Pierre Piérart
15 décembre 2005
Joseph Rotblat est né à Varsovie en 1908 et nous a quittés dans la nuit du 31 août de cette année, après une courte maladie.
Comme physicien il participa à la découverte de la fission de l’uranium dans les années 1938-39. Très conscient de l’importance de cette découverte il quitta son pays pour participer à des recherches sur l’arme atomique à l’université de Liverpool parce qu’il craignait de voir l’Allemagne se doter de cette arme de destruction massive. Il gagna ensuite les Etats-Unis pour se joindre à l’équipe des chercheurs de Los Alamos, chargée de la mise au point d’une bombe de dissuasion dans l’hypothèse où l’Allemagne l’aurait elle-même produite. Fin 1944 il était évident que l’Allemagne n’avait pas eu les moyens de mettre son projet à exécution. Dès ce moment-là Joseph Rotblat prend la décision de quitter Los Alamos pour la raison qu’une arme de dissuasion n’avait plus aucune raison d’exister.
Il est le seul scientifique à avoir quitté Los Alamos afin de ne pas être complice du «Projet Manhattan» dont l’objet était complètement dévié pour en faire un acte d’intimidation criminel. Pour Joseph Rotblat il était évident que les Américains voulaient utiliser la bombe contre l’URSS, un peuple qui avait consenti les plus lourds sacrifices pour écraser les nazis. Il regagna la Grande Bretagne et fut interdit de séjour aux Etats-Unis pendant une vingtaine d’années et considéré comme un traître, voire un espion potentiel.
Conscient du danger de la prolifération nucléaire Joseph Rotblat participa activement aux travaux de l’Association Pugwash qui militait pour le désarmement nucléaire. Il fut secrétaire de l’association pendant de longues années et termina sa carrière comme président de la même association.
En 1995 Joseph Rotblat et l’Association Pugwash furent honorés du prix Nobel de la Paix. Quelques semaines auparavant il avait participé au colloque «Hiroshima sans amour», organisé à l’université de Mons-Hainaut les 15 et 16 septembre. Dans son allocution il insista fortement sur l’importance de l’harmonie qui doit régner entre la science et la morale et démontra une fois de plus l’inutilité des armes nucléaires pour assurer la sécurité. De plus il dénonça le danger de ce type d’armement qui, malgré la fin de la guerre froide, constituait une menace pour la paix et pour l’espèce humaine. Lors de la remise du prix Nobel il termina son allocution en rappelant le devoir pour tout scientifique de dénoncer les côtés pervers que peut avoir la recherche scientifique; à cette occasion il lança aussi un vibrant appel pour la libération de Mordechai Vanunu et pour une société humaine.
Joseph Rotblat doit être considéré comme un scientifique exceptionnel et conscient des dangers de la science et de la nécessité d’une réglementation pour protéger non seulement le statut des chercheurs mais aussi celui des dénonciateurs indispensables pour soutenir la volonté politique de désarmement qui est toujours absente dans nos sociétés.
En guise de conclusion nous ne pouvons que réclamer un serment «Joseph Rotblat» (à l’instar de celui d’Hippocrate) qui engagerait les chercheurs scientifiques à ne travailler que pour un développement durable et pacifique de l’humanité. Un vœu utopique et pourtant indispensable qui nécessitera une mobilisation de la société civile pour assurer la survie de l’espèce humaine.