Marcel Poznanski
18 mars 2007
L’Afghanistan est nettement moins médiatisé que l’Irak et pourtant c’est bien une guerre avec son cortège de morts, de blessés, de famine, de destructions de villes, de villages, la fuite de millions d’habitants à l’extérieur du pays. En Belgique, un groupe d’Afghans font la grève de la faim dans l’église des Minimes à Bruxelles pour obtenir le statut de réfugié. Comme le gouvernement belge intervient soi-disant en mission humanitaire, il ne peut pas reconnaître qu’il existe des réfugiés. Donc ces immigrés viennent uniquement profiter de l’hospitalité belge. C’est extraordinaire : plus l’OTAN intervient humainement plus les gens fuient le pays !
Jusqu’à présent, les troupes belges n’ont pas perdu un seul militaire, la principale raison de leur sécurité est que les Belges se terrent dans des casemates autour de l’aéroport, ne sortent jamais dans Kaboul de peur d’être une cible pour les résistants afghans.
Deux avions F16 de la force aérienne belge sont basés dans le pays, ils participent au bombardement et au mitraillage des villages et des populations. Pour notre ministre de la Défense, le plomb nourrit, cela va très bien avec la mission humanitaire.
Jusqu’à ces dernier temps, seuls les contingents US, Britanniques et Canadiens sont impliqués dans des opérations de guerre, et comme corollaire, c’est eux qui ont le plus de pertes. Après la réunion de l’Otan à Riga, tous les membres de l’OTAN doivent aller au feu. ISAF est heureux d’annoncer la participation de l’ensemble des troupes de l’OTAN dans une tentative de reconquête d’une des provinces hors contrôle. Il semble donc que l’on va doubler les forces d’occupation.
Les USA et l’ISAF ne peuvent absolument pas faire confiance aux soldats afghans. Pendant la visite de Cheney, un attentat suicide s’est produit. La base est pourtant protégée par trois enceintes militaires. La première enceinte est tenue par les soldats afghans, ceux-ci ont laissé passer le kamikaze qui a explosé sur l’enceinte tenue par les boys US, il n’était pas loin de Cheney.
Plus la violence augmente, plus cela démontre l’incapacité de gagner la guerre. La défaite de l’OTAN est inéluctable, mais quand aura-t-elle lieu et après combien de destructions ? Le gouvernement belge se plaint de l’absence de « stratégie pour sortir d’Afghanistan » de la part de l’Otan. Mais en attendant, il augmente la participation des troupes belges et sa contribution financière. Il faut prendre l’initiative contraire : retirer les troupes belges et les avions F-16 et supprimer ce soutien financier aux opérations de l’Otan en Afghanistan qui n’ont rien d’humanitaire !
Marcel Poznanski
Nous publions ci-dessous une partie de « la demande d’explication de Josy Dubié au ministre de la Défense sur l’accroissement de la présence militaire belge en Afghanistan ». Le texte complet de la demande et de la réponse ministérielle peut être lu sur le site à l'adressewww.csotan.org/textes/doc.php?art_id=332&type=documents
Séance du Sénat de Belgique – 25 janvier 2007
M. Josy Dubié (ECOLO). - Je relève donc que la note d'orientation prévoit une augmentation de nos effectifs de 310 unités à 420 à la fin de l'année, ce qui correspond bien à une augmentation de 35% de notre effectif militaire sur place, sans compter les quatre F-16.
Je suis très surpris de cette réponse extrêmement contradictoire avec une interview publiée dans Le Vif/L'Express, il y a deux mois, le 24 novembre 2006. Sous le titre : « Flahaut :"on est piégé !" », le ministre dénonçait « l'explosion des dépenses causées par le bourbier afghan ». « La fuite en avant m'inquiète », disait le ministre.Deux mois plus tard, il propose au conseil des ministres une augmentation de 35% de nos effectifs militaires.
Dans l'article susmentionné, il disait pourtant : « Les opérations de l'Alliance en Afghanistan sont déjà moins aisées à justifier ». Je suis d'ailleurs un de deux qui s'interrogent. Il poursuivait : « Si la situation sur le terrain tournait mal, c'est moi, ministre de la Défense, qui serait mis en cause », ce qui me semble assez évident.Mais je relève surtout ceci : « J'ai demandé des explications à propos de l'augmentation énorme du budget affecté à la mission en Afghanistan. On se contente de me répondre que l'on ne peut pas tout prévoir quand on lance ce genre d'opération. On est piégé, car les projections budgétaires sont inexistantes ou imprécises. Faute de "stratégie de sortie", comment la Belgique peut-elle planifier son engagement ? »
Ces affirmations du ministre au regard des éléments de réponse que je viens de recevoir sur l'augmentation substantielle de nos forces créent une contradiction extrêmement inquiétante.
La situation en Afghanistan est en train de se détériorer rapidement. Le ministre précise d'ailleurs, et cela me semble important, que « la situation se dégrade et, avec le temps, les forces de l'OTAN risquent d'apparaître comme une armée d'occupation ». J'avais lancé cet avertissement voici quelques mois et c'est maintenant le ministre qui le reconnaît. Comment comprendre alors que, dans le même temps, la Belgique augmente ses forces en Afghanistan ?
Monsieur le Président, chers collègues, je pense qu'il s'agit là d'un sujet extrêmement préoccupant dont la commission de la Défense du Sénat devrait se saisir. Je rappelle qu'au moment même où le Sénat américain s'oppose à la décision du président Bush de renforcer les forces militaires en Irak, la Belgique décide d'accroître ses forces en Afghanistan de manière plus importante encore et que cela se passe dans un silence assourdissant. C'est inquiétant. Je vais donc demander aux présidents des commissions de la Défense et de la Justice que nous examinions en profondeur la politique de la Belgique en Afghanistan et l'évolution de notre engagement militaire dans ce pays. J'espère que d'autres collègues me suivront.