Pierre Piérart
5 avril 2010
Des nombreuses associations pacifistes se mobilisent en vue de la réunion concernant la révision du Traité de Non Prolifération (TNP) qui doit se tenir aux Nations Unies à New York du 3 au 28 mai de cette année. Les responsables politiques et les diplomates se concertent et certains ont pris des initiatives pour, semble-t-il, éviter une rencontre encore plus catastrophique que celle de 2005.
Jean-Luc Dehaene, ancien premier ministre, Guy Verhofstadt, également ancien premier ministre et actuellement eurodéputé chef de groupe libéral, Willy Claes, ancien ministre et secrétaire général de l’OTAN et Louis Michel, ancien ministre des Affaires étrangères et commissaire de l’Union européenne, ont déclaré que la Belgique, de concert avec l’Allemagne et la Hollande, allait demander le retrait des bombes nucléaires américaines d’Europe. D’autre part, Philippe Mahoux a déposé une proposition de loi visant à la dénucléarisation de la Belgique.
On peut s’interroger sur ces interventions tardives étant donné que la guerre froide s’est terminée il y a vingt ans. D’ailleurs ces propositions ne font pas l’unanimité. Certaines personnalités s’y opposent comme, par exemple, le président du Sénat qui clame à haute voix que si le territoire belge était débarrassé de ces engins monstrueux (dont la puissance représente plus d’une centaine d’Hiroshima) il faudrait le faire protéger par la force de frappe française. Monsieur Armand De Decker semble ignorer que le TNP et principalement ses articles 1 et 2, interdit le transfert d’armes nucléaires d’une puissance nucléaire à un pays non nucléaire. Il faut savoir que le TNP est un traité discriminatoire puisqu’il permet légalement à cinq États d’être des criminels de guerre en puissance.
En ce qui concerne les États-Unis, rappelons que le président Obama, dans son discours du Caire, a proclamé qu’il ne verrait probablement pas, au cours de sa vie, la disparition totale des armes nucléaires. Un tel « réalisme » ne présume rien de bon. Plus on attend plus la probabilité d’une catastrophe mondiale augmente.
Lors de leur dernier accord du 26 mars 2010 les États-Unis et la Russie ont proposé un nouveau traité pour remplacer le traité START, venu à expiration en décembre 2009. La signature de ce nouveau traité aura lieu à Prague le 8 avril et précédera le sommet sur la sécurité nucléaire qui doit se tenir à Washington, les 12 et 13 avril de cette année.
Deux obstacles principaux risquent de mettre cet accord en difficulté, à savoir, les projets de défense antimissiles américains en bordure de la frontière russe et l’opposition de plusieurs sénateurs américains qui veulent investir des milliards de dollars dans des nouvelles armes nucléaires en échange d’un oui pour ratifier l’exécution de ce nouveau traité qui, pour des raisons techniques et financières, devrait s’étaler sur sept ans.
En conclusion, les perspectives pour une convention de désarmement nucléaire total pour 2020 ne sont pas des plus favorables. Une mobilisation générale des nombreuses ONG luttant pour un désarmement nucléaire sera indispensable. Il faudra d’abord informer les responsables politiques et parfois même académiques, que le dogme de la dissuasion nucléaire est un mythe et ne peut conduire qu’à l’escalade de la militarisation.
Les défenseurs du désarmement nucléaire sont généralement considérés comme des utopistes, voire même comme des staliniens. Rappelons ici les cas célèbres de Robert Oppenheimer (à qui en 1954, le Comité de l’AEC-Atomic Energy Act- n’a pas voulu renouveler son habilitation d’appartenance, pour avoir refusé de travailler pour la mise au point de la bombe H), Joseph Rotblat qui a du quitter Los Alamos dès qu’il s’est insurgé contre l’emploi de la bombe atomique américaine contre les Japonais), Niels Bohr (pour lequel Churchill demandait l’emprisonnement parce qu’il voulait partager les connaissances nucléaires avec les Soviétiques), Andrei Sakharov (condamné à résider à Gorki pendant plusieurs années pour avoir souhaité que la bombe atomique ne soit jamais utilisée), Mordechai Vanunu (condamné à 18 ans de prison et interdit de quitter Israël pour avoir dévoilé l’existence d’une centaine de bombes nucléaires israéliennes), etc.
Il faut aussi dénoncer la nouvelle stratégie de l’OTAN et même de l’Union européenne, celle-ci étant liée au Traité de Lisbonne. Le secrétaire général de l’Alliance atlantique réclame régulièrement une augmentation des budgets militaires et défend l’installation d’armes antimissiles, soi-disant pour se protéger des menaces de l’Iran.
Une coordination étroite sera donc nécessaire entre les ONG pacifistes qui seront présentes au mois de mai à l’ONU à New York à l’occasion de la révision du TNP. Nous pensons à des manifestations, à une plate-forme commune en ce qui concerne les revendications pour le respect du TNP, au port du brassard ICAN, lancé par les Australiens et qui signifie « Campagne Internationale contre l’Armement Nucléaire », à une concertation entre les ONG en vue d’exiger un département renforcé au sein de l’AIEA pour remplir une de ses obligations qui consiste à faire respecter l’article 6 du TNP qui demande aux puissances nucléaires un désarmement nucléaire total de bonne foi et le plus rapidement possible.
Pour en terminer, dans l’hypothèse où la révision du TNP n’obtiendrait pas tous les résultats espérés, nous devrions exiger l’application de l’article 7 du TNP qui autorise des pays comme la Belgique, les Pays-Bas et l’Allemagne à déclarer leurs territoires « zone dénucléarisée » (Nuclear Weapons Free Zone).