Milosevic se voit refuser le droit universel d'assurer sa propre défense

Sara Flounders
10 septembre 2004

Le 2 septembre, au cours de la manœuvre la plus énergique destinée à masquer la vérité sur la guerre menée par l'Otan et les Etats-Unis contre la Yougoslavie, le tribunal pénal international pour l'ancienne Yougoslavie (ICTY) a refusé à l'ancien président Milosevic de Yougoslavie le droit internationalement reconnu de se défendre lui-même devant le tribunal. Ceci vient après que l'accusation a eu besoin de deux ans pour présenter sa version de l'affaire. La décision est tombée le jour même où, enfin, Milosevic allait pouvoir appeler des témoins en vue de sa propre défense.

Deux jours durant, les 31 août et le 1er septembre, le président Milosevic a présenté lui-même et avec vigueur sa déclaration d'ouverture de sa propre défense, juste avant que la Chambre du procès ne décide qu'il n'était « pas assez bien, physiquement, pour assurer lui-même se représentation ». Il fut toutefois « assez bien, physiquement » pour présenter sa déclaration d'ouverture.

Les remarques d'introduction de l'ancien président ont donné le ton de sa sévère condamnation des Etats-Unis, de l'Allemagne et des autres puissances de l'Otan pour leur guerre d'agression de 10 ans contre la Yougoslavie. On s'attendait à ce que sa défense se poursuive de la même manière, en dénonçant les crimes des puissances impérialistes dans les Balkans.

Ramsey Clark, ancien secrétaire d'Etat américain à la Justice et co-président de la Commission internationale de défense de Slobodan Milosevic (ICDSM), a déclaré dans une lettre adressée au tribunal : « Conformément à la législation internationale, toute personne accusée d'un délit a le droit de se représenter elle-même au tribunal. 

« L'apparition du président Milosevic se représentant lui-même et seul au cours de l'exposé de l'accusation sur plus de deux ans, soit presque 300 jours de séance, contre-interrogeant presque 300 témoins de l'accusation, traitant de 500.000 documents et 30.000 pages de minutes du procès, ensuite, se faisant imposer le silence au tout début de la présentation de sa propre défense et se voyant imposer des avocats en charge de sa destinée alors qu'il n'en veut pas, est une injustice particulièrement éloquente. »

Le juriste canadien, spécialiste en législation internationale, Tiphaine Dickson, qui assiste les partisans de Milosevic, a déclaré : « L'accusateur essaie, une fois de plus, de forcer le président Milosevic à accepter qu'un conseil juridique le représente, en se servant de sa santé chancelante comme d'un prétexte. Le président Milosevic a insisté afin de se représenter lui-même dès le début. Aux Etats-Unis, la Cour suprême a reconnu cela comme étant un droit garanti par le 6 e Amendement de la Constitution. Lui refuser ce droit transformerait les audiences déjà illégales de l'ICTY en une procédure digne de la Chambre étoilée. »

Historiquement, même au cours de procès mises en scène passés, durant lesquels l'accusation assurait le contrôle total et qu'un verdict de culpabilité était assuré dès le début, de nombreux accusés eurent le droit de se représenter eux-mêmes: Nelson Mandela, lorsqu'il dut affronter un tribunal raciste de l'apartheid sud-africain, Fidel Castro, devant un tribunal de la dictature de Batista, ou encore Georgi Dimitrov, face à un tribunal nazi dans les années 30, purent assurer eux-mêmes leur défense.

Plus d'une centaine de spécialistes des lois, d'avocats et de juristes de 17 pays ont signé une lettre intitulée « L'imposition d'un conseil à Slobodan Milosevic menace l'avenir de la législation internationale et la vie même de l'accusé ». Cette lettre insiste auprès des Nations unies afin qu'elles permettent à Milosevic de poursuivre sa défense lui-même contre les accusations de crimes de guerre portées contre lui.

Cette lettre, qui a été diffusée internationalement, met en garde contre le fait qu'imposer un avocat de la défense contre le gré de Milosevic violerait les lois internationales. C'est même illégal en fonction des statuts du tribunal pour la Yougoslavie ainsi que selon la Charte internationale des Droits civils et politiques.


Imposer des avocats désignés par la cour


Tiphaine Dickson, qui a rédigé la pétition, a déclaré que le tribunal de l'ONU qui poursuit Milosevic tente d'imposer un avocat de la défense pour l'écarter d'un mode de défense « qui pourrait poser problème » au tribunal.

La lettre de Ramsey Clark fait également remarquer que « Les avocats mêmes désignés par la Chambre du procès ont un conflit d'intérêts direct. Ils ont servi, en étant désignés par le tribunal, d'amis de la cour. On ne peut servir deux maîtres. Ayant servi d'amici curiae, ce même conseil désigné par le tribunal pour représenter le président Milosevic ne peut décemment pas lui servir de conseil. »

Les deux avocats qui ont été désignés comme conseillers à la défense à l'encontre des souhaits exprimés par Milosevic sont Stephen Kay et sa fille Gilian Kay Higgins. Les deux ont été désignés comme amici curiae (amis de la cour) contre les souhaits de Milosevic, dans la partie du procès concernant l'accusation. Dans cette position de désignation, Stephen Kay était très conscient de l'insistance de Milosevic sur son droit légal à assurer lui-même sa propre défense.

Stephan Kay a longtemps joué un rôle particulièrement douteux en tant que conseiller désigné dans de précédents procès à la fois dans le tribunal pour la Yougoslavie et celui pour le Rwanda. Là où il a été désigné, il y a eu condamnation dans chacun des procès. Sa désignation a également permis aux tribunaux d'établir de dangereux précédents judiciaires pour d'autres procès.

Bien des abus judiciaires infamants ont été légitimés par l'ICTY ces dix dernières années. Le tribunal accepte l'usage de preuves par ouï-dire, propose des réductions de peine en échange de témoignages et permet le recours à des témoins anonymes et à des sessions à huis clos. Les minutes de l'ICTY révèlent des pages et des pages en blanc du fait que des problèmes sensibles ont été discutés au tribunal même. Par « questions sensibles », il convient d'entendre les questions relatives au rôle des Etats-Unis.

En décembre 2003, lorsque l'ancien chef suprême de l'Otan Wesley Clark témoigna dans le procès Milosevic, la cour permet au Pentagone de censurer ses procédures. Les minutes ne furent pas rendues accessibles avant que Washington n'ait donné son consentement.

Un tribunal pour justifier l'occupation

C'est la secrétaire d'Etat américaine Madeleine Albright qui se trouve à l'origine de la création du tribunal, en 1993. Depuis lors, il a été financé et organisé par des fonds en provenance des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne. Les 1300 personnes qui y travaillent sont également en majorité écrasante des Britanniques et des Américains.

Dès le début, le tribunal a fonctionné afin de justifier le rôle des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et de l'Otan dans l'éclatement de la Fédération yougoslave.

La décision d'accuser le président Milosevic de crimes de guerre a été prise vers la fin des 78 jours de bombardements de la Yougoslavie par les Etats-Unis et l'Otan. En accusant le président yougoslave élu, les forces des Etats-Unis et de l'Otan augmentaient la pression sur lui pour le faire capituler plutôt que de participer à des négociations de cessez-le-feu ou de s'opposer à l'occupation à long terme du Kosovo par les Etats-Unis et l'Otan.

Toute la guerre de 1999 telle qu'elle fut menée par les Etats-Unis contre la Yougoslavie sans défense, le bombardement de toute ville importante, la destruction de 480 écoles et de 33 hôpitaux, celles de ponts, de routes et de l'ensemble de l'infrastructure industrielle, tout cela a été présenté par la propagande impérialiste comme étant nécessaire pour arrêter le génocide prétendu dans la province serbe du Kosovo.

Les officiels de l'Otan ont constamment fait référence aux « montagnes de cadavres » et aux « champs de massacres ». En avril 1999, le département d'Etat américain prétendit que 500.000 Albanais du Kosovo avaient été rassemblés et tués par les Serbes. D'autres rapports font état de 100.000 morts par balles.

Pas de charniers

De même que les armes de destruction massive n'ont jamais été découvertes en Irak, l'accusation de massacres, de fosses communes, d'épuration ethnique et de génocide s'est avérée montée de toutes pièces, au Kosovo.

Immédiatement après la guerre, 20 équipes de médecins légistes en provenance de 15 pays de l'Otan, y compris les Etats-Unis, furent envoyées au Kosovo par le Tribunal pénal international de La Haye. Elles creusèrent durant tout l'été 1999 sur les lieux mêmes ou de prétendus témoins avaient fait état de la présence de charniers.

En octobre 1999, ils rapportèrent à l'accusatrice en chef du tribunal, Carla Del Ponte, qu'ils avaient été incapables de trouver le moindre charnier au Kosovo. Ils avaient trouvé un total de 2.108 corps dans des tombes individuelles. Quant au nombre de ces personnes qui pouvaient avoir été tuées par les bombardements de l'Otan, ils ne s'interrogèrent même pas à ce sujet.

Tout ce matériel, y compris les rapports de destruction par l'Otan des villes de Yougoslavie et l'incapacité des équipes de médecins légistes du tribunal de trouver des charniers, devait faire partie des réfutations de Milosevic. La tentative de remplacer Milosevic en tant que son propre avocat n'est autre que la reconnaissance que le président Milosevic n'est pas coupable des accusations de crimes de guerre. Cela tape sur le clou de la culpabilité des Etats-Unis et de l'Otan dans la préparation, l'exécution et la conduite d'une guerre de dix ans qui a éclaté une Fédération yougoslave forte et en pleine réussite en une demi-douzaine de colonies et néo-colonies faibles soumises aux Etats-Unis et à l'impérialisme ouest-européen.

L'éclatement de la Fédération yougoslave signifiait que les nombreuses industries de la Yougoslavie, y compris l'acier, les voitures, les produits pharmaceutiques, les usines chimiques, les chemins de fer, les mines, les raffineries et usines de transformation qui avaient été auparavant la propriété de toute la population ou des travailleurs de ces usines, ont été privatisées par la force. Ce sont des sociétés américaines, britanniques et allemandes qui les possèdent aujourd'hui. Les programmes sociaux, les fonds de pension, l'éducation gratuite et les soins de santé gratuits ont été atomisés. C'est l'histoire de ce crime d'occupation que le tribunal de l'Otan essaie aujourd'hui de passer sous silence en privant le président de la Yougoslavie, Milosevic, de son droit à présenter lui-même sa propre défense.

Flounders est co-directrice de l'International Action Center. Il était prévu qu'elle témoigne dans la phase d'ouverture de la défense de l'ancien président yougoslave Slobodan Milosevic au Tribunal pénal international pour l'ancienne Yougoslavie, à La Haye, aux Pays-Bas. Flounders avait rencontré le président Milosevic à la prison de Scheveningen, à La Haye durant six heures, le 28 juin, afin d'aider à préparer les témoignages en faveur de la défense. Cela fait trois ans que Milosevic est emprisonné. Le matériel d'un ouvrage publié par l'International Action Center en 2002, « Hidden Agenda: U.S./NATO Takeover of Yugoslavia » (L'agenda caché, la reprise de la Yougoslavie par les Etats-Unis et l'Otan), publié par Flounders et John Catalinotto, devait constituer la base du témoignage de Flounders durant le procès.


posté : 10 septembre 2004


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