Pierre Piérart
1 mars 2003
De concert avec Tony Blair, de plus en plus décrié en Grande-Bretagne, ladministration Bush prépare avec beaucoup de conscience opérante, selon Corentin de Salle, sa guerre préventive et criminelle contre le peuple iraquien, car les bombardements jetteront sur les routes des millions de réfugiés et tueront comme dhabitude plus de civils que de militaires. Malgré le 11 septembre lopinion américaine commence à réaliser que la politique antiterroriste est mal ciblée et quelle pourrait senvenimer et déstabiliser toute la région au Moyen-Orient. Si la guerre annoncée se prolonge, le scénario prévu par les grandes agences des Nations Unies et la Croix Rouge est catastrophique : poursuite de la destruction dun pays épuisé et exsangue, nombreuses nouvelles victimes, insuffisance du ravitaillement, maladies, camps de réfugiés, nouvelle radio-contamination par luranium appauvri 235 des personnes et de lenvironnement.
Afin dentraîner lAlliance atlantique dans la tourmente les pressions exercées sur ses membres ont été très fortes; 8 dentre eux menés par la Grande-Bretagne se sont exprimés illégalement. Dautre part les États-Unis ont littéralement travaillé diplomatiquement une dizaine de pays de lEst et des Balkans.
La lettre des huit pays, comprenant 5 membres de lUnion européenne, la Grande-Bretagne, lEspagne, lItalie, le Danemark, le Portugal auxquels sont venus se joindre les trois nouveaux membres de lOTAN, la Pologne, la Hongrie et la Tchéquie, a très clairement déclaré son soutien à la politique belliqueuse des États-Unis. Laxe Londres-Madrid soppose à laxe Berlin-Paris. Messieurs Javier Solana, Haut représentant du Conseil de lUnion européenne, et Christopher Patten, commissaire des relations extérieures, nont pas estimé devoir intervenir auprès de ces membres francs-tireurs pour leur faire remarquer gentiment, comme la fait le président de la Convention Giscard dEstaing, quils avaient violé larticle J.2 de la PESC du traité de Maastricht Les États membres sinforment mutuellement et se concertent au sein du Conseil sur toute question de politique étrangère et de sécurité présentant un intérêt général, en vue dassurer que leur influence combinée sexerce de la manière la plus efficace par la convergence de leurs actions". Ce coup de canif dans larticle J.2 a manifestement été manigancé par le travailliste Tony Blair et le représentant de la droite espagnole Jose Marie Aznar qui nont cure de la politique étrangère de lU.E.
Laffaire nen est pas restée à ce dérapage, ladministration Bush a cru nécessaire dajouter une deuxième estocade à la solidarité de lUnion européenne. En plus des 8 contestataires européens occidentaux, un nouveau bloc ad hoc de 10, dont 7 prochains membres de lOTAN, ont fait entendre leurs voix dans le même sens.
Il sagit de lAlbanie, la Bulgarie, la Croatie, lEstonie, la Lettonie, la Lituanie, la Macédoine, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie, tous persuadés pour le moment que seuls les États-Unis peuvent leur apporter la sécurité et la prospérité et que lU.E. ne fait pas le poids. Lorigine de ce groupe des 10, dit de Vilnius, est assez obscure. Un certain Bruce Jackson, lobbyiste et activiste américain, en serait léminence grise depuis plusieurs années. Ancien Conseiller du département de la défense il serait à lorigine de la déclaration du 5 février dans laquelle les 10 se prononcent, eux aussi, en partisans décidés dune politique de soutien actif aux objectifs des États-Unis. La lettre du groupe de Vilnius a provoqué la riposte de Jacques Chirac lors du sommet européen de Bruxelles du 17 février ; la réaction du président français a été plus incisive que celle de Giscard. Dans son allocution le locataire de lÉlysée, après un court préambule, sest cru obligé de constater que les futurs membres de lU.E. avaient manqué une bonne occasion de se taire.
Selon lInternational Herald Tribune, lidée de cette déclaration intempestive a été présentée lors dun dîner à lambassade slovaque de Washington où étaient présents la plupart des ambassadeurs du groupe de Vilnius ainsi que leur coordinateur Bruce Jackson. Ce dernier, selon les bruits de couloirs, se défend davoir lancé linitiative de la lettre qui, selon lactiviste, viendrait de lambassadeur de Lettonie soutenu par ailleurs par la Slovaquie.
Encore une fois le Haut représentant de la Politique étrangère et de Sécurité commune (PESC) et son alter ego, le commissaire européen des relations extérieures nont pas réagi, du moins officiellement .
La réaction du président Chirac (nouveau de Gaulle ?) a été montée en épingle de façon assez répugnante par une certaine presse américaine et anglaise ; quant au président Parvanov de Bulgarie il sest contenté de protester par voie diplomatique en convoquant lambassadeur de France, Jean-Loup Kuhn-Delforge pour lui demander un respect mutuel entre les membres et futurs membres de lUE.
Lord Robertson, secrétaire général de lOTAN, est parvenu à isoler la France (qui sest retirée de lorganisation militaire de lAlliance) sur la base de larticle 5 dans la question de laide à la Turquie, laissant la Belgique quasiment seule pour sopposer à une participation offensive contre lIraq. Après plusieurs jours de discussions pénibles les membres de lOTAN y compris lAllemagne et la Belgique autoriseront le transit de milliers de wagons de chemin de fer transportant troupes et matériel militaire pour la guerre préventive. Petit à petit la logique de guerre progresse et approche de son point de non retour.
Quant aux votes des membres du Conseil de Sécurité il est difficile dimaginer un Veto de la France qui lisolerait encore davantage. Au maximum, on peut espérer 3 abstentions de la France, la Russie et la Chine, un non de lAllemagne et peut-être du Mexique et du Chili. Les pressions américaines exercées sur les membres sont énormes bien que partiellement neutralisées par les diplomaties française et sud-africaine.
En effet un scénario plus optimiste semble se profiler suite à la déclaration du président de la République dAfrique du Sud, Thabo Mbeki, qui soutient une solution pacifique pour le désarmement de lIraq, déjà réalisé à plus de 90%, en liaison avec les 3 membres africains lAngola, le Cameroun et la Guinée. La riposte américaine sest rapidement manifestée avec lenvoi du secrétaire dÉtat adjoint, Walter Kansteiner, en mission, auprès des trois pays africains et plus spécialement en Guinée qui doit présider le Conseil de Sécurité en mars. Quoi quil en soit, on pourrait espérer (avec lappui de lAllemagne, le Mexique, le Chili et la Syrie) 6, 7 ou 8 non sur 15 pour refuser le recours à la force, soit 9, 8 ou 7 oui sur 15 selon larithmétique onusienne. Acceptera-t-on un vote aussi tangent ?