Thierry Delforge
19 mars 2008
Ce serait marquer trop de mépris pour les populations des Balkans que de parler de folklore à propos de la proclamation de l’ « indépendance » du Kossovo, eu égard aux souffrances endurées par tous les peuples de la région.
Ce serait aussi ignorer l’histoire de populations si longtemps opprimées et qui continuent de l’être.
Il faut comparer cette indépendance avec la notion de souveraineté. La souveraineté implique le respect des droits fondamentaux du peuple, ou des peuples dans les Etats multinationaux. Droits d’association et d’expression, libertés fondamentales, respect des minorités, justice, mais aussi droits sociaux. Or, jusqu’ici, les habitants de la province serbe ont vécu la guerre et l’occupation, ont aussi vécu de la guerre et se voient maintenus dans une économie de subsistance.
L’organisation terroriste de l’UCK, organisation mafieuse, a été constamment soutenue par les puissances occidentales et les USA jusqu’à cette consécration d’une pseudo légitimité assortie d’une totale impunité.
Aujourd’hui l’UE, qui prétend exercer sa puissance tutélaire et mener une opération de police par l’envoi de magistrats et de policiers, est profondément divisée. Les apprentis sorciers, les experts militaires, les ethnologues, les sociologues et les balkanologues ont appliqué les méthodes coloniales dans le démantèlement de la Yougoslavie. Et, d’une certaine manière, ont poursuivi la politique raciste, raciale qui fut celle des nazis dans cette région du monde.
Et pourtant l’UE s’est efforcée de freiner l’agression menée par l’administration Bush, agression initiée sous Clinton. En vain, sinon par une attitude pour le moins ambiguë, qui a conduit l’UE à accompagner le fait accompli et une mise sous tutelle par des instruments de « bonne gouvernance », des « administrateurs », juges et policiers notamment – près de 2.500 - comme il en existait dans les pays coloniaux. L’agression menée par les États-Unis s’est concrétisée, au Kosovo, par l‘implantation d’une énorme base militaire U.S., la base de Bondsteel qui compte près de 8.000 soldats.
La résolution 1244 de l’ONU, qui consacrait la présence de la KFOR, est formellement obsolète puisqu’il s’agissait de l’occupation militaire d’une province serbe précédée de bombardements « humanitaires », tout aussi « humanitaires » que cette occupation dont l’OTAN, à l’exclusion de l’UE, reste maîtresse quasi exclusive. De reconstruction il n’y a pas – les budgets qui lui seraient consacrés sont dérisoires comparés à ceux de l’occupation - et le peu qui sera fait impliquera les réseaux mafieux comme cela s’est produit en Bosnie. Un commentateur évoquait la naissance d’un « Frankenstein mafieux ». Ce n’est pas sans raison que la Suisse, elle aussi, participe à l’occupation, la communauté kosovare dans ce pays constituant un « cinquième canton »…
La Grèce, l’Espagne et la Roumanie ont refusé de reconnaître le nouvel « Etat ». L’effet de contagion, et la contradiction, sont évidents. Il suffit d’évoquer la Transnitrie, dissidente de la Moldavie ( et la Roumanie), l’Ossétie du Sud, dissidente de la Géorgie, le Nagorny Karabakh, dissident de l’Azerbaïdjan, la partition, sous l’égide de l’OTAN, de Chypre, l’Euzkadi, le Kurdistan…pour comprendre que là où l’on parle de « missions de paix » il y a une volonté, délibérée de la part des Etats-Unis et contrainte de la part de l’UE de semer la division et de préparer d’autres guerres de conquête aux objectifs économiques et stratégiques au nom, bien entendu, de « l’interventionnisme humanitaire ».