Claudine Pôlet
21 juin 2008
Le Sommet de l’Otan de Bucarest, en avril dernier, a mis la question de l’Afghanistan en tête de ses travaux.
En effet, la Déclaration finale du Sommet dit :
« La sécurité euro-atlantique et, plus largement, la sécurité internationale sont étroitement liées à l'avenir de l'Afghanistan, qui doit être un État pacifique, démocratique, respectueux des droits de l’homme et libéré de la menace du terrorisme. C’est pourquoi la mission de la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS), que nous menons sous mandat de l’ONU et à laquelle contribuent actuellement 40 pays, est notre première priorité. Aux côtés des Afghans, nous avons accompli des progrès importants, mais nous sommes conscients que les défis qui subsistent exigent des efforts supplémentaires. Nous ne permettrons pas, et nos partenaires afghans ne permettront pas non plus, que les extrémistes et les terroristes reprennent le contrôle de l’Afghanistan ou s’en servent comme base pour le terrorisme qui menace la population de tous nos pays. Nous allons publier avec nos partenaires de la FIAS, et avec le concours du président Karzaï, une déclaration sur l’Afghanistan. Cette déclaration énonce une vision claire, fondée sur quatre principes : un engagement ferme et commun, qui s’inscrive dans la durée ; le soutien au renforcement du leadership des Afghans et de la prise de responsabilité par ces derniers ; une approche globale de la communauté internationale, conjuguant efforts civils et militaires, ainsi qu'une coopération et un engagement accrus avec les pays voisins de l'Afghanistan, en particulier le Pakistan. Nous nous réjouissons de ce que des Alliés et des partenaires aient annoncé de nouvelles contributions de forces et d’autres formes de soutien, témoignage supplémentaire de notre détermination, et nous espérons que d’autres contributions suivront. »
Le Document spécifique du Sommet sur l’Afghanistan dit :
« L’Otan est un élément essentiel de l’engagement de la communauté internationale en Afghanistan où elle aide les autorités afghanes à instaurer la sécurité et la stabilité pour ouvrir la voie à la reconstruction et à une gestion efficace des affaires. »
Et Joop de Scheffer, le secrétaire général de l’Otan précise :
« Cette tâche est l’une des plus délicates que l’Otan ait jamais eu à entreprendre, mais c’est une contribution essentielle à la sécurité internationale ».
Pourquoi et comment l’Afghanistan est-il devenu une question essentielle pour l’Otan ?
Loin de se dissoudre après la fin du Pacte de Varsovie, l’Otan n’a fait que se renforcer et étendre ses tentacules dans le monde. La destruction de la Yougoslavie et la création d’un Etat avorton, le Kosovo, furent les trophées de la première guerre de l’Otan.
En 2001, après les attentats du 11.9, l’Otan agite « l’article 5 » et s’offre pour aider les Etats-Unis à « défendre leur territoire » et à poursuivre leurs ennemis où qu’ils soient. Les USA entraînent déjà quelques alliés membres de l’Otan dans la liquidation du gouvernement taliban et l’occupation de l’Afghanistan. Les autres pays membres font en sorte que l’ONU entérine le coup de force et installe « l’ISAF » (en français : Force Internationale d’Assistance à la Sécurité) pour le légitimer.
Ils pensaient sans doute que c’était une simple promenade et que le nouvel ordre mondial s’imposerait facilement en Afghanistan.
Mais l’Afghanistan a résisté. Les voisins de l’Afghanistan aussi. La guerre contre l’Irak a rencontré s divergences et résistances. L’Iran ne se soumet pas . Même les traditionnels alliés des occidentaux ne sont pas sûrs (Pakistan), la Russie et la Chine tissent des liens de coopérations attirantes, (Coopération de Shangai, accords de la Mer Caspienne).
L’ONU est en crise profonde qui la paralyse. L’OTAN veut prendre sa place et devenir « l’alliance des démocraties » et son but, réaffirmé au Sommet de Bucarest, est de garantir la sécurité euro-atlantique, qui coïncide de plus en plus avec sa « sécurité énergétique » .
C’est dans ce cadre que l’Afghanistan est devenu une question essentielle et que l’Otan y joue ce qu’elle appelle « son avenir ».
En 2001, l’ISAF est une petite force militaire multinationale mandatée par l’ONU pour protéger Kaboul et ses environs pendant 6 mois en soutien au gouvernement Karzai et aux forces d’occupation .
En 2005, l’Otan prend le commandement de la coalition de pays engagés dans l’Isaf , qui a étendu progressivement sa mission dans le pays et s’est chargée également de protéger les opérations dites de reconstruction du pays (PRT= Equipes provinciales de reconstruction).
Parallèlement à ces tâches de l’ISAF, la coalition Enduring Freedom (Liberté Immuable) , composée des militaires US et plusieurs autres forces armées de pays membres de l’Otan, continue des opérations de guerre directe contre « les talibans » . En réalité, toutes les oppositions aux forces militaires internationales qui occupent l’Afghanistan sont qualifiées de talibans, et dans les déclarations officielles, il est d’ailleurs question « d’extrémistes et de terroristes ».
Dans ces conditions, les militaires de l’ISAF et ceux de Enduring Freedom se ressemblent de plus en plus et, en mars 2007, une nouvelle résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU vient entériner ce fait. Elle autorise et invite même l’ISAF à coopérer étroitement avec Enduring Freedom . Décidément, ces « extrémistes et ces terroristes » se multiplient . C’est toute la population afghane des campagnes et des montagnes qui devient dangereuse. Ben Laden est insaisissable. La coalition internationale de 47 pays n’en vient pas à bout. Tous les membres de l’Otan sont priés instamment de venir la renforcer et de prendre leur part du « fardeau », de s’engager avec F-16, bombes, et soldats d’élite pour donner plus de courage aux 57.000 soldats internationaux déjà sur le terrain. On a vu, ces derniers jours, la bataille de Kandahar où ce sont directement des soldats de l’ISAF qui faisaient la chasse aux « terroristes » , occupant des villages dont les habitants avaient fui. On a vu les mêmes scènes qu’en Yougoslavie, les foules de gens sur les routes et les sentiers, fuyant les bombardements . Combien de « dégâts collatéraux » ? Les morts civils se comptent par milliers.
Faut-il rester loyal à l’Otan à tout prix ?
De 2001 à 2008, l’ONU a été progressivement mise de côté et l’Otan, qui devait être un appui militaire très limité, est devenue la force déterminante. Mais l’échec est d’autant plus flagrant . Ce n’est pas pour autant que l’Otan est prête à se retirer. Au contraire, la guerre civile se développe, et les risques de la fuite en avant, de l’expansion de la guerre vers l’Iran et le Pakistan sont plus grands que jamais.
Le gouvernement belge autorise la participation de l’armée belge à l’ISAF depuis plusieurs années. Mais ce qui devait être une protection militaire de reconstruction civile s’est transformé en engagements militaires directs, de plus en plus étendus , de plus en plus risqués pour les populations civiles et dangereuses pour les propres militaires. Au lieu d’élaborer une stratégie de sortie d’Afghanistan, l’Otan s’enfonce dans le bourbier et prétend y rester pour une longue durée. Comment refuser d’entrer dans une guerre longue et sale, sans retirer les troupes d’Afghanistan ? C'est impossible.
Ce n’est pas la seule question qui se pose d’ailleurs. Les dirigeants de l’Otan préparent, pour le 60e anniversaire de l’Alliance, ce qu’ils appellent un nouveau concept stratégique. Ils veulent à tout prix obtenir des résultats en Afghanistan , créer un nouvel Etat dont l’Otan serait le protecteur pour imposer leur « nouveau concept stratégique » au reste du monde. Mais ce serait encore pire que le Kosovo. Il faut mettre en question le principe même de l’Alliance Atlantique, remettre à l’honneur des revendications des partis progressistes et du mouvement de la paix :
Pas de canons, des écoles !
Quittons l’Otan !
Pour la dissolution de l’Otan !