Jean Toschi
15 mai 2006
Le linguiste US Noam Chomsky dans son essai les Illusions nécessaires a écrit que dans le système démocratique, les illusions nécessaires ne peuvent être imposées par la force. Elles doivent être instillées dans la tête des gens par des moyens raffinés. Et pour créer « les illusions nécessaires », il faut inventer des scénarios crédibles, employer une communication agressive et avoir l'aide des médias : en deux mots inventer l'histoire, propager une désinformation plus crédible que la réalité. La désinformation se développe par mensonge ou par omission. En fait, c'est une nouvelle façon de faire la guerre : c'est la guerre médiatique.
En ex-Yougoslavie, les Serbes sont tombés dans le piège de la guerre médiatique, qui a réussi à leur faire perdre toute crédibilité et les a totalement isolés sur le plan international. On ne peut pas parler de la désinformation au Kosovo sans rappeler ce qui s'est passé en ex-Yougoslavie auparavant, dont le dossier Kosovo en est une conséquence.
L'excellant travail d'agences de communication comme Ruder & Finn Global Public Affairs, Hill & Knowlton, Saachi & Saachi, McCann & Erickson et Walter Thompson (celles-ci collaborent souvent avec la CIA), a réussi à créer l'image des victimes d'un coté et des tortionnaires de l'autre, tant en Iraq qu'en ex-Yougoslavie, et à minimiser l'horreur de la guerre créant des slogan comme « guerre humanitaire », « action de police internationale », « dommages collatéraux » . L'agence de communication profite d'une technique opérative, souvent meurtrière, visant à placer le gouvernement client en position avantageuse aux yeux du monde. Les schémas sont répétitifs. Une campagne de matraquage diffamatoire est lancée dans la presse, où une série de révélations ignobles sur le comportement de la partie adverse crée le préjugé négatif qui s'ancrera profondément dans l'inconscient collectif. Un exemple : l'image du Musulman squelettique derrière les barbelés est restée institutionnelle pour représenter les nouveaux nazis. En réalité, il s'agissait d'un camp de réfugiés à Trnopolje, en Bosnie serbe, où les gens étaient libres de leurs mouvements. En fait, l'équipe de la télévision britannique ITN, qui a fait le scoop , se trouvait elle-même derrière les barbelés, et avait placé les hommes autour de l'endroit où elle se tenait pour protéger son matériel des vols. (De Groene Amsterdaamer 1996 )
James Harff, à l'époque directeur de l'agence de communication américaine Ruder & Finn Global Public Affairs , dans une interview accordée au journaliste français Jacques Merlino et publiée dans son livre ( Les vérités yougoslaves ne sont pas toutes bonnes à dire) , parlant des clients de l'agence en ex-Yougoslavie, de sa stratégie et des succès remportés, disait : «Entre le 2 et le 5 août 1992, le New York Newsday est sorti avec la nouvelle des camps. Nous avons attrapé la chose au vol et avons circonvenu trois grandes organisations juives (...) Aussitôt, nous avons pu dans l'opinion publique faire coïncider Serbes et nazis. (...) Notre métier n'est pas de vérifier l'information (...) Notre métier est de disséminer les informations, de les faire circuler le plus rapidement possible pour obtenir que les thèses favorables à notre cause soient les premières à sortir. (...) . Quand une information est bonne pour nous, nous devons immédiatement l'ancrer dans l'opinion publique, (parce que) nous savons parfaitement que c'est la première affirmation qui compte. Les démentis n'ont aucune efficacité. (...) Nous sommes des professionnels. Nous avions un travail à faire et nous l'avons fait. Nous ne sommes pas payés pour faire la morale. Et même si celle-ci était mise en discussion, nous aurions la conscience tranquille. Parce que, si vous entendez prouver que les Serbes sont de pauvres victimes, allez-y, vous vous retrouverez seul» .
Les services de l'agence Ruder &Finn Global Public Affairs avaient été retenus, au début du conflit yougoslave, par la Croatie, par les Musulmans de Bosnie-Herzégovine et l'opposition du Kosovo. Cependant les Croates, les Musulmans de Bosnie et l'opposition du Kosovo profitaient de l'appui des lobbies très puissants aux USA, notamment le sénateur Bob Dole du Parti Républicain, et de l'aide de l'Allemagne. Il faut ajouter aussi que les Musulmans bosniaques étaient fortement aidés par l'Iran et les pays arabes.
En août 1991 , La République de Croatie assume l'agence de Ruder &Finn Global Public Affairs qui défendra l'image de la Croatie dans la crise des Balkans. Leur contrat échouera en juin 1992. Pendant ce temps, le gouvernement de la Croatie approuva la nouvelle Constitution, selon laquelle plus de 600.000 Serbes et d'autres ethnies se retrouvèrent étrangers dans leur patrie. Les Serbes furent obligés d'abandonner leurs maisons (40.000 Serbes en 1992) ou forcés de se détacher de la Croatie et à déclarer l'indépendance des Kraijna à majorité serbe. Les médias n'ont jamais fait mention de cet événement. Ils ont aussi passé sous silence le massacre de la Poche de Medak et d'autres villages en septembre 1993, le nettoyage ethnique et les carnages dans la Kraijna occidentale, le 1 mai 1995, pendant l'Opération Eclair, et ceux de la Kninska Kraijna, le 4 août 1995, pendant l'Opération Tempête, qui a provoqué le départ de plus 250.000 Serbes qui n'ont jamais pu retourner chez eux. Tout ça se passait avec l'aide de l'agence de mercenaires US « Military Professional Resources » et le clin d'œil du Département d'Etat américain. Aucun media n'a mentionné non plus, ni visité les terribles camps croates de prisonniers de Lora, de Tarcin, de entre les autres.
En mai 1992 La République musulmane de Bosnie profite des services de l'agence US Ruder & Finn Global Public Affairs qui soignera l'image internationale et les contactes avec les media. Le contrat se terminera en décembre 1992. A propos de cette période, on lit dans Offensive in the Balkans de Yossef Bodans ky , à la page 54 : «... Depuis l'été 1992, il y avait eu des provocations marquées, mises en oeuvre par les forces musulmanes, pour susciter une plus forte intervention militaire occidentale contre les Serbes, et, accessoirement, des interventions mineures contre les Croates. Initialement, ces provocations étaient surtout constituées d'attaques en apparence absurdes contre les populations musulmanes elles-mêmes, mais elles prirent bien vite pour cible des objectifs occidentaux et de l'ONU.(…) Les enquêtes des Nations unies et celles d'autres experts militaires ont mis au nombre de ces actions auto-infligées, celle de la bombe dans la file de la boulangerie ( 27 mai 1992 , 16 morts 140 blessés ), la fusillade lors de la visite de Douglas Hurd ( 17 juillet 1992 ), les tirs de snipers dans le cimetière ( 4 août 1992 ), l'assassinat du présentateur et producteur de télévision américaine ABC, David Kaplan ( 13 août 1992 ), et la destruction en vol d'un avion de transport de l'Aviation italienne G.222, sur le point d'atterrir à Sarajevo ( 3 septembre 1992 ). Dans tous ces cas, les forces serbes étaient hors de portée, et les armes utilisées contre les victimes n'étaient pas celles dénoncées par les autorités musulmano-bosniaques et par les médias occidentaux.
Le gouvernement de Sarajevo a très habilement obtenu l'intervention des USA et de l'OTAN en août 1995, mais auparavant on a pu voir sur les écrans les deux obus sur le marché de Markale, le 6 février 1994 (68 morts et 200 blessés), et le 28 août 1995 (37 morts et 86 blessés). A ce sujet, François Mitterand écrira dans son livre L'année des adieux à page 175 : «Il est vrai que ce qu'ils cherchent depuis le début, c'est l'internationalisation, si nécessaire, par des provocations. ( …) Il y a quelques jours, M. Boutros Ghali m'a dit être sûr que l'obus tombé sur le marché de Sarajevo était une provocation bosniaque.» Lord David Owen confirmait l'histoire de l'obus bosniaque de Markale en pages 260/261 de son livre « Balkan Odyssey ».
On raconte que le président Clinton, pressé par les médias et par le sénateur Dole avait promis à Alija Izetbegovic de faire intervenir l'OTAN s'il y avait plus de 5.000 morts. Le 11 juillet 1995, Srebrenica fut la réponse. La tempête médiatique fut terrible. Le fait que la « zone protégée » - désarmée, selon le Conseil de Sécurité - d'où la 28 ème division musulmane et son chef Naser Oric attaquait les villages serbes, tuait, pillait et rentrait dans la ville, n'intéressait pas la presse. Et personne ne s'informa sur l'énorme nombre des morts civils serbes dans les villages aux alentours de Srebrenica et dans la ville de Bratunac. Plus de 1.500 morts serbes, du 1992 au 1995, sont passé sous silence. Les Serbes ont toujours refusé l'accusation d'avoir exécuté entre 7.000 et 8.000 soldats musulmans, en rappelant qu'ils avaient envoyé en sécurité en territoire musulman les femmes, les enfants et les vieux, mais aussi les soldats qui avaient accepté de rendre les armes. Personne n'a enquêté ni sur les raisons de la chute de la ville protégée par 15.000 soldats musulmans attaqués par une force serbe beaucoup inférieure et sur le fait que le commandement en chef de Sarajevo avait rappelé le commandant Naser Oric avec 20 de ses meilleurs officiers, laissant l'armée sans guide. Aucun journaliste n'enquêta non plus sur le déroulement des combats et sur ces morts. Bernard Kouchner raconte même dans son livre Les guerriers de la Paix , que lors de sa visite au chevet d'Aljia Izetbegovic mourant, l'habile homme d'Etat lui avait avoué que les chiffres avaient été gonflés exprès.
En octobre 1992 , la République de Kosova, c'est-à-dire l'opposition albanaise au Kosovo, signe un contrat avec l'agence Ruder & Finn Global Public Affairs pour soigner son image dans la crise balkanique et dans les événements à suivre.
Cette région si controversée se trouve dans le sud de la Serbie et pendant des siècles fut la terre des Serbes. Appelée Kosova par les Albanais, pour les Serbes, elle est Kosmet, une ancienne dénomination née de la contraction de Kosovo, la terre des merles (Kos) et Metohija, propriété de l'église (metoh). 1300 églises et monastères, d'une rare beauté, témoignent du passage de religieux et d'artistes en provenance de Constantinople, à partir du IXe siècle. L'invasion ottomane, la présence de l'Italie fasciste et de l'Allemagne nazie ont causé la fuite des Serbes en faveur de la minorité albanaise qui au fil du temps est devenue majorité.
En 1998 , les hommes de l'UCK étaient appelés par la presse « terroristes », puis « guérillero s » et « combattants pour la libération du Kosova », un pays qu'ils voulaient arracher à la Serbie, selon les propos de la Ligue de Prizren, fondé en 1878 qui avait formulé pour la première fois le concept de « Grande Albanie » et qui, le 16 septembre 1943, renaissait aux USA. Cette promotion de l'UCK a permis de donner une image plus acceptable par le public international. Selon cette nouvelle définition, la milice serbe fut accusée de tuer les gens des villages albanais chassant l'UCK. Les médias n'expliquèrent pas que l'UCK se cachait derrière les civils albanais qui se sauvaient dans les bois, et ne racontèrent pas qu'il avait plus d'enlèvements d'Albanais que de Serbes et que ces Albanais et ces Serbes étaient enlevés parce que favorables au dialogue et qu'on ne les a plus revus vivants…
Quand, en 1998, Slobodan Milosevic, président de la nouvelle Yougoslavie accepta tous les points imposés par Richard Holbrooke (Kosovo Verification Mission : diminutions des forces serbes, contrôle aérien par l'OTAN, déploiement de forces de l'OTAN en Macédoine pour protéger les vérificateurs de l'OSCE), l'administration Clinton avait déjà la guerre dans son agenda, il fallait accélérer le processus : un scénario désormais connu - qui, depuis les faux charniers avec cadavres de récupération de Timisoara, lors de la liquidation de Ceaucescu, s'était répété chaque fois qu'il avait été nécessaire de soulever l'indignation publique, fut réalisé le vendredi 15 janvier 1999 .
Les vérificateurs de l'OSCE au Kosovo avaient imposé à la milicija yougoslave de leur rendre compte de toutes leurs opérations de police contre l'UCK, mais tout à coup le public international fut confronté à l'horreur de la fosse de Racak.
Il est intéressant de relire un commentaire du Figaro du samedi 20 janvier 1999 : « :La scène des cadavres d'Albanais en vêtements civils, alignés dans un fossé, qui devait choquer le monde entier, ne fut découverte qu'aux alentours de 9 heures… par des journalistes immédiatement suivis par des membres de l'OSCE. A ce moment, le village était à nouveau aux mains des soldats de l'UCK, qui conduisirent les visiteurs étrangers, au fur et à mesure qu'ils arrivaient, sur le lieu du présumé massacre. Vers midi, William Walker en personne arriva et exprima son indignation. (…)Tous les témoins albanais donnèrent la même version : à midi, les policiers serbes étaient entrés de force dans les maisons et avaient séparé les femmes des hommes, lesquels avaient été conduits sur le sommet de la colline et tués brutalement. Le fait inquiétant est que les images filmées par les journalistes d'APTV - que Le Figaro a visionné hier - contredisent radicalement cette version ».
Les autopsies confirmèrent que les amputations avaient été faites après la mort, et les pathologistes finnois, biélorusses et yougoslaves jugèrent que les blessures mortelles avaient été causées par des balles tirées du loin. Les vérifieurs de l'OSCE ne publièrent pas leurs rapports et laissèrent exploser le cas médiatique, sans qu'il y ait d'investigation de la part des médias.
A la Conférence de Paix au Château de Rambouillet, l'ambassadeur yougoslave à l'ONU Branko Brankovic, qui avait participé à toutes les rencontres, déclara : «. En 17 jours, à Rambouillet, nous n'avons jamais vu la délégation albanaise qui aurait dû être notre interlocuteur, et nous n'avons jamais vu le texte qui a été signé par quelques membres seulement de cette délégation. Ce même soir, le Président de la Serbie, Milan Milutinovic, tint une conférence de presse à neuf heures. Etaient présents au moins une centaine de journalistes et une vingtaine de caméras de télévision de diverses chaînes du monde. Le Président expliqua clairement qu'il s'était agi d'un ultimatum et que les deux délégations ne s'étaient jamais rencontrées pour discuter de l'accord ; que, « pour notre part, nous ne pouvions rien accepter qui n'eût été discuté avec la délégation albanaise, sur le volet politique qui concernait l'autonomie du Kosovo Metohija ». Aucun média n'a rapporté une seule phrase de cette conférence de presse. « Nous ne pouvons pas donner l'indépendance à un morceau de notre pays, qui a fait partie de l'histoire de la Serbie et de la Yougoslavie pendant plus de mille ans. (...) Les Américains n'ont cessé de dire qu'ils étaient favorables à l'autonomie, mais le texte qu'ils ont proposé sur l'autonomie de facto signifie l'indépendance. Ils voulaient nous imposer la présence d'une force militaire, sous le prétexte d'observer et d'assurer l'application de l'accord politique sur l'autonomie ». Eh bien, les médias ont tenu la bouche bien fermée.
24 mars 1999 , début des bombardements sur la République fédérale de Yougoslavie. La Serbie, le Kosovo et le Monténégro sont pilonnés sans relâche pendant 78 jours. Du 24 mars au 8 juin, trente-quatre mille attaques aériennes sont exécutées par mille avions. Dix mille missiles sont tirés, contenant 79.000 tonnes d'explosifs ; 152 conteneurs de bombes à fragmentation sont largués, sans compter les innombrables bombes au graphite et à l'uranium appauvri . Les chasseurs A-10 américains Thunderbolt, qui utilisaient des mitrailleuses capables de tirer 3.900 coups à la minute, ont effectué une centaine de missions sur la Yougoslavie. Un sur cinq de ces projectiles contenait 300 grammes d' uranium appauvri , selon le général Wald le 7 mai 1999, pendant le cours même de la guerre. Le secrétaire général de l'OTAN, George Robertson, dans une lettre du 7 février 2000, apportait sa confirmation sur ce qui précède, au secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan. ( Il Manifesto , 10-11 Mars 2000. Balkans Infos , 3 avril 2000).
Il semble, d'après un plan obtenu à grand peine du haut commandement de l'OTAN, que la zone soumise aux tirs les plus nourris en UA soit celle qui, de Kosovska Mitrovica, descend au sud du Monténégro, jusqu'à Pec, Djakovica et Prizren. Ce sont les zones couvertes par les contingents européens. Les médias : silence.
Quand les bombardements ont commencé et que les dommages et les morts de civils ont commencé à impressionner négativement le public international, on a sorti l'histoire de l'« Opération fer à cheval » : plan stratégique, en réalité inexistant, qui aurait eu pour but de faire fuir les shiptar (Albanais) du Kosovo.
Dans une interview parue dans la revue géopolitique liMes , de juin 2000, le général Nebojsa Pavkovic, commandant de la 3 ème armée, puis chef d'Etat-major yougoslave, affirmait : « L'OTAN a persuadé les terroristes d'organiser l'exode. Certains étaient chassés de leurs maisons par la force. Ils les envoyaient en Macédoine et en Albanie, puis ils les faisaient rentrer en cachette». L'affirmation du général Pavkovic devait être confirmée par les rapports de l'OSCE diffusés en retard.
A la fin de la guerre, la KFOR s'installa au Kosovo. Pour justifier les vastes et cruels règlements de comptes de l'UCK, que n'essaya jamais de freiner l'OTAN, et le nettoyage ethnique de toutes les nationalités non albanaises, on commença à parler de fosses communes comme en Bosnie. La première estimation du nombre des victimes albanaises tournait autour de 100.000 morts. L'administrateur de l'ONU, Bernard Kouchner, avait ramené ce chiffre à 11.000, en additionnant les morts et les dispersés et en déclarant se baser sur les rapports du Tribunal de La Haye, qui démentit. Les corps retrouvés se seraient comptés plutôt par centaines. Le chef de l'équipe des médecins espagnols, le Dr. Juan Lopez Palafox déclarait que, pour autant que ses hommes aient pu le constater : «dans l'ex-Yougoslavie, des crimes horribles ont sans conteste été commis, mais en conséquence de la guerre». Les responsables ont admis que le résultat des exhumations ne correspondait pas aux récits dramatiques des réfugiés, tels que rapportés par des porte-parole occidentaux pendant le conflit. ( The Guardian , 18 août 2000.) Les médias ? Quasi silencieux.
En juin 1999 , pour terminer la guerre, le Groupe du G8 se mit d'accord sur un plan, selon lequel ce qui avait été dénié à Rambouillet était approuvé : seul le Kosovo passait sous le protectorat de l'OTAN, tandis que la Serbie restait nation souveraine. Toutes les demandes serbes avaient été acceptées, à savoir : 1. Il n'y aurait pas de référendum à la fin des trois ans probatoires qui devaient consacrer l'indépendance du Kosovo. Etait au contraire confirmée plusieurs fois son appartenance à la RFY. 2. Les contingents de l'OTAN au Kosovo devaient être soumis à l'autorité de l'ONU, jusqu'alors ignorées, et n'avaient pouvoir d'agir que sous son mandat. Cette exigence avait été réitérée à Rambouillet par la Yougoslavie, qui s'était déclarée disposée à traiter avec l'ONU et non pas avec l'OTAN. 3.- L'OTAN avait la responsabilité du maintien de l'ordre au Kosovo, sans la participation de la police serbe qui eût pu être accusée, sinon, de tout incident. Cependant, la police serbe, après une certaine période, aurait eu le contrôle des frontières et la protection des monastères, qui ne constituent pas seulement une valeur pour la religion orthodoxe, mais aussi pour toute la culture occidentale.
Avec la paix de Kumanovo, en juin 1999 , on avait établi qu'après 5 ans la région serait retournée sous le contrôle de Belgrade. Ce Traité était devenu la résolution 1244 du Conseil de Sécurité. Ces accords n'ont jamais abouti. Les médias ? Pas un mot.
Harry Kissinger faisait observer (dans les pages du Washington Post du 22 février 1999 à propos de la Conférence de Rambouillet) : “ Un Kosovo indépendant tendrait à incorporer les minorités albanaises voisines de Macédoine - et peut-être l'Albanie elle-même. Le Kosovo deviendra-t-il alors la prémisse d'une initiative de l'OTAN en Macédoine, exactement comme le déploiement en Bosnie a été invoqué pour justifier l'initiative au Kosovo ? Bref, l'OTAN doit-il devenir une entreprise vouée à l'établissement d'une série entière de protectorats de l'OTAN dans les Balkans ?”».
Les observations de Kissinger après 7 ans sont toujours valables. Il y a aussi la possibilité que le vieux plan de la Ligue de Prizren s'applique au sud de la Serbie, la vallée de Preshevo, et à la partie est du Montenegro jusqu'à effleurer la capitale Podgorica.
Actuellement on discute l'indépendance du Kosovo à Vienne, mais la diversité culturelle du territoire n'est déjà plus qu'un souvenir. Il faut noter que la région est maintenant presque totalement albanaise, puisque toutes les autres nationalités (Serbes, Juifs, Grecs, Roms, Goranci, Turcs et autres), et même les Croates, qui vivaient depuis 800 ans dans les villages situés sur les montagnes de Skopska Gora entre le Kosovo et la Macédoine, ont été chassées. Il paraît que la UNHCR se prépare à évacuer 40.000 Serbes entre ceux qui vivent enclavés dans leurs villages sous la faible protection de la KFOR depuis la fin de la guerre.
Cette indépendance pourrait aussi déstabiliser la Bosnie qui vit une liberté partiale sous contrôle de l'EUFOR, sans avoir résolu, après 11 ans, le problème des trois ethnies et avec une présence croissante de musulmans arabes dans le pays. Ils seraient plus que 50.000.
Un rapport de la KFOR-OTAN a dénoncé l'effrayante croissance du crime organisé et de trafics illégaux au Kosovo. Hasim Thaqi – l'interlocuteur que Madeleine Albright préférait au président Rugova à Rambouillet quand il était commandant de l'UCK, est aujourd'hui le leader du Parti démocratique du Kosovo – a accusé le Gouvernement d'Agim Ceku d'être formé de criminels. Il faut noter que Ceku, ex-général de l'UCK, est celui qui a commandé le massacre de la Poche de Medak en Kraijna en 1993. L'ex-Premier ministre Ramush Haradinaj, leader du parti de Ceku AAK, est accusé par le TPIY de la Haye de crimes de guerre. Mais Thaqi, Ceku et Haradinaj, recherchés à Belgrade pour crimes de guerre, ont été acquittés par Interpol.
Une chose est sûre, c'est qu'en intervenant dans les Balkans, les USA et l'OTAN ont légalisé l'illégalité. Et les médias ont fait leur jeu.
Jeanie Toschi Marazzani Visconti
Les documents et interviews se trouvent dans le livre « Il Corridoio » publié par La città del sole (Naples).