Claudine Pôlet
10 octobre 2004
Au lendemain de la prise d'otages de Beslan, le secrétaire général de l'Otan, Jaap de Hoop Scheffer a fait savoir publiquement la « solidarité de l'Otan avec la Russie pour faire face au terrorisme ». Une discrète réunion de responsables de l'Otan avec le gouvernement russe s'est également tenue, sans communication de son contenu.
On ne peut que trouver très suspecte cette manifestation de soutien, quand on connaît les manœuvres permanentes de surveillance des frontières de la Russie (dénoncées par Poutine lui-même dans une récente interview à des journaux occidentaux), d'encerclement de la Russie par les accords militaires avec l'Otan et les USA de la part des gouvernements des ex-républiques soviétiques, et les soutiens à peine cachés de dirigeants US et UE à tout mouvement se déclarant séparatiste au sein de la Fédération de Russie (voir Alerte Otan n° 13 et 14).
Le gouvernement et les chefs militaires russes n'ont pas pris cette prise d'otages comme une simple question de « lutte contre le terrorisme ». Ils ont tout de suite mis en garde contre des tentations de retour à la guerre froide : à qui d'autres que l'Otan, et surtout les USA, s'adressaient l'avertissement que la Russie est et restera une puissance nucléaire avec laquelle on ne doit pas jouer, et la menace de liquider les « terroristes » où qu'ils se trouvent dans le monde.
Ces preneurs d'otages de Beslan ne doivent pas être considérés comme un groupe de bandits tchétchènes, mais comme faisant partie d'une organisation internationale, sœur jumelle de celle de Ben Laden, avec ses bases arrières à la frontière de la Russie et de la Géorgie. Quand les militaires russes parlent d'attaquer ces terroristes, hors de la Russie, ils visent la Géorgie en particulier. Le nouveau gouvernement de Géorgie a été mis au pouvoir avec la bénédiction de l'Otan, des Etats-Unis, de l'Union Européenne. Il a déjà demandé la protection de l'Occident en cas d'attaques russes. Où ira la « solidarité » de l'Otan au moment des décisions ?
Pendant que l'Otan parle abstraitement de « lutte contre le terrorisme », les groupes de pression les plus agressifs agissent concrètement en son sein pour stimuler, financer, armer et même créer de toutes pièces, une série de mouvements qui pourraient faire éclater la Fédération de Russie. On connaît déjà le soutien de la CIA et de plusieurs gouvernements américains donné à Ben Laden pour combattre en Afghanistan contre les Soviétiques. Il en fut de même avec l'UCK au Kosovo pour terminer l'éclatement de la Yougoslavie. Il n'en va pas autrement avec les Bassaiev en Tchétchénie pour provoquer une crise majeure dans le Caucase et justifier une intervention américaine et y entraîner d'autres pays de l'Otan. (1)
Les medias en Europe ainsi que nombre d'associations se voulant humanitaires ou pour le droit à l'auto-détermination,mais aussi des mouvements politiques se revendiquant de la gauche, entretiennent une lamentable confusion au sujet de la Tchétchénie et à propos des dramatiques événements de Beslan. Ils font passer ces criminels preneurs d'otages pour des espèces de desperados, poussés à bout par « l'ogre russe » et ils cachent la véritable raison d'être de ces mercenaires : servir d'instruments pour provoquer des crises, aggraver des conflits et justifier de nouvelles interventions guerrières des USA et de l'Otan.
1. The Guardian du 8.9.04 publie un article très documenté de John Laughland (membre du British Helsinki Human Rights Group), lisible en français sur le site http://www.stopusa.be/scripts/texte.php?section=CMBA&langue=1&id=23045