Yves Rogister
30 novembre 2000
Depuis le 15 mars 1999, lO.T.A.N. compte trois nouveaux membres : la Pologne, la République tchèque et la Hongrie. Le processus délargissement de lO.T.A.N., ainsi entamé, constitue tout à la fois :
Une dimension de ladaptation de lOrganisation atlantique au nouveau
paysage européen de sécurité : En raison du souci de Washington
de maintenir coûte que coûte son leadership en Europe (cfr. Rapport
Wolfowitz 1992) et de repousser au maximum les limites de la zone dexercice
de ce leadership (cfr. Remarks dA.Lake, U.S. National security Advisor
1993); en raison de la complaisance des chancelleries ouest-européennes
à légard du maintien en activité de lOTAN (voir
notamment la position allemande): lOTAN entreprend, dès 1990-1991,
un essai dadaptation de grande envergure au nouveau contexte international
né de la réunification allemande, de la disparition du Pacte de
Varsovie (1990,1991) et de la dissolution de lURSS. Destiné également
à justifier le maintien de lOTAN auprès dopinions
publiques soucieuses de révision à la baisse des budgets militaires,
cette adaptation comprenait un élargissement de lAlliance atlantique
et de son « bras armé » vers lEst et le Sud-Est européens.
Une réponse à la « demande » émise par les
Pays dEurope centrale et orientale depuis le début de la décennie
: Cependant, il est tout aussi juste de parler de rapprochement et dintégration
des PECOs par rapport/au sein de lOTAN que délargissement
de lOTAN vers lEst. En effet, dès lors que loption
-marginale- dune organisation de sécurité collective basée
sur la CSCE était écartée dès le début de
la décennie, les PECOs se tournèrent vers lOTAN, affirmant
assurer ainsi leur sécurité face à une éventuelle
reconquête par la Russie de son ancienne et traditionnelle zone dinfluence
Un vecteur de lexpansion du leadership US (dans ses dimensions militaires, politiques et économiques) en Europe; A côté du maintien, coûte que coûte, de leur statut de superpuissance unique, le Rapport WOLFOWITZ (1992) assignait déjà aux USA lobjectif stratégique délargir la zone dexercice de ce leadership. Les Remarks (1993) dA. LAKE posèrent le concept denlargement de la zone sous contrôle politique, militaire et économique des USA. Lélargissement de lOTAN ne constitue donc que lune des facettes de lenlargement prôné par A. LAKE. Dautres dimensions de cet enlargement sont, par exemple, la capacité dintervention « hors-zone article 5 » contenue dans le Nouveau Concept Stratégique adopté lors du Sommet atlantique de Rome en novembre 1991 ou encore la création de quasi « protectorats OTAN » en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo mais aussi en Albanie et en Macédoine.
Un risque affectant la sécurité et la stabilité européennes. A jute titre, lélargissement de lOTAN a été interprété comme le risque dune reconduction des clivages politiques et militaires de la guerre froide, clivages que lon croyait révolus au début des années 1990. Lérosion de la traditionnelle zone dinfluence russe et le rejet de Moscou à la périphérie du système de sécurité européen ont été redoutés comme étant susceptibles de provoquer un mouvement de recomposition autour de la Russie : avec la Biélorussie sur le flanc ouest de la Russie et, surtout, sur le flanc est, avec la Chine populaire. Quoique les Présidents ELTSINE puis POUTINE aient affirmé « le droit des Etats de la région à choisir librement leurs alliances », lun et lautre ont manifesté leur désapprobation à légard de lélargissement, une désapprobation que lActe fondateur des relations Russie-OTAN, conclu en mai 1997, na officiellement pas modifiée. Une inconnue demeure le sentiment véritable de lactuel Président russe, V.POUTINE. Si beaucoup dobservateurs voient en lui un partenaire nettement plus intraitable que B. ELTSINE, certains affirment que POUTINE, à la différence de son prédécesseur, aurait définitivement intégré dans sa réflexion de politique extérieure le statut de puissance régionale désormais alloué à la Russie. De facto, une « division du travail » aurait été conclue lors du Sommet Poutine-Clinton de juin dernier . A Washington, le leadership mondial, à Moscou des responsabilités et des prérogatives régionales. Un partenariat, certes, mais dans linégalité.