Claudine Pôlet
30 juin 2005
Au moment où l’OTAN engage discrètement des négociations avec Israël pour préparer son intégration à l’Alliance, il faut cesser de faire silence !
Mordechai Vanunu est le technicien de la centrale nucléaire de Dimona (dans le désert du Neguev) qui fut kidnappé par le Mossad et ensuite emprisonné pour avoir dénoncé publiquement la fabrication d’armes atomiques par Israël. Il avait été condamné pour « espionnage » à 18 ans de prison, dont 11,5 passés dans un total isolement. Il fut « libéré » le 21 avril 2004. Bien qu’il ait purgé l’entièreté de sa peine, il est resté soumis à de nombreuses restrictions, telles que l’interdiction de sortir du pays, de s’approcher de tout aéroport et frontière, de posséder un téléphone mobile, de parler à des étrangers. Au bout d’un an, ces restrictions devaient être levées. Il n’en fut rien. Des interdictions encore plus sévères se sont ajoutées aux précédentes, comme celle d’entretenir une conversation sur les armes nucléaires.
Une campagne mondiale pour la fin des restrictions à la liberté de Vanunu s’est organisée et a reçu l’appui de très nombreuses organisations de lutte pour la paix, contre l’arme nucléaire, pour les droits de l’homme ainsi que de personnalités du monde politique, culturel, universitaire de tous les continents. Rien n’y fait. La Justice israélienne resserre encore l’étau pour une année supplémentaire.
Un tel acharnement ne peut s’expliquer seulement par la paranoïa sécuritaire qui s’est emparée de l’Etat d’Israël, ni par le besoin de punir « un traître » qui a renoncé au judaïsme et s’est converti à l’anglicanisme. C’est avant tout une mesure de répression envers toute opposition à la politique ultramilitariste du gouvernement israélien et d’intimidation envers tout citoyen qui exprime la possibilité de vivre en paix avec les pays voisins, que ce soit la Palestine, ou les autres pays du Moyen Orient.
L’armement nucléaire d’Israël, dénoncé il y a 20 ans déjà par Vanunu et jamais reconnu officiellement, fait de ce pays le premier Etat nucléaire non-déclaré, qui est capable de déployer une flotte de 6 sous-marins nucléaires, et un des rares Etats aptes à lancer des missiles à longue portée chargés de têtes nucléaires à partir de ces sous-marins. C’est le seul pays du Moyen Orient qui possède effectivement des armes de destruction massive.
Israël est, en fait, un pion essentiel pour assurer et perpétuer la domination des Etats-Unis dans cette région du monde, pour mettre en oeuvre la politique de Bush du « Grand Moyen Orient » et préparer les prochaines guerres contre l’Iran ou la Syrie. Les connaissances techniques de Mordechai Vanunu concernant les armes nucléaires sont complètement dépassées, et leur révélation ne constitue aucun danger pour Israël. Par contre, la dénonciation de cette politique ultramilitariste du gouvernement israélien est dangereuse pour lui : elle met en évidence que l’Etat d’Israël se dote d’un armement nucléaire, mais aussi biologique, chimique et conventionnel, totalement disproportionné par rapport aux besoins d’une simple défense territoriale. Sharon vient de conclure de nouveaux accords avec le gouvernement Bush, portant sur la construction d’une grande base militaire dans le désert du Néguev (à côté du réacteur nucléaire de Dimona ?) ainsi que des infrastructures nécessaires pour installer à sa proximité des milliers de nouveaux habitants. Il y a aussi la prochaine fourniture par les Etats-Unis de 100 bombes dites « à forte pénétration souterraine » (qui pourraient viser les usines nucléaires souterraines iraniennes).
Il y a, enfin, les inquiétantes visites que le secrétaire général de l’Otan vient de faire en Israël et les récentes manœuvres militaires de l’Otan avec une importante participation d’Israël, les pressions de plus en plus fortes pour une intégration directe d’Israël dans l’Alliance et une possible intervention de l’Otan pour « garantir » le progrès du processus de paix entre Israéliens et Palestiniens. L’Otan servirait, une fois de plus, de couverture pour la politique impérialiste des Etats-Unis et de leur pion nommé Israël.
Les militants israéliens qui luttent pour la libération complète de Mordechai Vanunu ont conscience de ces enjeux et ont besoin du soutien de toutes les forces de gauche en Europe et dans le monde. Vanunu ne peut être contraint à se taire, il a le droit de dénoncer « les menaces d’holocauste » que représente l’arme nucléaires, de dénoncer la politique militariste de l’Etat d’Israël . Soutenons ces luttes, en faisant connaître largement « le cas Vanunu », en participant à la campagne mondiale pour sa libération !