Stephen Gowans
16 novembre 2011
Le New York Times a publié un article aujourd'hui (16/11) sur les plans de Washington visant à renforcer sa présence militaire en Australie. L'Australie doit être utilisée par l'armée étatsunienne « comme un nouveau centre d'opérations en Asie » à partir duquel les États-Unis chercheront « à se réaffirmer dans la région et affronter l'ascension de la Chine. »
Le problème pour les planificateurs de la politique à Washington est que « la Chine est devenue le premier partenaire commercial de la plupart des pays de la région, sapant l'influence économique étatsunienne. » Et ainsi les États-Unis renforceront leur présence dans le Pacifique pour prouver qu'« ils ont l'intention de rester une puissance militaire et économique cruciale » en Asie.
Dans un langage simple, cela signifie que la Chine a assuré des opportunités d'exportation et d'investissement dans sa propre "arrière-cour", et que les entreprises, les banques et les investisseurs étatsuniens les veulent pour eux-mêmes. Ainsi Washington veut utiliser sa puissance militaire pour garder éloigné d'eux les Chinois.
Pour des raisons évidentes, la Chine pense que ça sent le vieil impérialisme de la canonnière.
De manière pas tellement surprenante, le titre de l'article de Ian Johnson et Jackie Calmes annonçant le plan de Washington pour bouter la Chine hors de la primauté économique dans la région, donne un tour chauvin à l'histoire : « Lorsque les États-Unis regardent vers l'Asie, ils voient la Chine partout. »
Imaginez la Chine établissant des bases militaires au Venezuela et envoyant des porte-avions dans le Golfe du Mexique en vue de se "réaffirmer dans la région". Combien étrange paraitrait une manchette de journal où l'on pouvait lire « Lorsque la Chine regarde vers le Golfe du Mexique, elle voit les États-Unis partout », comme si cela était une découverte inattendue.
Le titre du New York Times aurait pu être plus judicieusement tourné de cette façon: Lorsque la Chine jette un coup d'œil dans son voisinage, elle voit l'armée américaine partout. Mais cela aurait alors rendu l'impérialisme US inconfortablement évident.
Un autre article du New York Times d'aujourd'hui (par Nada Bakri et Rick Gladstone), « La Syrie face à de nouvelles menaces, alors que l'opposition cherche des alliés », mérite également quelques commentaires. Leur article utilise « un groupe de défense des droits de l'homme, l'Observatoire Syrien pour les Droits de l'Homme » comme source pour le nombre de personnes tuées dans des affrontements récents avec les forces gouvernementales syriennes.
On pourrait avoir l'impression que cet Observatoire Syrien pour les Droits de l'Homme est un observateur humanitaire neutre sans agenda politique. Après tout, Bakri et Gladstone se référent à lui comme à « un groupe de défense des droits de l'homme », et rien de plus.
Si c'était un groupe d'opposition cherchant à renverser le gouvernement syrien nous pourrions réfléchir à deux fois avant de lui faire confiance comme source d'information impartiale.
Eh bien, réfléchissez à deux fois.
Un communiqué publié sur le site du groupe le 15 novembre 2011, établit clairement qu'il est plus que simplement "un groupe de défense des droits de l'homme". Dans ce communiqué, le groupe appelle à une zone d'exclusion aérienne sur la Syrie, « conformément à son devoir et engagement de faire écho à la voix de la Révolution Populaire syrienne. »
L'Observatoire ne fait pas mystère de la raison pour laquelle il veut que « la Communauté Internationale » (c'est à dire, l'OTAN) lance des bombes sur les installations militaires syriennes et les partisans d'Assad : « Hâter le renversement du régime brutal en Syrie. »
Entretemps, le Conseil de Coopération du Golfe, le groupe des autocraties pétrolières alliées des USA qui était déjà intervenu comme fournisseurs d'armes et de propagande pour les rebelles libyens, a joué un rôle clé en poussant la Ligue Arabe à suspendre la Syrie.
Le Conseil est également devenu une clé dans les plans de Washington pour continuer à dominer le Golfe Persique, même si -ou plus précisément parce que- les troupes étatsuniennes ont été retirées d'Irak.
Le secrétaire à la Défense US Leon Panetta et le président des chefs d'état-major ont déclaré tous deux que les États-Unis vont « maintenir une forte présence militaire dans la région, en partie comme contrepoids à l'Iran. » L'armée étatsunienne va s'appuyer sur « les six nations du Conseil de Coopération du Golfe - l'Arabie saoudite, le Koweït, Bahreïn, le Qatar, les Émirats Arabes Unis et Oman. Alors que les États-Unis ont d'étroites relations militaires bilatérales avec chacun de ces pays, l'administration et l'armée tentent de favoriser une nouvelle "architecture de sécurité" pour le Golfe Persique qui intégrerait les patrouilles aériennes et navales et la défense antimissile. »
Ce n'est pas seulement la Chine qui est cernée par l'armée américaine. Lorsque l'Iran regarde autour dans son voisinage, il voit lui aussi les États-Unis partout.