Patrice Salzenstein
23 juin 2008
Mais qui sont donc ces Tchèques aux allures d'Astérix qui tiennent tête à l'OTAN et se battent pied à pied contre l'installation de bases américaines en Tchéquie dans le cadre de la mise en place du bouclier antimissile américain?
Rendez-vous est pris avec Jan Tamas, dans son QG à deux pas de Vaklavske Namesti, au centre de Prague, ce lundi 23 juin 2008. Accueil chaleureux par les deux leaders du mouvement pacifiste tchèque, Jan Tamas et Jan Bednar, qui ont défrayé récemment la chronique avec leur grève de la faim entre le 13 mai et le 3 juin 2008.
Retour sur deux années de mobilisation de la coalition d'organisations qui mène la vie dure à l'État major de l'OTAN et aux visées militaristes américaines. La force de cette mobilisation, ce n'est pas tant la perception accrue du danger par la population tchèque puisque c'est la première fois qu'une base stratégique est installée si près d'une grande ville, c'est avant tout l'union de divers mouvement très hétéroclites tels que Humanisticke Hnuti (Mouvement Humaniste), Greenpeace, Mayors for peace (maires pour la paix), le Parti communiste de la Bohême et de la Moravie (KSCM), le Parti tchèque social-démocrate (CSSD) ou encore des syndicalistes et des citoyen(ne)s. Dés que les Tchèques ont appris que le gouvernement négociait l'installation d'une base radar dans le cadre du bouclier antimissile 1, dans la région de Brdi, à 60 km au sud ouest de la capitale, Prague, la mobilisation n'a cessé de grandir, avec l'organisation de manifestations à Prague, de pétitions, d'actions spectaculaires telles que l'arrimage d'un gigantesque ballon, ou encore de conférences internationales avec l'intervention de personnalités. Jan Tamas a effectué une tournée européenne pour alerter l'opinion publique, et a même été reçu au Congrès américain. Mais le gouvernement Tchèque, malgré une large majorité de plus de 2/3 de ses concitoyen(ne)s opposés à l'installation de la base Radar 2 a poursuivi les négociations avec les États Unis, prévoyant même la signature d'un traité le 5 mai 2008. C'est à ce moment que fut décidé la grève de la faim. Une première victoire a été que la date de signature de ce traité a été sans cesse repoussée, par un gouvernement gêné aux entournures, et qu'aux dernières nouvelles, la date prévue pourrait être le 8 juillet prochain, lorsque la secrétaire d'État américaine Condoleezza Rice doit venir à Prague pour la signature du traité.
La coalition pacifiste a dors déjà prévenu qu'une manifestation serait organisée ce jour-là, appelé D-day, à 18 heures sur Vaklavske Namesti. Par ailleurs, à l'initative de la coalition pacifiste, une conférence se tiendra au parlement européen le 9 juillet à Strasbourg avec des députés issus notamment des trois groupes: Social-démocrate, Gauche unie et Vert. De plus, Humanisticke Hnuti organise une conférence le 17 juillet avec la présence du vice chairman du parlement Européen, d'un parlementaire américain, Dennis Kucinick, membre du Congrès et de Jan Tamas.
La mobilisation ne s'arrêtera pas là. Même après signature d'un éventuel traité américano-tchèque, le parlement doit l'approuver. Une grande bataille parlementaire y est attendue à l'automne, puisque le parlement est partagé à 50-50 sur cette question hautement sensible auprès de l'opinion publique. Si les communistes du KSCM et la quasi-totalité des socialistes du CSSD sont résolument opposés à l'installation de la base radar américaine, les Verts (membres de la coalition de centre-droit au pouvoir) sont partagés, de même que les partis de droite.
A l'image de notre célèbre Astérix face à la force de frappe de l'empire Romain, et fort de son engagement humaniste pour la paix et contre les armes nucléaires, l'OTAN et le déploiement du bouclier antimissile, sûr que Jan Tamas va continuer de donner du fil à retordre aux États Unis.
1 « Non au bouclier antimissile » Planète Paix, No 529, février 2008
2 les sondages affirment que 66 à 70% des Tchèques sont hostiles au Bouclier antimissile