Directive politique globale entérinée par les chefs d’État et de gouvernement de l’OTAN lors du sommet de Riga


12 décembre 2006

Introduction

1. La présente Directive politique globale fournit un cadre et des orientations politiques pour la poursuite de la transformation de l’OTAN, en définissant, pour les dix à quinze prochaines années, les priorités applicables aux questions de capacités, aux disciplines de planification et aux activités de renseignement de l’Alliance. Cette Directive, qui sera révisée régulièrement, vise également à accroître leur cohérence par le biais d’un mécanisme de gestion efficace.

Partie 1 - Contexte stratégique

2. Le Concept stratégique adopté par l’OTAN en 1999 décrivait l’évolution de l’environnement de sécurité en des termes qui restent valables. Cet environnement continue d’évoluer ; il est et restera complexe, mondial de par sa dimension, et sujet à des développements imprévisibles. L’évolution de la situation internationale en matière de sécurité a une incidence de plus en plus marquée sur la vie des citoyens des pays de l’Alliance et d’autres pays. Le terrorisme, qui prend des dimensions mondiales et dont les effets sont de plus en plus meurtriers, ainsi que la prolifération des armes de destruction massive, constitueront probablement les principales menaces pour l’Alliance dans les dix à quinze prochaines années. L’instabilité due aux États faillis ou en déliquescence, les crises et conflits régionaux et leurs causes et effets, la disponibilité toujours plus grande d’armes conventionnelles sophistiquées, le détournement des technologies émergentes et la perturbation des approvisionnements en ressources vitales seront vraisemblablement les principaux risques et défis auxquels l’Alliance sera confrontée pendant cette période. Tous ces facteurs peuvent être étroitement liés ou se combiner, le plus grand danger venant de terroristes en possession d’armes de destruction massive.

3. La paix, la sécurité et le développement sont plus que jamais interdépendants. Il est donc important qu’il y ait une coopération et une coordination étroites entre les différentes organisations internationales jouant chacune un rôle étroitement lié à celui de l’autre dans la prévention et la gestion des crises. Compte tenu du large éventail de leurs moyens et de leurs responsabilités, les Nations Unies et l’Union européenne sont des organisations particulièrement importantes. Le Conseil de sécurité des Nations Unies continuera d’assumer la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationale. L’Union européenne, qui est capable de mobiliser un large éventail d’instruments militaires et civils, joue un rôle croissant à l’appui de la stabilité internationale. L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe continue elle aussi d’assumer d’importantes responsabilités dans ce domaine.

Partie 2 - Incidences pour l’Alliance

4. L’Alliance continuera de suivre l’approche globale de la sécurité exposée dans le Concept stratégique de 1999 et de remplir les tâches fondamentales de sécurité prévues par ce dernier, à savoir sécurité, consultation, dissuasion et défense, gestion des crises et partenariat.

5. La défense collective restera la vocation essentielle de l’Alliance. La nature des défis qui pourraient relever de l’article 5 continue d’évoluer. Une agression conventionnelle à grande échelle dirigée contre l’Alliance reste hautement improbable ; toutefois, comme l’ont montré les attentats terroristes perpétrés contre les États-Unis en 2001, à la suite desquels l’OTAN a invoqué l’article 5 pour la première fois, les attaques futures pourraient venir de l’extérieur de la région euro-atlantique et mettre en jeu des formes non conventionnelles d’agressions armées. Elles pourraient aussi s’accompagner d’un risque accru d’utilisation de moyens asymétriques et pourraient faire intervenir des armes de destruction massive. La défense contre le terrorisme et la capacité de répondre aux défis, d’où qu’ils viennent, ont pris une importance accrue et la garderont.

6. L’Alliance restera prête, au cas par cas et par consensus, à contribuer à une prévention efficace des conflits et à s’engager activement dans la gestion des crises, notamment dans le cadre d’opérations de réponse aux crises ne relevant pas de l’article 5, comme le prévoit le Concept stratégique. L’Alliance a mené toute une série d’opérations de ce genre depuis la fin de la guerre froide. L’expérience a montré que les opérations de stabilisation et le soutien militaire aux efforts de reconstruction après un conflit prennent une importance accrue. Le rôle des Nations Unies et de l’Union européenne ainsi que d’autres organisations, y compris, au besoin, des organisations non gouvernementales, dans les opérations en cours et dans les crises futures, va donner une grande importance à une coopération et à une coordination pratiques et étroites entre tous les éléments concernés par la réponse internationale.

7. Dans ce contexte, l’OTAN doit conserver la faculté d’exécuter l’éventail complet de ses missions, de celles de haute intensité à celles de faible intensité, tout en se concentrant sur les opérations les plus probables, en répondant aux besoins opérationnels actuels et futurs, et en restant capable d’exécuter les opérations les plus exigeantes. Elle continuera d’avoir besoin d’une combinaison de forces conventionnelles et de forces nucléaires, conformément aux directives en vigueur. L’Alliance doit, en particulier, s’attacher à :

(a) renforcer sa capacité de faire face aux défis - quelle que soit leur origine - qui se posent pour la sécurité des populations, du territoire et des forces de ses pays ;

(b) renforcer sa capacité d’anticiper et d’évaluer les menaces, les risques et les défis auxquels elle est confrontée, en particulier les menaces que constituent le terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive;

(c) mettre à disposition des forces capables d’exécuter la gamme complète de ses opérations et missions militaires;

(d) pouvoir faire face rapidement à des circonstances imprévues;

(e) faire en sorte que ses propres instruments de gestion des crises soient rassemblés efficacement. Bien que l’OTAN n’ait pas besoin de développer des capacités destinées strictement à des fins civiles, il lui faut, en tenant compte des arrangements existants, améliorer sa coopération pratique avec les Partenaires, les organisations internationales compétentes et, au besoin, des organisations non gouvernementales, afin de collaborer plus efficacement dans la planification et la conduite de ses opérations ;

(f) continuer d’adapter les processus de planification afin de répondre aux nouvelles exigences.

8. L’évolution de l’environnement de sécurité fait que les engagements des pays pour les opérations de l’OTAN – étant entendu que les décisions politiques nationales priment – doivent se traduire concrètement par la mise au point et l’application de contributions souples et soutenables mais aussi par un partage équitable des charges. Il importe également d’avoir rapidement une idée des besoins militaires probables et des forces et ressources disponibles lorsqu’il s’agit de prendre une décision au niveau de l’Alliance sur le lancement d’une opération.

9. Pour toutes ces raisons, il faut que les Alliés poursuivent le processus de transformation, notamment en se dotant de souplesse sur les plans conceptuel et organisationnel et en développant des capacités robustes déployables, soutenables, interopérables et employables.

Partie 3 - Lignes directrices pour les besoins de l’Alliance en matière de capacités

10. Compte tenu de la nature probable du futur environnement de sécurité et des exigences qui en découleront, l’Alliance aura besoin d’agilité et de souplesse pour relever les défis complexes et imprévisibles qui pourront surgir loin des frontières des États membres et sur court préavis. L’Alliance aura également besoin d’arrangements efficaces pour le partage des données du renseignement et des informations. Comme dans le passé, les données du renseignement et les enseignements tirés au cours d’opérations orienteront également le développement des capacités.

11. Pour pouvoir remplir toute la gamme de ses missions, l’Alliance doit être capable de lancer et d’appuyer simultanément des opérations interarmées de grande envergure et des opérations de moindre ampleur, pour la défense collective et la réponse aux crises, sur son territoire et au delà, à sa périphérie, et à distance stratégique; l’OTAN devra probablement mener davantage d’opérations de moindre ampleur, exigeantes et différentes les unes des autres, et elle doit conserver la capacité de mener des opérations à grande échelle et de forte intensité.

12. Quelle que soit son ampleur globale, chaque opération nécessitera vraisemblablement une structure de commandement et de contrôle permettant de planifier et de mener une campagne afin de réaliser un objectif stratégique ou opérationnel au moyen de la combinaison appropriée d’éléments aériens, terrestres et maritimes. Elle nécessitera aussi des forces structurées, équipées, dotées des effectifs voulus, et entraînées pour des opérations expéditionnaires, afin de réagir rapidement à des crises naissantes, la Force de réaction de l’OTAN constituant alors un élément essentiel pour venir efficacement en renfort des forces d’entrée initiales et pour soutenir l’engagement de l’Alliance pendant toute la durée de l’opération.

13. Sur cette base, l’Alliance a besoin de suffisamment de forces terrestres entièrement déployables et soutenables, ainsi que des éléments aériens et maritimes appropriés. Ce besoin est justifié par les objectifs politiques formulés par les Ministres de la défense s’agissant du pourcentage de leurs forces terrestres structurées, préparées et équipées pour des opérations de déploiement (40%) et du pourcentage de forces qui sont à tout moment en train de mener des opérations prolongées ou prévues à cet effet (8%), ainsi que par la volonté des Alliés d’intensifier leurs efforts à cet égard, en tenant compte de leurs priorités et obligations nationales.

14. L’OTAN et l’UE, ainsi que leurs États membres, ont déjà approuvé des procédures afin de veiller à ce que les capacités nécessaires communes aux deux organisations soient développées de manière cohérente, transparente et propre à assurer un renforcement mutuel. Il faudrait continuer de tenir pleinement compte de ces principes, objectifs et procédures dans les disciplines de planification de l’OTAN.

15. La mise au point des capacités ne sera pas possible sans un engagement suffisant de ressources. En outre, il demeurera essentiel que les ressources que les Alliés mettent à disposition pour la défense, que ce soit au niveau national, au travers de projets multinationaux, ou via les mécanismes OTAN, soient utilisées de façon aussi rationnelle que possible et essentiellement pour les domaines prioritaires d’investissement. Du fait de l’accroissement des investissements dans les capacités essentielles, les pays devront envisager de redéfinir les priorités et utiliser les ressources de façon plus rationnelle, notamment par la mise en commun de ressources et par d’autres formes de coopération bilatérale ou multilatérale. Les plans de défense de l’OTAN devraient appuyer ces activités.

16. Au cours des dix à quinze prochaines années, les améliorations apportées pour répondre aux besoins capacitaires ci-après deviendront très importantes, compte tenu de l’évolution de l’environnement de sécurité et de la nécessité de réagir face aux menaces et risques conventionnels, et surtout asymétriques, d’où qu’ils viennent :

(a) aptitude à mener et à soutenir des opérations expéditionnaires interarmées multinationales loin du territoire national, avec un soutien faible ou nul de la part du pays hôte, pendant des périodes prolongées . Pour ce faire, il faut disposer de forces pleinement déployables, soutenables et interopérables, ainsi que des moyens voulus pour les déployer. Il sera aussi nécessaire d’adopter, dans le domaine du soutien logistique, une approche entièrement coordonnée et, lorsqu’il y a lieu, multinationale;

(b) faculté d’adapter rapidement et efficacement les dispositifs de forces et les réponses militaires en fonction de circonstances imprévues. Pour y parvenir, il faut notamment pouvoir analyser efficacement l’environnement et anticiper les besoins éventuels, maintenir les forces à un haut niveau de préparation, et avoir la souplesse nécessaire pour s’adapter à des changements soudains dans les besoins;

(c) aptitude à décourager et déjouer tout acte de terrorisme, à s’en défendre et à s’en protéger, et plus particulièrement à contribuer à la protection des populations, du territoire, et des infrastructures et forces essentielles de l’Alliance, et à apporter un appui à la gestion des conséquences;

(d) capacité de protéger des cyberattaques les systèmes d’informations dont l’importance est essentielle pour l’Alliance;

(e) capacité de mener des opérations en tenant compte des menaces liées aux armes de destruction massive et aux risques chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires, et notamment de défendre les forces de l’OTAN déployées contre les menaces liées aux missiles de théâtre;

(f) aptitude à mener des opérations dans des environnements géographiques et climatiques exigeants;

(g) capacité, grâce à l’équipement et aux procédures appropriés, d’identifier les éléments hostiles, y compris en zones urbaines , afin de mener des opérations de façon à réduire à un minimum les dommages involontaires ainsi que le risque pour nos propres forces;

(h) capacité et souplesse voulues pour mener des opérations dans des circonstances où les efforts divers de plusieurs autorités, institutions et pays doivent être coordonnés dans un cadre global afin d’obtenir les résultats souhaités, et où ces divers acteurs peuvent entreprendre simultanément des activités de combat, de stabilisation, de reconstruction, de réconciliation et d’aide humanitaire;

(i) aptitude à apporter un soutien militaire à des opérations de stabilisation et à des activités de reconstruction dans toutes les phases d’une crise, y compris à établir un environnement sûr et sécurisé, dans la gamme complète des missions ; un soutien militaire sera apporté aux efforts de reconstruction dans la mesure où les conditions sur le théâtre des opérations empêchent d’autres acteurs principalement responsables de ces activités de mener leurs tâches à bien. Cela devrait comprendre l’aptitude à soutenir la réforme du secteur de la sécurité, notamment la démobilisation, le désarmement et la réinsertion et à apporter un soutien militaire, dans les limites des moyens et capacités, à des opérations de secours humanitaires;

(j) aptitude à déployer des forces alliées dont l’interopérabilité et la normalisation sont aussi poussées que possible, et souplesse voulue pour coopérer avec les forces des Partenaires, y compris, dans la mesure du possible, en communiquant les normes appropriées.

17. Fournir ces capacités exige une ouverture aux nouveautés en matière de technologies, de concepts, de doctrines et de procédures, à l’appui notamment d’une approche des opérations qui, compte tenu des dispositions de l’alinéa 7e ci-dessus, vise l’utilisation complète et cohérente des divers instruments de l’Alliance afin de créer les effets globaux qui permettront d’obtenir le résultat souhaité. Cette approche axée sur les effets devrait être élaborée plus avant et pourrait porter sur les éléments suivants : amélioration de la perception de la situation, prise de décisions et établissement de plans opérationnels en temps voulu, amélioration des liaisons entre les commandants, capteurs et systèmes d’armes, et déploiement et emploi optimaux et cohérents des forces expéditionnaires interarmées.

18. Parmi ces besoins qualitatifs, les grandes priorités de l’OTAN sont les suivantes : forces expéditionnaires interarmées et capacité de les déployer et d’en assurer le soutien, forces à haut niveau de préparation, aptitude à faire face aux menaces asymétriques, supériorité dans le domaine de l’information, aptitude à regrouper au mieux les divers instruments de l’Alliance utilisés pour faire face à une crise et la résoudre, et capacité d’assurer la coordination avec d’autres acteurs. La Force de réaction de l’OTAN est un instrument militaire fondamental au service de l’Alliance et un catalyseur pour la poursuite de la transformation ; elle est considérée comme hautement prioritaire, tout comme les besoins opérationnels.

Partie 4 - Principes d’un mécanisme de gestion

19. Les comités et organes de l’OTAN responsables des disciplines de planification concernées, y compris la planification opérationnelle et le renseignement, doivent mettre en oeuvre la Directive politique globale dans leurs travaux, en élaborant, en tant que de besoin, les politiques, directives et orientations détaillées qu’ils adopteront à leur tour dans le cadre de leurs disciplines respectives.

20. Un mécanisme de gestion efficace doit faire partie intégrante de la mise en oeuvre de la Directive politique globale. Il sera établi par le Conseil de l’Atlantique Nord en session permanente et permettra d’élaborer d’autres orientations détaillées, de vérifier et de garantir que les dispositions de la Directive politique globale sont respectées dans ces disciplines de planification, et de veiller à la cohérence et à l’harmonisation entre ces disciplines1. Ce mécanisme de gestion comprendra un système d’arrangements efficaces, y compris, au besoin, des instructions officielles, en vue d’un alignement des processus de planification, de la mise en cohérence des orientations et de l’harmonisation des besoins et des structures de soutien.

21. La mise en oeuvre de la présente Directive politique globale devrait se traduire par le développement de capacités plus exploitables pour les opérations et missions futures.

1 Le mécanisme de gestion a été établi en février 2006