Claudine Pôlet
1 mars 2000
Toute la région du Caucase intéresse au plus haut point les États-Unis et par conséquent l’OTAN. Que ce soit pour la sécurité de l’approvisionnement en pétrole, ou pour les possibilités de créer et d’agrandir les brèches dans la Fédération de Russie, de l’affaiblir jusqu’au démantèlement général. Quel que soit le jugement que l’on porte sur le comportement du gouvernement Poutine et de l’armée russe en Tchétchénie, on ne peut laisser de côté ces deux points, ni s’empêcher de faire des comparaisons avec la Yougoslavie.
L’OTAN n’intervient pas ouvertement dans le conflit qui oppose l’Armée russe et les bandes armées islamistes tchétchènes. Mais ces dernières sont super bien équipées et entraînées, à l’image des Talibans d’Afghanistan et de leurs semblables au Kosovo, par l’Arabie Saoudite, la CIA, et les mafias intéressées à semer le chaos dans toutes les républiques composant la Russie. D’autre part, l’Azerbaïdjan et la Géorgie ont déjà demandé, eux officiellement, que l’OTAN intervienne pour régler leurs problèmes de minorités et s’offrent pour installer des bases militaires otaniennes sur leur territoire, afin de protéger les champs de pétrole des grandes compagnies.
Mais la Russie, même avec Eltsine et maintenant Poutine, n’est pas aussi faible que la Yougoslavie de Milosevic. Et l’OTAN ne prend pas – du moins pas encore – le risque d’affronter la Russie en lui faisant une guerre directe comme elle l’a fait en bombardant pendant des mois le territoire yougoslave. Mais elle prépare les conditions et l’opinion publique – dans notre pays, entre autres – pour justifier des interventions futures. Pour cela, les campagnes médiatiques se mettent en marche, les images affluent montrant des déportations massives de civils tchétchènes, les destructions faites par les militaires russes, les grands mots de génocide et de crime contre l’humanité sont lâchés : on croirait une copie conforme de ce qu’on a vu pendant des semaines à la télé à propos de l’armée yougoslave contre les " pauvres Kosovars ".
La " carte blanche " de Lord Robertson, nouveau secrétaire général de l’OTAN, parue dans Le Soir du 4 mars présage du pire pour les prochaines années : il insiste sur l’importance pour l’Union européenne de disposer d’une force militaire de 60.000 hommes capables d’ici 2003 de se déployer dans un délai de 60 jours et pour une durée d’au moins un an, dans n’importe quel endroit que l’OTAN lui aurait désigné. Il salue également la décision des gouvernements européens d’augmenter leur budget militaire ainsi que la future participation de pays comme la Turquie à des opérations de l’OTAN sous direction européenne.
Cela veut dire que de nouveaux conflits seront fomentés ou alimentés dans le Caucase, de nouvelles Tchétchénies vont apparaître, se couvrant du droit à l’autodétermination des peuples, et que l’OTAN se prépare à y intervenir militairement au nom du " droit d’ingérence humanitaire "