Ronald D. Asmus
21 février 2006
Le choix sur la manière de répondre à la menace croissante de l'Iran pour l'Occident en général, et pour Israël en particulier, n'est pas un choix facile. Une des options, c'est d'essayer de stopper le programme nucléaire de l'Iran par des frappes de missiles - mais il est peu probable qu'une telle escalade marche militairement, et elle pourrait avoir des conséquences désastreuses. L'autre option est de d'opter pour une stratégie à long terme de "containment", tout en travaillant à un changement pacifique de régime. Bien que cela puisse marcher à la longue, il est peu probable qu'à court terme cela arrête l'Iran, si il est déterminé à se doter de l'arme nucléaire. Tout en travaillant à empêcher l'Iran de devenir une puissance nucléaire, l'Occident doit réfléchir dès maintenant à ce qu'il doit faire si on n'y parvient pas.
Un élément important a été absent du débat : l'OTAN. Que peut faire l'Alliance pour aider à répondre au fait qu'il est de plus en plus probable que l'Iran va acquérir l'arme nucléaire? N'oublions pas que ce sont les capitales européennes qui seraient dans le rayon d'action des armes nucléaires iraniennes. L'OTAN aurait à revenir à sa mission classique de défendre l'Europe en décourageant une menace nucléaire. Ce développement accélèrerait également le débat au sein de l'OTAN sur un système régional de défense anti-missile. L'Alliance aurait à réorienter son bouclier protecteur pour se confronter aux plus graves menaces contre ses membres, venant du Moyen-Orient, en particulier d'un Iran qui possèderait l'arme nucléaire.
Mais le pays le plus menacé par de futures capacités nucléaires iraniennes est évidemment Israël. Ce serait une erreur de minimiser les discours délirants du Président iranien Mahmoud Ahmadinejad comme étant de simples postures, ou du bluff. Une des leçons du 11 septembre c'est que nous ne devrions pas limiter notre imagination stratégique ou sous-estimer nos ennemis dans le Moyen Orient. Lorsque quelqu'un déclare qu'il veut vous effacer de la carte, il pourrait bien vouloir dire exactement cela. Si alors, l'Occident décide qu'un frappe militaire pour dénier à l'Iran l'option nucléaire est trop risquée, et qu'il opte plutôt pour une politique de dissuasion et de changement de régime pacifique et à long terme, il doit aussi prendre des mesures pour assurer la protection d'Israël pendant cette période intermédiaire.
Les États-Unis ont déjà un engagement de fait pour la sécurité d'Israël. Tout futur président des USA se porterait à la défense de ce pays si son existence était menacée par un Iran nucléarisé. Et en dépit des voix anti-israéliennes et antisémites qu'on peut entendre en Europe, il y a peu de doute que des leaders européen tels que Tony Blair, Angela Merkel, ou même Jacques Chirac défendraient Israël contre une menace iranienne. Étant donné la situation, la théorie basique de la dissuasion nous apprend qu'elle est plus crédible et plus efficace lorsqu'elle ces engagements sont clairs et dépourvus d'ambiguïté.
La meilleure manière de fournir à Israël cette sécurité additionnelle, c'est d'améliorer ses relations avec le bras collectif de défense occidental : l'OTAN. Que ces relations améliorées conduisent à une adhésion, ou simplement à des relation plus étroites au niveau stratégique et opérationnel, cela peut être débattu. Après tout, une garantie de sécurité classique requiert des frontières à défendre claires et reconnues, chose qu'Israël n'a pas aujourd'hui. Configurer une relation OTAN-Israël améliorée demandera une diplomatie et un planning soigneux. Mais ce qui doit être clair c'est que l'Occident est prêt à confronter la bellicosité croissante contre Israël en intensifiant ses engagements envers l'existence de l'état juif.
Il y a de plus en plus de signes montrant qu'Israël est intéressé à de telles relations avec l'OTAN. Il y a à peu près deux ans, j'ai été approché par un groupe d'Israéliens, qui m'ont demandé d'aider à favoriser un dialogue Israël-OTAN plus étroit. A l'époque, l'idée semblait un peu tirée par les cheveux pour beaucoup. Mais depuis, un réel débat a émergé en Israël sur la construction de liens plus étroits entre à la fois l'OTAN et l'Union Européenne. Israël a également présenté à l'Alliance un plan pour une mise à niveau de la coopération bilatérale étape par étape. Le Secrétaire Général de l'OTAN Jaap de Hoop Scheffer a effectué sa première visite en Israël, et des pourparlers pour une coopération plus étroite sont en cours.
Parlant avec mes interlocuteurs israéliens il y a deux ans, je leur avait demandé comment ils envisageaient les circonstances dans lesquelles Israël pourrait un jour demander l'adhésion à l'OTAN. Ils ont présenté deux scénarios: Dans le premier, Israël allait vers un accord de paix final avec les Palestiniens, et de meilleures relations avec l'OTAN devenaient un élément clé d'un ensemble pour persuader l'opinion publique israélienne d'opter pour la paix. Dans le second scénario, l'Iran acquerrait des armes nucléaires et posait une menace réelle et croissante contre Israël. Ayant perdu ses propres moyens de dissuasion (?), Israël se tournait vers l'Occident et vers l'OTAN pour qu'ils l'aident à garantir ses besoins élémentaires de sécurité.
Je préfèrerais de loin que nous soyons en face du premier scénario, et un jour nous pourrions atteindre ce point, bien que la récente victoire du Hamas suggère que nous ne devrions pas retenir notre souffle. Mais le second scénario peut devenir une réalité pour Israël et l'Occident. Et c'est celui-là qui doit déterminer la future coopération entre Israël et l'OTAN.
L'OTAN a été réticente à aller trop loin trop vite avec Israël, préférant attendre d'avantage de progrès dans le processus de paix et attendant d'avancer en coopération avec d'autres pays arabes méditerranéens. Mais ce n'est plus l'heure de la correction diplomatique. Il est temps de rompre ce lien et de ne pas laisser les futurs liens OTAN-Israël en otage du Hamas, ou plus généralement des errements du dialogue méditerranéen de l'OTAN. Tout en continuant à resserrer les liens avec ces autres pays arabes, nous devons reconnaître que la menace à laquelle fait face Israël est qualitativement différente, de même que nos engagements pour la sécurité de ce pays.
Plusieurs dirigeants européens ont appelé l'OTAN à accueillir Israël, mais cette discussion ne deviendra sérieuse que lorsque les États-Unis, le principal allié d'Israël, mettra tout son poids derrière cette idée. Le temps est venu d'agir ainsi.