Claudine Pôlet
29 décembre 2011
Le Tandis que le gouvernement belge déclarait bien fort que les forces armées belges quitteront l’Afghanistan en 2014, des représentants du même gouvernement participaient au début décembre 2011, à la « Conférence de Bonn » qui a dessiné le plan pour rester en Afghanistan, au moins dix ans de plus. Ce plan devrait être approuvé lors du prochain Sommet de l’Otan à Chicago en mars 2012. Cette conférence s’est appelée Petersberg II, en référence à celle qui s’était tenue en 2001 au même endroit pour imposer Karzai comme chef du gouvernement après le renversement des Talibans et l’occupation de l’Afghanistan par les Etats-Unis.
« Petersberg II » réunissait
L’ONU est présentée comme une « organisation internationale » parmi d’autres, alors que c’est elle qui devrait être au centre des décisions concernant la fin ou la poursuite de la guerre en Afghanistan. L’Otan est aussi présentée comme une « organisation internationale » parmi d’autres, alors que dans la réalité de la guerre, c’est elle qui commande les énormes forces militaires internationales engagées en Afghanistan.
Les 1.000 délégués présents à Bonn ont ainsi conclu un nouveau pacte, baptisé « Partenariat Historique : ce partenariat renouvelé entre l’Afghanistan et la Communauté Internationale comprend de fermes engagements mutuels dans le domaine de la gouvernance, sécurité, processus de paix, développement économique et social et coopération régionale ».
Le document final porte le titre : « L’Afghanistan et la Communauté Internationale : de la Transition à la Décade de la Transformation ».
Les points les plus importants sont :
Cette Conférence de Bonn n’avait donc rien d’anodin.
Les 140.000 militaires sous commandement Otan et états-unien se retireront progressivement, mais ce ne sera pas sans laisser des forces très importantes sur place : on ne connaît pas le nombre de bases en train de se construire et de se renforcer, elles font l’objet d’accords secrets avec le gouvernement de Karzai. L’encadrement par l’Otan de la pléthorique armée afghane – on cite le chiffre de 400.000 militaires - restera massif. Les milices de sécurité privées , surtout US, se comptent par dizaines de milliers. La dite « communauté internationale » continuera à financer et à fournir les capacités militaires afghanes pendant au moins dix ans après 2014.
Mais elle se « remboursera» très largement grâce aux diktats économiques qui seront imposés à la population afghane : tout en déclarant le droit de l’Afghanistan à sa souveraineté et à son indépendance, elle décide que l’économie de marché sera la règle, que le secteur privé sera le roi, et que les multinationales se verront dérouler un tapis rouge pour exploiter un secteur minier très prometteur et contrôler le transport du gaz et les voies de passage commerciales, sans oublier que le secteur agricole devra s’orienter vers l’exportation et pas vers la satisfaction des besoins alimentaires de la population afghane.
Mais le plus significatif, c’est le constat fait par la Conférence de Bonn que « la menace principale pour la sécurité et la stabilité de l’Afghanistan reste le terrorisme et l’extrémisme, et que celui-ci met en danger la paix tant régionale que globale ». Des représentants de l’État-major de l’Otan à la conférence ont même considéré comme un grand succès le fait, qu’après 10 ans de guerre et d’occupation militaire de l’Afghanistan, « un quart de la population peut se sentir en sécurité ».
Le Pakistan a d’ailleurs refusé de venir à Bonn. A la veille de la Conférence, une attaque aérienne de l’Otan a tué 23 militaires pakistanais, en territoire pakistanais et en sachant bien que les cibles n’étaient pas des « terroristes talibans ». Des F-16 belges auraient participé à ce raid meurtrier, comme le dénonçait l’ambassadeur du Pakistan à Bruxelles.
Où est la stratégie de sortie ? En affirmant que « le terrorisme » reste une menace essentielle, tant régionale que globale, l’Otan s’arroge le droit de rester massivement en Afghanistan après 2014 et, en outre, d’agresser le Pakistan voisin. Il s’agit vraiment d’un faux départ. L’ISAF ne va pas se « dissoudre », mais changer d’étiquette comme cela s’est déjà fait en Yougoslavie. L’Otan ne va pas se retirer, mais instaurer un nouveau partenariat avec le gouvernement de Karzai ou un successeur présentant des mains plus propres.
L’Otan continue à étendre ses tentacules dans toute cette région de l’Asie pour, entre autres, menacer l’Iran et encercler la Chine et la Russie. Et même si certaines troupes, comme annoncé par la France, l’Allemagne et aussi la Belgique, pourraient se retirer de certaines opérations de combat, nos gouvernements continuent à participer globalement à cette politique de guerre de l’Otan !