Pierre Piérart
10 octobre 2004
Pour la 59 ème fois nous commémorons l'anniversaire des bombardements de Hiroshima et Nagasaki (les 6 et 9 août 1945) qui ont causé la mort, fin 1945 respectivement de 140.000 et 74.000 Japonais dont la grande majorité étaient des civils.
Cette même année nous aurions pu rappeler le 34 ème anniversaire du Traité de Non Prolifération (TNP), entré en vigueur le 5 mars 1970, qui doit être révisé en 2005 et dont le sort est de plus en plus préoccupant.
Bien qu'incompatible avec le droit international, le TNP a permis et permet aux cinq puissances nucléaires (Etats Unis, URSS, Grande Bretagne, France et Chine) de poursuivre le perfectionnement de leur arsenal, tout en interdisant à tous les autres pays la production, la menace de leur emploi et l'emploi d'armes nucléaires. Il s'agit là d'un véritable apartheid nucléaire entre d'une part les cinq membres permanents du Conseil de sécurité et d'autre part le reste de la communauté internationale.
Pendant toute la guerre froide la course aux armements nucléaires a pris des proportions inimaginables suite à la production des milliers de bombes dont la puissance équivalait à des centaines de milliers d'Hiroshima. Une très petite partie de ces arsenaux a été utilisée pour effectuer plus de 2000 essais nucléaires dans l'atmosphère, sous l'eau, dans l'espace et sous terre. Ces essais nucléaires ont provoqué de très nombreux morts et handicapés chez les militaire exposés aux explosions ainsi que chez les autochtones des régions où s'effectuaient ces essais. La pollution radioactive, engendrée principalement dans l'hémisphère nord par les essais aériens (il y a même eu des expériences sur des humains consistant à déterminer les doses d'intoxications létales après injection d'éléments fissiles), a provoqué des protestations qui ont enclenché diverses négociations conduisant, entre autres, au Traité d'Interdiction Partielle des Essais Nucléaires en 1963 (PTBT) et au TNP signé en 1968 et entré en vigueur en 1970.
Depuis cette dernière date six conférences ont eu lieu tous les cinq ans, afin d'amender les articles de ce traité. C'est l'article VI qui stipule que les parties du TNP doivent s'engager à poursuivre des négociations pour mettre fin à la course aux armements et pour signer le plus rapidement possible un traité de désarmement nucléaire sous contrôle international strict et efficace, ce qui pose des problèmes politiques et techniques extrêmement complexes. Néanmoins lors de la sixième conférence de révision en l'an 2000 les puissances nucléaires s'étaient engagées sans ambiguïté à procéder à ce désarmement.
Malheureusement dès 1999 le Congrès américain a refusé de ratifier le Traité d'Interdiction Total des Essais Nucléaires (CTBT signé en 1996 par Bill Clinton avec le stylo utilisé par Kennedy en 1963 pour signer le PTBT) et la situation s'est aggravée avec l'arrivée du Président G.W. Bush qui a fait savoir qu'il ne désirait plus souscrire à l'article VI du TNP.
La situation est telle que la conférence de 2005 pour la révision du TNP risque d'être catastrophique au point de compromettre l'existence de ce Traité en ce qui concerne le désarmement nucléaire, c'est-à-dire l'article VI.
Il est donc indispensable pour les Organisations Non Gouvernementales (ONG) de se mobiliser en soutenant l'initiative des Maires d'Hiroshima et de Nagasaki qui, à l'instar de la Coalition pour un Nouvel Agenda (NAC) formée par la Suède, l'Irlande, le Mexique, le Brésil, l'Egypte, l'Afrique du Sud et la Nouvelle Zélande, proposent un désarmement nucléaire mondial total et programmé dans le temps.
Cette mobilisation de base pourrait, dans les circonstances actuelles, avoir un impact plus efficace que les votes concernant les propositions de l'Assemblée Générale des Nations Unies dont une partie est gangrenée notamment par les membres de l'OTAN qui rejettent certaines résolutions en faveur du désarmement comme les Etats Unis, et même parfois la Grande-Bretagne et la France.
Pour cela il faut que le réseau proposé par les maires d'Hiroshima et de Nagasaki rassemble des milliers de cités et municipalités afin de faire comprendre aux gouvernements occidentaux, au Japon ainsi qu'à la Commission de l'Union Européenne qu'il est indispensable d'inscrire, dans les constitutions, l'abolition de l'arme nucléaire. Rappelons en outre que le réseau « Abolition 2000 » souhaite que les écoles et les universités développent des programmes d'éducation à la paix afin de prémunir les futures générations contre la logique de guerre toujours très vivace au sein de l'OTAN et de l'Union Européenne.
Un deuxième point qui nous semble important est l'article VII du TNP qui stipule « Aucune clause du présent Traité ne porte atteinte au droit d'un groupe quelconque d'Etats de conclure des traités régionaux de façon à assurer l'absence totale d'armes nucléaires sur leur territoires respectifs » . Cet article appliqué par les cinq membres de l'OTAN qui hébergent des armes nucléaires (Allemagne, Belgique, Italie, Pays-Bas et Turquie), constituerait un complément remarquable au Traité de Tlatelolco, signé en janvier 1967 à Mexico par 23 pays de l'Amérique du Sud déclarée zone dénucléarisée et au Traité de Rarotonga (Nouvelle Zélande) signé en août 1985, faisant de même pour tout le Pacifique Sud. Ajoutons à ces deux Traités celui de Pelindaba, signé au Caire en avril 1996, qui interdit toute guerre nucléaire sur le territoire africain.En conclusion nous retiendrons deux processus importants de désarmement nucléaire pour soutenir le TNP :
Celui initié par les maires d'Hiroshima et de Nagasaki qui, avec les Hibakusha (irradiés de ces deux villes), luttent pour le désarmement nucléaire en l'absence d'un soutien gouvernemental et qui renforcerait également les propositions de la NAC
L' application de l'article VII par les cinq membres de l'OTAN qui « possèdent l'arme nucléaire » avec la complicité de leurs gouvernements soumis à la pression des Etats Unis par le truchement de traités secrets avec l'OTAN.