Un témoignage instructif : « Crimes de guerre à L’OTAN »

Claudine Pôlet
30 novembre 2000

Pierre-Henri Bunel, auteur de l’ouvrage « Crimes de Guerre à l’Otan » est un officier des services de renseignements français. Il fut détenu du 31.10.98 au 23.8.99, «mis en examen du chef de trahison par livraison à puissance étrangère d’informations susceptibles de nuire aux intérêts fondamentaux de la nation ». En fait de «trahison », il a donné connaissance à un diplomate yougoslave, d’un document fournissant certains détails des préparatifs des bombardements de l’Otan contre la Yougoslavie. Ce document était déjà dans les mains de tous les gouvernements de l’Otan et n’avait pas grand chose de confidentiel. L’officier français voulait le faire connaître aux autorités yougoslaves, dans le cadre d’une mission destinée à faire pression sur le gouvernement yougoslave pour qu’il accepte de signer de nouveaux accords type «Dayton », sur le Kosovo. Mal lui en prit : la CIA et le Pentagone n’ayant aucune intention d’aboutir à de nouveaux accords ont poussé le gouvernement français et les autres pays de l’Otan à opter pour la guerre, coûte que coûte. Les officiers français qui cherchaient à faire négocier le gouvernement de Milosevic devenaient des traîtres et Pierre Henri Bunel fut accusé d’espionnage en faveur des Serbes.

Son livre explique le point de vue d’un militaire, croyant servir loyalement ses chefs et les intérêts de son pays. Il décrit les revirements successifs de la politique française et le processus de la soumission de Chirac aux plans américains et la prédominance des E.U et de l’Allemagne dans cette crise visant à l’éclatement de la Yougoslavie et au remplacement de l’Onu par l’OTAN.

Nous reproduisons ici quelques lignes de l’épilogue : « L’HORREUR DE LA CAMPAGNE DE YOUGOSLAVIE : On a vu, au cours des six premiers mois de l’année 1999, se dérouler une opération monstrueuse. Onze semaines de bombardements pour arriver là où l’on en est. Pour se conformer à une certaine forme de réflexion politique basée sur le manichéisme et le virtuel, les gouvernements ont entraîné les militaires dans des crimes qui ne valent pas mieux que ceux qu’ils voulaient combattre.

De ma prison, j’ai suivi toutes les images et communications officielles qu’on a assénées au monde. J’ai suivi, à la manière d’un officier de renseignements qui connaissait les dossiers, toute l’opération de désinformation de ces onze semaines. Manipulation des images de réfugiés : car certaines étaient des «bidonnages », mensonges éhontés sur les nombreuses «bavures » qui peuvent tromper un journaliste mais pas un professionnel de la guerre, images de retours d’armes de l’UCK qui n’étaient, en fait, que des carabines à air comprimé, recherche de nouveaux espions, pour expliquer la chute d’un avion, soi-disant furtif, nous avons tout eu.

La «communauté internationale » a marginalisé le seul homme fréquentable de l’affaire, Ibrahim Rugova, pour porter aux nues des personnes qui ont un lourd passé criminel depuis le début de la guerre d’éclatement de la Yougoslavie. C’est ainsi qu’Agem Ceku, ancien colonel yougoslave, devenu général croate pendant la guerre d’indépendance de la Slovénie et de la Croatie, a organisé l’expulsion des Serbes des krajina, au début de l’été 1995. Ensuite, nous l’avons retrouvé au Kosovo, à la tête de l’UCK…

C’est délibérément que l’OTAN a bombardé des stations civiles de production et de distribution d’électricité, avec des bombes aux composites d’aluminium et de graphite. C’est également de façon intentionnelle que les avions ont détruit des stocks de mazout et des raffineries de pétrole, privant les civils de chauffage et d’énergie et polluant gravement la région pour longtemps…. Et l’on ne pourra jamais faire croire, à quiconque connaît les modes de préparation des opérations aériennes, que c’est par erreur que l’ambassade de Chine a reçu cinq missiles guidés par laser… C’est aussi à dessein que l’OTAN a utilisé des bombes lestées à l’uranium 238, matière inerte au plan de la radioactivité, mais très virulente en matière de saturnisme… Si l’on en croit Jamie Shea, environ 11.000 bombes à sous-munitions ont été tirées, et ainsi 550.000 mines ont été répandues en Yougoslavie, principalement au Kosovo. J’espère qu’il a exagéré les chiffres, mais c’est un résultat assez remarquable pour la France qui a signé l’accord d’Ottawa sur les mines antipersonnel en 1997 ! …

Le fait de m’avoir «sacrifié » n’a servi à rien, ni à la paix, ni à la morale, et encore moins au sort des Kosovars quel que soit le dieu qu’ils prient. La France a eu son «dayton bis » : à Rambouillet. Quand on voit ce qui résulte de cet accord, encore pire pour les peuples qui le subissent que l’accord de Dayton, on peut se demander jusqu’où nous irons dans l’horreur, en continuant à abandonner le sort de la vieille Europe à une administration étrangère qui a une notion dictatoriale du cynisme…. Je suis accusé de trahison et je risque une lourde peine, mais qui donc trahit tous les jours les principes humains sur lesquels est bâtie notre culture ?…. ».

Quand un professionnel des affaires militaires exprime de tels doutes et de telles critiques, cela ne peut que renforcer notre conviction de la nocivité absolue de cette machine de guerre qu’est l’OTAN.