Claudine Pôlet
30 décembre 2008
Intervention musclée du représentant de l’Otan à la conférence du Groupe Socialiste Européen : « Paix et Désarmement : un monde sans armes nucléaires ? »
Au cours de la conférence organisée par le Groupe Socialiste du Parlement Européen, Guy Roberts – Secrétaire général adjoint de l’Otan, délégué pour la politique en matière d’armes de destruction massive, a défendu la stratégie nucléaire de l’Otan et plaidé pour le maintien de la supériorité nucléaire militaire de l’Otan, comme une garantie sine qua non de la sécurité transatlantique.
Comme il n’a pas remis le texe écrit de son intervention (contrairement à tous les autres intervenants), ce qu’il a dit ne peut être considéré comme une position « officielle » du secrétariat général et on pourra toujours nous taxer de déformation de ses propos. Mais ceux-ci étaient d’une telle violence que les assistants à cette conférence ne sont pas près de les oublier.
La Conférence avait pour but de présenter et débattre diverses propositions pour avancer vers une Approche Multilatérale du Nucléaire (voir encadré). Et chercher l’outil politique international qui serait capable de contrôler toute la chaîne du nucléaire, depuis l’extraction du minerai jusqu’à la production des réacteurs, sans dissocier l’usage final civil ou militaire. En même temps, chercher quels pas pourraient être franchis dans les prochaines années pour la réduction des arsenaux nucléaires et quelles sont les chances d’aboutir à un désarmement nucléaire général.
Par contre, pour le sécrétaire général adjoint de l’Otan :
Si vis pacem, para bellum.
La force de frappe nucléaire de l’Otan – comprenant celle des Etats-Unis + France + Grande-Bretagne + les armes nucléaires déployées sur le territoire européen – sont un contrat d’assurance efficace depuis plus de 50 ans et la seule manière raisonnable de dissuader tous ceux qui voudraient nous attaquer.
Aucun régime au monde n’est assez fort pour attaquer l’Alliance, donc elle doit rester la plus puissante.
Les armes nucléaires protègent les interventions militaires de l’Otan avec armes conventionnelles.
Il ne faut surtout pas renoncer au « first use ».
L’Otan contribue à la non-prolifération, en offrant sa protection, le nombre de ses membres ne fait qu’augmenter.
Il n’existe aucune preuve que la Russie va désarmer si l’Otan le fait de son côté. Le retrait des bombes nucléares d’Europe ne va pas conduire à un retrait du côté russe. L’OTAN a déjà fait le maximum possible pour réduire son arsenal.
La menace russe est réelle et on ne doit pas se leurrer sur le sens de l’intervention russe vis-à-vis de l’Iran.
Conclusion : ce n’est pas réaliste de supprimer les armes nucléaires. Tant que les menaces continuent, le nucléaire continue. Il n’est pas question non plus d’un désarmement unilatéral. La bombe est avec nous. Nous devons vivre avec.
En écoutant M. Roberts, on avait l’impression d’avoir discuté toute une journée pour des prunes tellement il y avait opposition entre ses propos et les déclarations prudentes, les petits pas diplomatiques proposés par les autres intervenants. Et surtout, on se demandait pourquoi les reponsables du PSE à la présidence de la réunion n’ont pas exprimé la moindre critique envers ce nouveau Docteur Folamour. L’allégeance envers l’Otan est incompatible avec toutes leurs propositions visant le désarmement nucléaire.
QU’EST-CE QUE LE MNA ? Les MNA ou Approches Nucléaires Multilatérales visent les parties les plus sensibles de la production du combustible nucléaire : l’enrichissement de l’uranium et le traitement des combustibles utilisés (transformation en plutonium). On peut diviser les propositions en trois groupes. Le premier groupe cherche le moyen de garantir un accès sûr du pays demandeur au combustible nucléaire grâce à un autres pays fournisseur, et sans contrôle multilatéral de propriété. Un exemple en est donné par la proposition de la Russie faite à l’Iran (en 2005) de lui fournir le combustible nucléaire en échange du renoncement à son propre programme d’enrichissement… Un autre type de propositions de MNA plaide pour que les capacités nationales existantes deviennent une propriété multilatérale. L’Autriche a proposé que toutes les capacités d’enrichissement et les usines de traitement soient sous le contrôle exclusif d’une organisation internationale à laquelle prendraient part tous les pays intéressés. La Russie a déjà instauré un consortium multinational dont font partie le Kazakhstan et l’Arménie… Une troisième approche consiste à proposer de construire des consortiums sous contrôle multilatéral pour construire de nouvelles capacités, surtout dans les régions où il n’existe pas de telles capacités d’enrichissement.En 2007, l’Iran a fait une offre pour que 6 Etats du Golfe plus l’Iran créent un consortium commun pour enrichir de l’uranium. En 2008, l’Argentine et le Brésil ont décidé d’établir en commun un Comité binational d’énergie nucléaire (COBEN) pour, entre autres, pouvoir agir ensemble sur le marché mondial de l’enrichissement d’uranium. Une condition essentielle pour que toutes ces propositions rencontrent du succès, c’est que les pays puissent croire réellement dans une gestion non discriminatoire et apolitique de ces propositions. Leur scepticisme à cet égard n’est pas injustifié…. Extrait de « Menaces de renaissance nucléaire » de Pieter Teirlinck |