Charles Benedi
26 mars 2005
Depuis la deuxième guerre en Irak, qu’est-ce que les mouvements de la paix ont obtenu ? La démocratie à l’américaine est saluée partout dans le monde. La preuve de cette victoire sur la barbarie : il y a eu des élections en Irak. Finalement Bush n’avait-il pas raison ? Fort de ce succès, le motif de sa visite en Belgique est sans doute de demander que l’Otan et tous les membres soutiennent davantage la politique de « démocratisation » des Etats-Unis.
On peut continuer à mobiliser la partie la plus consciente et la plus révoltée de la population (belge mais aussi mondiale) en la neutralisant dans des actions aux slogans irréalistes ou totalement abstraits (genre « stop à la guerre »). Ce faisant, on absorbe la combativité des gens, on la rend inoffensive et donc parfaitement tolérable. Encouragée même, comme preuve de démocratie. C’est une militance-bonne conscience : incontestablement nous avons fait quelque chose pour exprimer notre rejet de la guerre. C’est une débauche d’énergie pour les militants en pure perte. On agit à vide en organisant des cortèges bon-enfant, avec musique et flon-flon, dans la bonne humeur et en famille. Si en plus il fait beau, c’est une agréable après-midi.
Mais l’expression de ce rejet est-elle une fin en soi ?
Est-il tout à fait anachronique d’avoir l’ambition de changer le monde dans lequel on vit ? Accepte-t-on que ce soit la fin de l’histoire ? Que nous ne soyons désormais plus que les figurants de l’histoire ? De faire partie du folklore démocratique ?
Est-ce de la naïveté, ou une sorte d’ « acte manqué » ? Une sorte de cadre légal qui s’étendrait aux revendications tolérables, politiquement correctes et qui serait accepté de manière implicite par l’avant-garde ? Cette mobilisation au coup par coup, aux slogans consensuels et improvisés au gré de l’actualité, dans lesquels tous nos politiciens peuvent se retrouver ne dérange en rien leurs petites affaires.
Par contre, entamer la lutte sur une revendication nationale (sortir de l’Otan), à un niveau où nous avons la possibilité d’établir un rapport de force, prendre nos politiciens au mot (et aux maux en se plaçant de leur point de vue) de la démocratie pour les obliger à se désengager de cette institution militariste au service de l’Oncle Sam, voilà un défi ambitieux mais possible. Il est d’ailleurs curieux de trouver cet objectif plus ambitieux que d’exiger le désengagement des Américains en Irak. C’est bien la preuve qu’on mobilise les pacifistes sur des slogans totalement dénués de fondement « pratique ». Faire entendre la voix des pacifistes à Bush, c’est du domaine de l’utopie la plus malhonnête. « Cause toujours » comme le disent les anarchistes.
Nous devons retourner à l’école de la patience et de pas sacrifier un objectif ambitieux à la constitution d’un front uni qui mobilisera plus de monde – c’est vrai à court terme – mais de manière tout à fait stérile. Il faudrait arriver à mettre ce point à l’agenda politique à chaque élection. Que chaque candidat, chaque parti, soit obligé d’exprimer sa position sur la question du maintien de la Belgique dans l’Otan et le maintien de l’Otan en Belgique. Que ce soit un point de débat où l’opinion publique peut peser de son poids. Conditionner notre vote à l’engagement d’intervenir au parlement dans ce sens. Et les harceler lorsqu’ils sont au pouvoir.
Un autre argument pour quitter l’Otan, c’est le fait que nous sommes liés par des accords secrets (bonjour la démocratie !) qui, on l’a découvert lors de la deuxième guerre en Irak, nous obligent à permettre le transit du matériel militaire américain par la Belgique. Obligation garantie par les forces de l’ordre belges. Nous avons donc, malgré les beaux discours de nos politiciens, participé à l’effort de guerre contre l’Irak à cause de notre lien sacré à l’Otan. Otan qui interviendra au nom du devoir d’ingérence pour imposer la démocratie, dont nous sommes, bien sûr, les dépositaires officiels.