Georges Berghezan
19 décembre 2010
Le 16 décembre, la Commission des questions juridiques de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a approuvé le rapport sur le « Traitement inhumain des personnes et trafic illicite d’organes humains au Kosovo », qu’il avait commandé, en 2008, au sénateur suisse Dick Marty, rendu célèbre par un précédent rapport, concernant les prisons secrètes de la CIA en Europe.
L’enquête du Conseil de l’Europe avait été diligentée après les révélations de Carla Del Ponte dans son livre, La Caccia, exposant l’enquête avortée du Tribunal de La Haye sur le trafic d’organes organisé par des dirigeants de l’Armée de libération du Kosovo (UCK) en 1999 et 2000. Les victimes, capturées ou kidnappées au Kosovo, étaient ensuite expédiées dans des centres de détention du nord de l’Albanie, où ils subissaient l’ablation de leurs organes vitaux, en particulier les reins, jusqu’à ce que mort s’ensuive. Les organes étaient ensuite revendus, transportés par avion et greffés sur de fortunés patients d’autres pays.
Le rapport de Dick Marty a non seulement confirmé et considérablement étayé les accusations de Del Ponte, mais identifié une faction de l’UCK, le « groupe de la Drenica », comme l’organisation mafieuse qui contrôlait ce sordide commerce, à côté d’autres trafics typiques du Kosovo de l’après-guerre (héroïne, armes, véhicules volés, prostituées, carburant et cigarettes). Et le « parrain » (pour utiliser la terminologie du rapport) du « groupe de la Drenica » n’est autre que Hashim Thaçi, Premier ministre en fonction du Kosovo, déclaré vainqueur des récentes élections, malgré de nombreuses allégations d’irrégularités. C’est le même Thaçi qui, en 1999, était promu par les Etats-Unis à la tête de la délégation kosovare, au détriment du non-violent Ibrahim Rugova, lors des négociations de Rambouillet, quelques semaines avant les bombardements sur la Serbie et le Kosovo, et qui s’emparait du pouvoir lors de l’arrivée des troupes de l’OTAN dans la province en juin de la même année.
Thaçi sous le charme de Madeleine Albright, Secrétaire d’Etat des Etats-Unis,
lors des négociations de Rambouillet, mars 1999.
Mais l’aspect le plus choquant du rapport est que, comme l’a déclaré Marty, « tout le monde savait », que « ces événements étaient connus de nombreux services de renseignement de nombreux pays », qu’on s’est tu et qu’on a laissé faire. Il s’agissait de ménager un allié et d’acheter sa bienveillance envers les nouveaux maîtres du Kosovo, forces de l’OTAN et mission l’ONU. Un deal « stabilité contre impunité », conclu avec un des groupes les plus sanguinaires des Balkans.
Ayant déjà contribué à « briser le silence » lors du voyage d’étude qu’il organisa en 2004 au Kosovo, le CSO se réjouit de la publication de ce rapport et espère qu’il permettra d’enfin sortir de l’oubli les victimes « politiquement incorrectes » de ce conflit, « des gens pour la mémoire desquels trop peu de voix se sont élevées », comme le reconnaît Del Ponte dans La Caccia. En outre, le rapport de Marty éclaire de manière crue les exactions commises par une milice mafieuse devenue l’allié privilégié de l’OTAN, de la Mission de l’ONU et de nombreux gouvernements occidentaux. La complicité active de ces derniers avec l’UCK devrait non seulement être exposée et dénoncée, mais aussi donner lieu à des procédures devant les organes de la justice internationale.
Pour toutes ces raisons, le CSO a pris l’initiative de publier sur son site le rapport de Dick Marty et il invite chacun à en faire la lecture et à en assurer la diffusion.