Claudine Pôlet
5 octobre 2009
L’annonce du renoncement des Etats-Unis au bouclier antimissiles ne nous fait pas crier Victoire trop vite. C’est certainement une bonne nouvelle pour les militants de la paix qui se sont mobilisés contre l’installation du radar en Tchéquie ou des rampes de lancement en Pologne. Au moins, ils auront obtenu que leurs gouvernements respectifs ne signent pas impunément des accords avec les Etats-Unis, derrière leur dos et contre l’opinion majoritaire de la population. Ils ont contribué par leurs manifestations déterminées à créer des difficultés à la réalisation de ce dangereux projet hérité de l’ère Bush.
Mais la voix de sirène du président Obama n’est pas pour autant une voix de pacifiste. En même temps que le président nord-américain annonçait cet "abandon", ses représentants participaient aux réunions de l’Otan pour, selon les termes du nouveau secrétaire général, « développer une défense antimissiles qui puisse impliquer tous les Alliés et assurer la protection de tous ». Andreas Rasmussen, se réjouissait aussi du fait que « l’Otan soit appelée à jouer un rôle plus important dans les projets des États-Unis en ce qui concerne la défense antimissiles en Europe » et rappelait que « la prolifération des missiles constitue une menace croissante et que la défense antimissiles s’inscrit dans une réponse plus large à cette menace ». (Déclaration du 17 septembre 2009).
Andreas Rasmussen insiste : « Notre défense territoriale commence loin de nos propres frontières. Au 21e siècle, l’Otan doit assurer la sécurité de l’Europe et des Etats-Unis comme un tout… La prolifération des missiles, même loin de nos frontières, est une menace claire et croissante contre notre territoire et nos populations. Les mesures de non prolifération sont importantes mais insuffisantes. L’Iran nous le montre. Cela veut dire que nous devons aussi veiller au déploiement de missiles de défense…. La récente annonce du Président Obama à propos des missiles de défense est importante d’abord parce qu’il replace le projet de déploiement de missiles de défense dans un cadre réaliste, basé sur une technologie fiable, contre une menace visible; ensuite parce qu’il le situe solidement dans le contexte de l’Otan, avec une participation ouverte de tous les Alliés, et en vue de la protection de tous….nous devons affronter les défis du 21e siècle ensemble, en partageant les risques et les coûts… » (29 septembre 2009 Conseil Atlantique des USA)
Le projet de bouclier anti-missiles change de forme, mais les objectifs restent les mêmes : l’Iran est cité comme "menace visible", mais la Russie n’en reste pas moins "l’ennemi" principal. Les différents gouvernements de l’Otan divergent entre eux surtout pour ne pas devoir engager des dépenses militaires plus importantes. La crise financière et économique les fragilise face à la population, pour justifier des augmentations de frais militaires en même temps que des mesures d’austérité sur tous les services à la population.
Le déploiement des missiles nucléaires est aussi dangereux pour la paix s’il se fait à partir des navires ou à partir des rampes installées dans n’importe quel pays du nord au sud de l’Europe, autre que la Pologne ou la Tchéquie. D’autre part, Robert Gates , secrétaire américain à la Défense, promet (ou veut vendre ?) déjà de nouveaux missiles à ces deux pays pour 2015.
Pendant que Obama parle de désarmement nucléaire à l’ONU, le parlement US débat le budget nécessaire pour moderniser les bombes atomiques B-61, dont celles entreposées à Kleine Brogel. Donc ces armes nucléaires déclarées "obsolètes", reprendraient du service ??
En Belgique, la présence de 10 à 20 de ces bombes a la même fonction que le radar anti-missiles en Tchéquie ou les rampes de lancement en Pologne, que les centaines de bombes B61 entreposées dans 5 autres pays européens de l’Otan. Elles font partie de la stratégie nucléaire de l’Otan, et pas seulement d’un rapport de forces militaires USA-Russie. C’est bien pourquoi toute proposition de progrès vers le désarmement nucléaire général n’est qu’une parole creuse si elle n’est pas accompagnée par des mesures concrètes pour supprimer cette stratégie nucléaire de l’OTAN.
Nous devons soutenir toutes les initiatives qui vont à l’encontre de cette stratégie nucléaire de l’Otan : les bomspotting pour le retrait des bombes de Kleine Brogel, comme la proposition de loi de Philippe Mahoux pour l’interdiction de l’arme nucléaire, ou la demande des parlementaires belges au Congrès US de ne pas voter pour la modernisation des bombes B-61.