Georges Berghezan
1 mars 2000
Une mission humanitaire et d’enquête doit se rendre durant le mois d’avril dans la bourgade d’Orahovac au Kosovo. Organisée par une ONG néerlandaise (Global Reflexion) et un site web américain (www.emperors-clothes.com), elle comprendra des participants de plusieurs pays afin de venir en aide à une population au bord de la famine et se rendre compte des écrasantes responsabilités des troupes de l’OTAN.
Orahovac est située dans le secteur allemand de la KFOR (forces sous commandement OTAN au Kosovo) et des soldats néerlandais y sont déployés. Depuis leur arrivée, les populations serbe et rom se sont réfugiées dans la partie haute de la ville, devenue un ghetto insalubre, et n’ont plus accès au reste de la ville où sont notamment situés les commerces et le dispensaire. Des dizaines de personnes ont été tuées ou enlevées au cours des derniers mois. Avec les habitants serbes du village voisin de Velika Hoca, véritable musée habité avec une douzaine d’églises dont la plus ancienne date du XIIème siècle, ces 2.500 personnes survivent dans les pires conditions.
Le plus choquant est l’attitude de la KFOR. Si les habitants albanais, largement majoritaires, disposent d’une entière liberté de mouvement, la KFOR n’autorise les évacuations de Serbes et de Roms que si elles sont organisées par l’ONU. Des enfants que des visiteurs avaient voulu, à la demande de leurs parents, emmener dans le reste de la Serbie ont été ramenés de force dans l’enclave. Une femme atteinte d’un malaise cardiaque est morte il y a quelques semaines au check-point de la KFOR, qui refusait de l’évacuer vers un hôpital. La raison de l’acharnement des soldats hollandais sur les non Albanais est une liste de " criminels de guerre " que leur a livré l’UCK à leur arrivée. Une douzaine de Serbes, tous les intellectuels de la ville, ont déjà été arrêtés.
Crimes de guerre ? La région a été effectivement une des régions les plus chaudes lors des affrontements entre UCK et forces serbes et yougoslaves. En juillet ’98, Orahovac a été la 1ère ville a être conquise par l’UCK, provoquant la contre-offensive serbe de la fin de l’été ’98. Entretemps, une quarantaine de Serbes et Roms avaient été enlevés et n’ont jamais été revus. Durant les bombardements de l’OTAN, des villages albanais voisins ont été rasés par les forces de Belgrade et de nombreuses exactions ont été commises. Les affirmations de l’UCK et du commandant néerlandais Van Loon (1000 morts ou plus) sont loin d’avoir été recoupées par les exhumations du TPI. Des Albanais d’Orahovac reconnaissent eux-mêmes que les Serbes responsables de crimes, dont des locaux, ont quitté la région en même temps que l’armée yougoslave. Mais ce n’est pas l’avis des KFOR hollandais qui considèrent tout Serbe (y compris les femmes, les enfants, les vieillards et les handicapés – expérience personnelle vécue en juillet ’99) comme un criminel potentiel, que l’on peut soumettre à toutes les vexations imaginables.
En outre, les Hollandais ont soutenu le blocus d’Orahovac organisé par l’UCK à l’automne dernier pour empêcher le déploiement prévu de soldats russes de la KFOR. Agim Ceku, commandant de l’UCK, devenue la " TMK " avec la bénédiction de Kouchner, a été proclamé maire de la ville.
Orahovac et Velika Hoca constituent les seules localités du sud-ouest du Kosovo (la Métochie, pour les Serbes) encore habitées par des non Albanais. Les abandonner à leur sort, privés de nourriture, de chauffage, d’électricité, de soins médicaux et de communications avec l’extérieur, revient à soutenir un " nettoyage ethnique " à petit feu. La mission devant partir prochainement d’Amsterdam est la première initiative internationale visant à venir en aide à une population terriblement éprouvée, à dénoncer le comportement scandaleux de certaines unités de la KFOR et à sauvegarder le caractère multiethnique de cette région.