29 avril 2005
Extrait de "Contre la Guerre, Comprendre et Agir" - bulletin n°124-semaine 17-2005
L'article I-41 du Traité constitutionnel européen (TCE) fait explicitement référence à l'appartenance à l'OTAN de 19 des 25 membres de l'Union et reconnaît le respect par tous les membres des obligations souscrites par les 19. Mais le TCE n'explique pas que l'OTAN (Organisation du Traité de l'Atlantique Nord) est l'organisme chargé de la mise en application d'un autre traité : le TRAITE DE WASHINGTON.
Indirectement l'UE adhère donc au traité de Washington et les 6 non signataires de ce traité : Irlande, Chypre, Autriche, Suède, Malte, Finlande sont ou bernés ou complices puisqu'ils acceptent de laisser s'appliquer par l'Union Européenne, personne morale,un traité international qu'ils n'ont pas signé.
Essayons de comprendre leur position.
Ils ne sont pas bernés au sens de ne pas avoir compris que le TCE entérine un arrimage irréversible de l'Union Européenne à l'OTAN et donc un alignement sur la politique étrangère des Etats-Unis. Mais ils peuvent penser, pour certains, que l'UE est une structure à géométrie variable :ainsi les pays qui ont refusé l'Euro n'ont pas été exclus,ainsi la Grande Bretagne refuse d'appliquer les directives sociales de l'Union et il ne lui est fait aucun reproche, bref qu'il est possible de laisser s'organiser la défense européenne dans l'OTAN par ceux qui en ont envie sans y investir le moindre sou et sans y engager le moindre soldat, ce serait la thèse de l'Union, auberge espagnole servant de paravent à une neutralité hypocrite. D'autres pensent sans le dire qu'ils vont amener progressivement une population nationale très attachée à la neutralité du pays à changer d'avis. Ceux-là sont en accord avec les Etats-Unis qui ont réussi à imposer pour 8 des 10 nouveaux membres de l'Union en 2005 comme pour la Bulgarie et la Roumanie (adhésion en 2007) l'adhésion à l'OTAN comme préalable de fait à l'entrée dans l'UE et s'emploient effectivement à faire changer de position les gouvernements neutralistes. Ainsi Mme RICE tiendra-t-elle au mois de Juin en Suède un grand colloque pour vanter les avantages de l'OTAN et pour convaincre les forces politiques suédoises du bien-fondé de l'adhésion. Des manifestations sont prévues en Suède contre la tenue de ce colloque.
Le plus irréductible sera certainement le gouvernement chypriote qui n'a jamais accepté, pas plus que l'ONU ne l'a reconnue, l'occupation militaire de la partie nord de l'île par une armée de l'OTAN, à savoir l'armée turque.
Le traité de WASHINGTON plus souvent nommé à l'époque de sa signature PACTE ATLANTIQUE est signé le 4 Avril 1949 dans cette ville et entre en vigueur le 24 Août de la même année. Il réunit : Canada, Etats-Unis, Grande-Bretagne, France, Italie, Belgique, Pays Bas, Luxembourg.
Conséquence de la guerre froide il entérine, à la demande pressante des Etats-Unis la réintroduction de l'Allemagne de l'Ouest dans le cercle des alliés face à l'adversaire soviétique. Cette réhabilitation de l'Allemagne qui n'est en 1949 qu'un pays occupé, quatre ans seulement après la fin de la guerre, ouvre la voie à la reconnaissance diplomatique future de l'Allemagne de l'ouest (Allemagne fédérale) et à son réarmement (simplement assorti de l'interdiction de l'arme nucléaire).
Alliance atlantique
Traité de l'Atlantique Nord
signé à Washington, le 4 avril 1949
Les Etats parties au présent Traité, réaffirmant leur foi dans les buts et les principes de la Charte des Nations unies et leur désir de vivre en paix avec tous les peuples et tous les gouvernements.
Déterminés à sauvegarder la liberté de leurs peuples, leur héritage commun et leur civilisation, fondés sur les principes de la démocratie, les libertés individuelles et le règne du droit.
Soucieux de favoriser dans la région de l'Atlantique Nord le bien-être et la stabilité. Résolus à unir leurs efforts pour leur défense collective et pour la préservation de la paix et de la sécurité. Se sont mis d'accord sur le présent Traité de l'Atlantique Nord:
Article premier
Les parties s'engagent, ainsi qu'il est stipulé dans la charte des Nations unies, à régler par des moyens pacifiques tous différends internationaux dans lesquels elles pourraient être impliquées, de telle manière que la paix et la sécurité internationales, ainsi que la justice, ne soient pas mises en danger, et à s'abstenir dans leurs relations internationales de recourir à la menace ou à l'emploi de la force de toute manière incompatible avec les buts des Nations unies.
Article 2
Les parties contribueront au développement de relations internationales pacifiques et amicales en renforçant leurs libres institutions, en assurant une meilleure compréhension des principes sur lesquels ces institutions sont fondées et en développant les conditions propres à assurer la stabilité et le bien-être. Elles s'efforceront d'éliminer toute opposition dans leurs politiques économiques internationales et encourageront la collaboration économique entre chacune d'entre elles ou entre toutes.
Article 3
Afin d'assurer de façon plus efficace la réalisation des buts du présent Traité, les parties, agissant individuellement et conjointement, d'une manière continue et effective, par le développement de leurs propres moyens en se prêtant mutuellement assistance, maintiendront et accroîtront leur capacité individuelle et collective de résistance à une attaque armée.
Article 4
Les parties se consulteront chaque fois que, de l'avis de l'une d'elles, l'intégrité territoriale, l'indépendance politique ou la sécurité de l'une des parties sera menacée.
Article 5
Les parties conviennent qu'une attaque armée contre l'une ou plusieurs d'entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d'elles, dans l'exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l'article 51 de la charte des Nations unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d'accord avec les autres parties, telle action qu'elle jugera nécessaire, y compris l'emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l'Atlantique Nord.
Toute attaque armée de cette nature et toute mesure prise en conséquence seront immédiatement portées à la connaissance du Conseil de Sécurité. Ces mesures prendront fin quand le Conseil de Sécurité aura pris les mesures nécessaires pour rétablir et maintenir la paix et la sécurité internationales.
Le traité de Washington est un traité de solidarité militaire : Article 5
Il est aussi une alliance économique prônant la coordination des politiques économiques des états membres. Il s'agit de faire bloc face au modèle socialiste et au bloc de l'Est : article 2
Bien sur, il ne rentre pas, comme le TCE aujourd'hui, dans le menu détail des politiques économiques de chacun des alliés mais il se présente comme l'outil de défense non seulement de territoires nationaux mais aussi d'un modèle politique et social.
Les Etats-Unis troquent donc leur protection militaire, ils sont les seuls à être vraiment armés à l'époque, et les dollars du plan MARSHALL contre une adhésion à leur système économique dont l'outil ne sera pas l'OTAN mais l'OECE (Organisation européenne de coopération économique) devenue plus tard l'OCDE et qui est demeurée le principal gardien de l'orthodoxie capitaliste. Les quelques pays non européens qui ont été depuis admis dans l'OCDE sont de fidèles alliés des Etats-Unis : Corée du Sud, Japon, Turquie, Mexique, Australie, Nouvelle-Zélande.
A l'époque et malgré l'opposition du Parti Communiste, ce pacte fut accepté par la majorité des dirigeants et de la population française.
Le Traité de Washington, toujours en vigueur, alors que les raisons stratégiques de sa signature ont disparu avec la dissolution de l'URSS, du Pacte de Varsovie et du Comecon est donc niché dans le TEC comme un virus dans un programme informatique.
Le gouvernement français et les partisans du Oui au TCE sont parfaitement conscients de cette réalité. Il n'est que de lire pour s'en convaincre les commentaires officiels du Ministère des Affaires étrangères sur le sommet de WASHINGTON qui célébrait en Avril 1999 le cinquantenaire du traité et entérinait sa prolongation indéfinie. A l'époque, LIONEL JOSPIN est Premier Ministre, Alain RICHARD et Hubert VEDRINE, tous deux PS, sont ministres de la Défense et des Affaires étrangères.
Dans ce document ( www.france.diplomatie.fr/actual/dossiers/OTAN/otan9.html ) il n'est pas question un instant de contester l'utilité du Traité mais au contraire d'élargir les compétences et le champ d'action géographique de l'OTAN. La parfaite compatibilité du Traité et de la Politique étrangère et de sécurité commune de l'Union Européenne est soulignée
17. L'Union européenne a pris d'importantes décisions et a donné une nouvelle impulsion à ses efforts visant à renforcer sa dimension de sécurité et de défense. Ce processus aura des implications pour l'Alliance tout entière, et tous les alliés européens devraient y être associés, sur la base de dispositions mises au point par l'OTAN et l'UEO. L'élaboration d'une politique étrangère et de sécurité commune (PESC) comprend la définition progressive d'une politique de défense commune. Une telle politique, telle que la prévoit le Traité d'Amsterdam, serait compatible avec la politique de sécurité et de défense commune adoptée dans le cadre du Traité de Washington.
Bien sûr, une remarque de bon sens est faite sur l'absence de menace mais on agite par défaut des spectres imprécis que les attentats du 11 Septembre viendront matérialiser et des crises locales en oubliant celles dans le déclenchement desquelles des membres de l'OTAN ont eu un rôle décisif comme par exemple la reconnaissance de l'indépendance de la Slovénie et de la Croatie par l'Allemagne.
2O. Malgré l'évolution positive de l'environnement stratégique et le fait qu'une agression conventionnelle de grande envergure dirigée contre l'Alliance est hautement improbable, la possibilité de l'apparition d'une telle menace à long terme existe. La sécurité de l'Alliance reste exposée à des risques militaires et non militaires très divers, qui viennent de plusieurs directions et sont souvent difficiles à prévoir. Ces risques comprennent l'incertitude et l'instabilité dans la région euro-atlantique et alentour, et la possibilité de voir se produire à la périphérie de l'Alliance des crises régionales, susceptibles d'évoluer rapidement. Certains pays de la région euro-atlantique et alentour sont confrontés à de braves difficultés économiques, sociales et politiques. Des rivalités ethniques et religieuses, des litiges territoriaux, l'inadéquation ou l'échec des efforts de réforme, des violations des Droits de l'homme et la dissolution d'Etats peuvent conduire à une instabilité locale et même régionale. Les tensions qui en résulteraient pourraient déboucher sur des crises mettant en cause la stabilité euro-atlantique, engendrer des souffrances humaines, et provoquer des conflits armés. De tels conflits pourraient affecter la sécurité de l'Alliance par exemple en ‘étendant à des pays voisins, y compris à des pays de l'OTAN, et pourraient également affecter la sécurité d'autres Etats.
Or, au moment où les chefs d'Etat et de gouvernement réunis à Washington pour ce Conseil de l'Atlantique Nord approuvent le nouveau concept stratégique et soulignent « ses efforts (de l'Alliance) visant à mettre fin aux immenses souffrances humaines engendrées par le conflit des Balkans », l'OTAN est en train de bombarder des cibles et des populations civiles en Yougoslavie.
Au moment où ils célèbrent implicitement la poursuite pour une durée indéterminée du traité de Washington dont l'article 1 stipule « Les parties s'engagent, ainsi qu'il est stipulé dans la charte des Nations Unies, à régler par des moyens pacifiques tous différends internationaux dans lesquels elles pourraient être impliquées de telle manière que la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice ne soient pas mises en danger et à s'abstenir dans leurs relations internationales à recourir à la menace ou à l'emploi de la force de toute manière incompatible avec les buts de Nations Unies » ils bombardent, sans l'aval de l'ONU, la Yougoslavie, un état indépendant qui n'est pas membre de l'OTAN et a refusé à Rambouillet de laisser circuler librement les troupes de l'OTAN sur son territoire. Cette condition dont le refus était inévitable par la Yougoslavie, Etat souverain, était destinée à faire capoter la négociation et à déclencher les représailles militaires.
Moralité : « Si tu n'ouvres pas gentiment tes portes à l'OTAN, l'OTAN les fracasse !»
Aujourd'hui le moment est venu d'exiger des dirigeants européens qu'ils cessent de soutenir la politique d'agression permanente menée par les Etats-Unis : invasion de l'Afghanistan, invasion de l'Irak, menaces sur l'Iran, la Corée du nord, Cuba et le Venezuela et qu'ils ouvrent le débat public sur la réalité des menaces militaires pesant sur les peuples européens et sur l'utilité d'une alliance éternelle avec un Etat dominateur et belliciste.
Il faut qu'ils démontrent, si jamais ils y parviennent, que l'alignement de l'Europe sur la puissance la plus déstabilisatrice, qui l'est , depuis l'origine, sur le continent américain et qui a l'ambition de l'être aujourd'hui sur la planète entière, contribue à la paix dans le monde.
Question redoutable mais importante pour l'avenir car la plupart des pays du monde moins développé voudraient que l'Europe démontre enfin qu'elle a définitivement fait le deuil de ses nostalgies coloniales, qu'elle est vraiment aussi civilisée et humaniste que le claironne le préambule du TCE et qu'elle ne réinvestit pas dans des ambitions « d'Europe puissance » de vieux rêves de domination et des prétentions de supériorité insupportables