Pierre Piérart
1 avril 2001
Dans La Libre Belgique du 25 Avril 2001, le professeur danois Uffe Korsbech prend nettement position pour affirmer que l'uranium appauvri (UA) n'a strictement aucune relation de cause à effet avec les leucémies contractées par les militaires envoyés en mission au Kosovo.
En effet les perforateurs d'obus à UA ou leurs fragments ne présentent pas de danger s'ils sont manipulés pendant quelques secondes ou minutes.
Par contre on ne peut comparer les très faibles doses d'UA inhalé durant des années par des ouvriers travaillant dans la métallurgie de l'uranium avec des aérosols concentrés inhalés par des militaires et des civils durant et après les batailles de chars et d'avions A10.
Les usines métallurgiques de l'UA sont soumises à des règlements relativement stricts qui excluent des concentrations significatives de particules d'UA dans l'atmosphère des locaux occupés par les travailleurs ( ce qui n'empêche pas un risque proportionnel à la concentration en UA inhalé).
Une leucémie peut se déclarer déjà après moins de deux ans suite à l'exposition à un agent carcinogène. On peut le constater chez les Irakiens et les Américains qui ont séjour-nés dans les zones de combat pendant la guerre du golfe où 300 tonnes d'UA ont été dispersées sous forme de fines particules (10 tonnes au Kosovo et 3 tonnes en Bosnie).
Toute personne informée sur la question de l'UA doit savoir qu'un homme moyennement contaminé, selon la Commission Internationale de Protection Radiologique (ICPR, 1975), contient 90 microgrammes d'uranium ( 59 dans le squelette et 9 dans les reins ) et qu'il ingère journellement 1,9 microgramme à partir de son alimentation. Tout cancérologue admet que 2 à 3% des tumeurs peuvent provenir de la radioactivité dite naturelle ( y compris le radon, les examens radiologiques et l'uranium). Les personnes qui détiennent des doses plus élevées, suite à leur type d'environnement, sont nécessairement exposées à plus de risques et il est faux d'affirmer que celles qui en contiennent 100 fois plus n'en subissent aucune conséquence sur la santé. Les risques, que cela plaise ou non aux décideurs, sont proportionnels à la radioactivité ou à la concentration de l'élément toxique. La relation est valable pour des concentration infinitésimales et sur cette base les normes nationales et internationales sont très souvent des compromis et des aberrations.
Il en résulte que si une personne contient dix fois plus d'uranium naturel que la normale et en complément un peu d'UA elle sera exposée à plus de risque. La philosophie " Un peu plus de pollution ou un peu moins est sans importance" n'est plus de mise alors que les maladies environnementales soumises aux effets synergiques sont de plus en plus reconnues par le corps médical.De plus, il faut prendre en considération les susceptibilités génétiques qui fragilisent une fraction de la population aux agressions environnementales.
L'UA est une arme chimique (métal lourd), pyrophori-que, radiologique, non discriminatoire et environementale (pour des milliards d'années).
L'UA est de l'uranium quasi pur (100%); l'uranium naturel, même dans les filons les plus riches, atteint rarement 1 %, exceptionnellement 8% à Cigar Lake au Canada).
De toute façon le principe de précaution s'impose dans le cas de l'UA qui, vraisemblablement, est soumis à un effet synergique non seulement de l'uranium en tant que métal lourd mais aussi de la pollution en général.
Il faut dénoncer les souffrances inutiles et cruelles imposées aux militaires et aux civils durant la guerre de l'Irak et celle de Yougoslavie, mais aussi la logique de la violence systématique et impitoyable imposée par les Etats-Unis, l'OTAN et l'Union Européenne. Un moratoire sur les armes à UA est certainement la première phase à envisager en attendant que la société civile n'exige de la part de plus de 40 pays l'abolition pure et simple de ce type d'arme.