Claudine Pôlet et Carla Goffi
1 octobre 2011
Le Parc Hibakusha de l’Université de Mons, qui a été créé à l’initiative de Pierre Piérart. est un lieu de commémoration de la tragédie de Hiroshima et de Nagasaki. Et aussi un moment de réflexion, d’échanges d’idées, de recherche d’actions pour le désarmement nucléaire mondial et l’abolition des guerres. Cette année a vu la confirmation de la continuité de cet objectif, un an après la mort de Pierre Piérart. Une convention a été signée pour perpétuer le Parc Hibakusha dans cette fonction, entre l’Université de Mons (Umons), le Centre d’Ecologie Appliquée du Hainaut (CEAH), l’Association des Médecins pour la Prévention de la Guerre Nucléaire (AMPGN), le Comité de Surveillance de l’Otan (CSO) et la Coordination Nationale d’Action pour la Paix et la Démocratie (CNAPD), dont Pierre Piérart était membre et responsable à divers titres.
La commémoration a rassemblé une cinquantaine de personnes, la plupart représentant des associations de paix et/ou anti-nucléaire, tant flamandes que francophones. La cérémonie s’est terminée par un dépôt de fleurs et une minute de silence devant la stèle à la mémoire des victimes des bombardements nucléaires de Hiroshima et de Nagasaki et des essais nucléaires.
L’après-midi était consacrée à une conférence-débat sur le thème « Le désarmement nucléaire ce n’est pas pour demain – Dangers du nucléaire militaire et civil – Propositions d’actions ».
Philippe de Salle, président de l’AMPGN, a expliqué les aspects médicaux observés lors des explosions, des dysfonctionnements, des essais nucléaires, tant civils que militaires. Brûlures, blessures, contusions, cancers pouvant apparaître 20 à 30 ans après l’exposition. Il souligne également la faiblesse des moyens mis en œuvre pour étudier, et assurer les soins des populations en cas d’explosion, alors que les risques du nucléaire civil et l’éventualité de l’utilisation d’armes atomiques sont plus actuels que jamais dans notre monde en crise.
Henri Firket, ancien président de l’AMPGN, analyse et dénonce le coût exorbitant des armes nucléaires et le poids des dépenses d’armement en pleine crise économique mondiale. Tout le monde est d’accord sur les effets destructeurs de l’arme nucléaire, mais il semble impossible d’obtenir une résolution de l’ONU pour leur élimination. La petite flamme allumée par Obama à son élection s’est vite éteinte. Le cout élevé de la recherche et fabrication de ces armes, nécessite la baisse d’autres budgets comme celui de la santé, de l’éducation, etc.. Dans un pays comme les Etats-Unis, l’industrie militaire est même le principal moteur de l’économie. Beaucoup croient en Europe occidentale qu’on est loin de la guerre, mais il faut se rendre compte que les armes essentielles finissent toujours par être utilisées. Le danger de la guerre nucléaire est toujours vivace.
Georges Spriet, de VREDE, montre que l’OTAN met encore à l’avant-plan une stratégie nucléaire. Celle-ci se retrouve dans le « nouveau concept stratégique » adopté lors du dernier sommet de Lisbonne. On suit toujours ‘la stratégie de la première frappe’ qui préconise l’attaque et destruction quasi-totale de « l’ennemi » et, en cas de riposte de celui-ci, le recours au ‘bouclier‘ ,qui est présenté comme une arme de défense. La Russie reste l’ennemi potentiel… Néanmoins, au sein de l’Otan, l’Allemagne demande le départ des armes nucléaires stockées en Europe. La Belgique a formulé timidement la même demande. Mais rien n’est fait pour autant et les 10 à 20 bombes nucléaires se trouvent toujours à Kleine Brogel. Les bombes B 61 pourraient être « modernisées » au lieu d’être démantelées, afin de pouvoir être placées dans des bombardiers à plus longue distance que les actuels F-16. La notion, chère a l’OTAN, de différence entre bombes tactiques (à courte portée) et bombes stratégiques (à longue portée) sera caduque, avec les risques qu’on devine. Nous devons donc nous prononcer contre cette ‘modernisation’ et le remplacement des avions F 16 et, au contraire, exiger une Zone Européenne ‘nuclear free’.
Michel Wautelet, professeur de l’Université de Mons, donne un « cours de terrorisme nucléaire ». Une attaque terroriste nucléaire, dont Obama se dit préoccupé, est-elle possible, ou sommes-nous dans le domaine du pur fantasme ?
La bombe A, pour exploser, nécessite un litre de matière atomique (uranium) et quelques 300 a 400 professionnels pour la fabrication. Où trouver tout cela sinon dans les livres de science fiction ou dans un film de James Bond ?
La bombe à plutonium (implosion) a besoin d’uranium enrichi . Où le trouver et comment la fabriquer ?
La bombe a hydrogène nécessite aussi une équipe de haut niveau. Où la trouver ?
La bombe sale : cobalt, césium, strontium… irréalisable.
La seule attaque réalisable reste celle d’un avion s’écrasant sur une centrale nucléaire civile. Il faudrait néanmoins disposer d’un avion de grosse portée.
Comment prévenir et éviter pareille attaque? Militariser la protection des centrales civiles actuelles…. Cette perspective ne semble pas réaliste.
Le débat a porté en particulier sur le lien à faire ou non entre nucléaire civil et nucléaire militaire.
Certains considèrent que la lutte contre l’armement nucléaire passe au second plan et ne peut aboutir sans l’interdiction totale du nucléaire comme source d’énergie à usage « civil ». D’autres pensent que le problème du nucléaire civil est à envisager à échelle mondiale et que tous les pays ne sont pas en mesure de s’en passer, alors que les grandes puissances nucléaires militaires refusent de désarmer tant qu’il existe une possibilité pour un autre pays de développer l’industrie nucléaire, même civile. La question n’est certes pas tranchée !
En conclusion, la volonté de ceux qui ont pris part à cette journée, est de poursuivre la réflexion et l’action et de contribuer à la pérennité du Parc Hibakusha pour servir cette cause.