennies, lutte contre des guérillas, est anti-gauche. Et qu'est-ce qu'il se passe aujourd'hui ? Il est sanctionné par les États-Unis. C'est un truc absolument extraordinaire : Il a été mis sur la ‘liste Clinton’. La liste Clinton, aux États-Unis, c'est le département du Trésor qui vous met sur la liste Clinton, c'est la liste noire des entreprises et des personnes ayant des liens avec l'argent provenant du trafic de drogue.
Et Donald Trump a dit, « Petro, c'est un baron de la drogue ».
Petro, il est président de la Colombie. Il est sur la liste Clinton. Le système bancaire colombien a annoncé qu'il fermait les comptes du président de la République, Gustavo Petro. Parce que le système bancaire colombien dépend des États-Unis. Si demain, vous êtes sur la liste Clinton, votre carte Visa, vous pouvez la mettre à la poubelle. Vous ne pouvez plus vous en servir. Votre carte Mastercard, vos comptes bancaires sont fermés parce que les banques européennes, aussi bien que les autres, ont la trouille des sanctions des États-Unis. Et donc vous avez aujourd'hui le président de la République en Colombie qui ne peut plus toucher son salaire. Il a fait récemment un voyage en Arabie Saoudite. Il a fait une escale à Madrid. Les compagnies pétrolières de l'aéroport Barajas à Madrid ont refusé de lui fournir du carburant pour son voyage. Il a pu continuer son voyage uniquement parce que le gouvernement espagnol a transféré l’avion sur une base militaire et qu'il a eu du carburant.
C'est-à-dire que Gustavo Petro est entré dans l’œil du cyclone. Pourquoi ? Parce que c'est un président de gauche, parce qu'il y a des élections en 2026 et donc les États-Unis sont en train de commencer la déstabilisation de Petro en vue des élections de 2026.
Et en Colombie, jusqu'à présent, ce n'est pas la droite qui était au pouvoir, c'était l'extrême-droite.
(...)Je vous avais parlé du plus noble de la paix, Juan Manuel Santos, parce qu'il avait fait la paix avec les Farc. Un truc que j'ai oublié de vous dire, quand même : Juan Manuel Santos était ministre de la Défense sous la présidence d'Alvaro Uribe. Et il était ministre de la Défense quand il y a eu le phénomène de ce qu'on appelait les ‘faux positifs’. Les faux positifs, ça a été plus de 5000 assassinats, de pauvres ères qu'on a été récupérer dans les quartiers les plus défavorisés, en leur promettant du travail, qu'on a emmenés à l'autre côté de la Colombie, sur lesquels on a mis un uniforme de guérillero et qu'on a assassinés, pour faire du chiffre. Parce que les militaires avaient des primes quand ils descendaient des guérilleros. Juan Manuel Santos, prix Nobel de la paix, était ministre de la Défense quand il y a eu les faux positifs.
Alvaro Uribe, l'ancien président d'extrême-droite colombien, au bout de 7 ans de procès, a été condamné à 10 ans de prison pour de sombres histoires, je ne rentre pas dans le détail, 7 ans pour avoir cette condamnation. 3 semaines après, il est en appel, et 3 semaines après, la justice se libère. C'est comme Sarkozy. Vous allez me dire, on ne peut pas comparer Uribe et Sarkozy. Excusez-moi, Sarkozy, il a détruit la Libye en 2011. Souvenez-vous. Et la déstabilisation du Sahel, la France, par la personne de Sarkozy, a largement participé.
C'est l'utilisation de ce qu'on appelle le low-fare [?] pour déstabiliser les pays. Donc ça a été Lula quand il a interdit en 2017, ça a été Dilma Rousseff, c'est l'ancien président équatorien, Raphaël Correa, qui ne peut pas rentrer dans son pays, alors qu'il est le leader de l'opposition. Et vous avez en Bolivie, coups d'État contre Evo Morales en 2019, au bout d'un an, la démocratie revient, Luis Arce a été élu. La présidente de facto, Jeanine Áñez, est arrêtée, elle est condamnée à 10 ans de prison. Le principal instigateur, Luis Fernando Camacho, qui est un fasciste, qui est le chef du comité civil de Santa Cruz, la ville la plus prospère du pays, est arrêté. Et puis là, on a des élections où, à la suite d'un effondrement de la gauche - on a tout un débat à avoir- la droite gagne. La droite, on sait, à la fin du premier tour, qu'au deuxième tour, il y aura deux candidats de droite. Avant même le deuxième tour, la justice libère Louis Fernando Camacho. Et à peine le président de droite vient-il de prendre le pouvoir, il y a quelques jours, que la justice a libéré la responsable du coup d'État de 2019.
C'est-à-dire que ces pays sont sous le coup d'une agression permanente, par tous les moyens. Et là, maintenant, on a les troupes étatsuniennes, face au Venezuela. Je vous laisse la parole, parce que c'est vrai que je suis en train de déborder. On en reparlera.
4. Trump va-t-il réellement attaquer militairement le Venezuela ?
Modérateur : Merci beaucoup. Vous avez débordé, mais pour la bonne cause. La dernière question que je voulais aborder avec monsieur Garcia : lorsqu’on a pensé à ce débat le mois passé, on se disait que le 11 novembre, ce sera peut-être trop tard, qu’on aurait à parler d’autre chose. On avait beaucoup parlé de frappe de décapitation, de débarquement, etc., mais maintenant on entend beaucoup d’autres choses. Aux dernières informations, il y aurait des bateaux russes qui seraient là, qui seraient dissuasifs, que l’administration Trump pourrait avoir changé d’avis, que ce déploiement de force, finalement, ce ne serait que ‘l’art du deal’ à la Donald Trump, une manière de faire la pression... Qu’est-ce que vous en pensez, que pouvez-vous nous dire de cela ?
Manuel Garcia [d’après les notes remises] D’un point de vue géopolitique, les États-Unis ont toujours considéré l’Amérique latine comme leur arrière-cour, suivant la Doctrine Monroe : « l’Amérique aux Américains ». C’est pourquoi ils cherchent souvent des prétextes pour intervenir dans les pays dont les gouvernements ne leur conviennent pas.
Dans cette logique, Trump a suivi un schéma similaire à celui de Bush après les attentats du 11 septembre 2001 : désigner des ennemis et justifier des mesures exceptionnelles de sécurité nationale pour affirmer le contrôle américain sur la région.
En janvier 2025, il a mis en œuvre un Ordre Exécutif, intitulé “Protecting the American People Against Invasion”, qui a permis de détenir 236 Vénézuéliens et de les envoyer dans une prison de haute sécurité au Salvador, sans aucun jugement.
Depuis 2024, Trump a également qualifié le “Tren de Aragua d’“Organisation Criminelle Transnationale, “Organisation terroriste étrangère” ou encore “Organisation terroriste internationale spécialement désignée” conspirant contre les États-Unis, alors que cette organisation n’est pas une organisation terroriste mais bien une organisation de délinquance commune. De plus, cette dernière a été démantelée au Venezuela en 2023 après une opération dans la prison de Tocorón, dans l’État d’Aragua.
En août 2025, Trump a ratifié l’accusation selon laquelle le président Maduro est à la tête du « Tren de Aragua », organisation ‘narcoterroriste’ et a augmenté la récompense pour sa capture à 50 millions de dollars.
C’est sous ce prétexte qu’il a autorisé en secret un ordre de déploiement de flottes militaires dans les Caraïbes et a attaqué par missiles de petites embarcations accusées de trafic de drogue, ce qui constitue une violation des droits internationaux. En effet, les traités internationaux prévoient que le trafic de drogue est un délit commun, qui doit être résolu par les corps de police et la justice.
Les États-Unis lancent des missiles sans preuves, et sans passer par un jugement ou procédure légale, ce qui constitue une violation du droit international. Ils ont également qualifié le président colombien Gustavo Petro de « narcotrafiquant » et menacé d’attaquer le territoire colombien et le territoire vénézuélien sous prétexte de mettre fin au trafic de drogue.
Pourquoi n’y a-t-il pas eu d’attaque directe ? La situation géopolitique actuelle est très différente de celle de 2001. Les États-Unis manquent de consensus politique pour une intervention militaire. Les derniers résultats électoraux locaux - où le parti républicain a perdu au niveau régional et communal ne favorisent pas une action militaire impopulaire.
Par exemple, à New York, Zohran Mamdani, un maire immigré, musulman et de gauche a été élu, reflétant un changement politique qui complique toute décision agressive à l’étranger.
Même des membres du mouvement Maga comme Tucker Carlson sont contre l’incursion militaire au Venezuela.
Les États-Unis ne bénéficient pas du soutien des États latino-américains pour mener à bien cette intervention. Les mouvements populaires de la région soutiennent la révolution bolivarienne.
Le Venezuela dispose d'une organisation militaro-populaire-policière répartie sur l'ensemble du territoire et organisée localement, dotée d'armes légères et lourdes et capable d'agir de manière autonome en cas de besoin.
Interventions du public et réponses
(à suivre !)