Jacques Delattre
30 septembre 2006
Nos Sénat et Parlement ont approuvé, opposition et majorité entrelacées, la décision gouvernementale de confier 400 Casques Bleus à la Force d’interposition entre Liban et Israël. Mission « à très haut risque » est-il précisé.
Toute initiative pour la paix est louable. Encore faut-il s’assurer qu’elle ne soit le marche-pied d’un projet-bis, caché, qui ne serait autre que l’extension de la guerre. C’est le discernement que l’on est en droit d’exiger de tout parlementaire digne de ce titre, particulièrement après l’assassinat de nos dix Casques Bleus au Rwanda.
Nombreux sont les clignotants rouges pour qui VEUT comprendre dans quel engrenage nous mettons le doigt :
Est-il superflu de rappeler que les Etats-Unis ont mené plus de 200 actions guerrières de par le monde au siècle passé et que l’objectif affirmé de la Maison Blanche est de redessiner la carte des Proche – et Moyen-Orient, « dans la douleur » si nécessaire ? Que le ministre israélien de la Défense annonce déjà froidement un « deuxième round » au Liban ?
Lors de ce prochain match, la FINUL réagira-t-elle semblablement contre Tsahal et contre le Hezbollah si nécessaire, la provocation étant inscrite au programme des deux camps ?
Nos mandataires n’auraient-ils pas dû assortir les termes de notre engagement d’une clause qui précise que toute modification concernant la force aventurée (par exemple, son incorporation dans une autre entité militaire ou sous un autre statut ou pour d’autres objectifs…) impliquerait la récusation de cet engagement ? Afin que notre participation n’ait d’autre dessein que de s’interposer et non de s’inscrire dans l’une des guerres programmées par les faucons du Pentagone.
Technique du glissement…
L’exemple est éducatif du glissement du soi-disant attentisme onusien vers l’intervention de l’Otan en Bosnie lors du dépeçage de la Yougoslavie : ce tour de passe-passe a sauvé l’Otan (« armée américaine » disait notre général Briquemont), devenue sans objet, et a permis sa mutation d’instrument de défense en force mondiale de police offensive à la discrétion de Washington. Il en fut de même au Kosovo et en Afghanistan : ONU ---ECHEC---OTAN.
Puisqu’il est question d’interposition, pourquoi confiner cette force au Liban et non de chaque côté de la frontière avec Israël, par moitié ? Sachant combien les provocations sont aisées sur le terrain de cette nouvelle « guerre de Cent ans » et combien les artisans du Grand Israël sont habiles à les activer, il est irresponsable de ne pas nous prémunir par une adhésion « sous condition ».
Questions subsidiaires
Le flou du mandat ONU masque-t-il l’échec encodé de la FINUL et le recours à une médication plus musclée ?
N’est-ce pas supercherie que nous faire miroiter une « avancée politique vers une paix définitive au Proche-Orient » dans le prolongement de l’action ( ?) de la FINUL ? On aimerait le croire mais…
… « Très grand risque » : pour nos militaires seulement ? Pour la région seulement ? Si les velléités israélo-américaines d’en découdre avec les « voyous » Iran-Syrie
impliquent un conflit régional majeur, sera-ce seulement avec des armes conventionnelles ?
Vérifiez les masques, les provisions et les réserves d’eau dans vos abris… On pétitionne pour nous extraire de la plus en dangereuse Otan.
L’apéritif des 150.000 bombes à sous-munitions lancées à quelques heures du cessez-le-feu par l’aviation israélienne, outre qu’il est offert aux civils libanais, est le cadeau de bienvenue à nos militaires qui risqueront leurs vies pour déminer, le principe de ces munitions étant de continuer à tuer en l’absence des tueurs. Mais pourquoi n’est-ce pas au criminel d’assumer réparation ? L’uranium appauvri utilisé avec les résultats que l’on sait en Yougoslavie, dont la dangerosité à long terme avait été niée par notre Défense malgré plusieurs morts et de nombreux malades incurables retour au pays, ont à ce point culpabilisé nos politiques que cette fois est prévu un examen spécial en vue d’un dédommagement après le retour du contingent si était constatée une maladie liée à la mission au Liban.
Si nos soldats devaient mourir, que ce soit pour la paix et non pour l’Empire. Sauf si leurs familles et nos décideurs politiques adhèrent à l’idée de sacrifier leurs proches et leurs électeurs pour la bannière étoilée, bien entendu.
Jacques Delattre
1. Groupe de Bilderberg : informel, sans pouvoir, mais combien puissant ! Il réunit une fois l’an, en des lieux plus que chics, des personnalités de poids « qui font l’actualité ou défont les pays » : banquiers, hommes d’affaires, grands journalistes, universitaires, noblions encore fortunés, hommes politiques « sûrs » (Bolkestein, Kouchner, Trichet, Pascal Lamy…). Du beau linge. Il n’est pas étranger au sort réservé à la Yougoslavie. Entre autres.
2. La Troisième Guerre mondiale a déjà eu lieu : c’était la Guerre froide, lancée par… la création de l’Otan auquel répondit le Pacte de Varsovie, défensif. Quelques millions de morts quand même, peu médiatisés puisque dans le tiers-monde. Il n’est pas excessif d’affirmer qu’un génocide politique en était le projet initial : éradiquer le communisme (des milliers de communistes en Iran, 200.000 opposants de gauche au Guatémala, 500.000 en Indonésie, « nettoyages » sanglants en Amérique Latine, assassinat de leaders progressistes : Lumumba, Ben Barka, Che Guevara, …). Guerre dite « froide » par cynisme ?