Russie-Syrie : Les enjeux

Jean-Marie Chauvier
30 mars 2012

Quelques remarques préalables. Je ne suis pas ici pour défendre la politique du régime syrien ni le soutien russe à ce régime dictatorial, pas plus que pour apprécier les régimes rétrogrades et répressifs que soutient le « camp occidental ». Dans tous ces pays, les aspirations à la justice sociale et à la démocratie réelle animent de vastes soulèvements populaires, auxquels s'agrègent des intervenants extérieurs aux mobiles différents. Nous savons que ce qui se joue en Syrie n'est pas la lutte «  entre démocratie et dictature  » mais une guerre mondiale, remodelant les rapports de force dans tout un « arc de crise », qui va de l'Afrique du Nord à la Chine, en passant par l'Asie centrale et la Russie. Mon propos est d'éclairer la politique du Kremlin dans cette crise très complexe. D'emblée, je remarque l'abîme entre les informations disponibles et le discours convenu, répétitif et quasi-officiel des médias occidentaux. La presse russe tant décriée pour son inféodation au Kremlin – ce qui est exact pour les grands médias audiovisuels– est au moins plus variée. Nous sommes réduits ici à une vision binaire selon laquelle le régime syrien réprime atrocement un soulèvement populaire, ce qui est une part de la réalité. Les médias russes reprennent parfois cette version des faits mais en exposent d'autres, faisant état d'actions menées par des groupes armés qu'encadreraient des militaires français (dont certains seraient déguisés en journalistes) turcs, qataris, saoudiens et autres. Mais comment vérifier ? Les recoupements sont difficiles, et les sources internet infestées par les virus de la guerre psychologique menée par les divers acteurs. Mais que fait la Russie dans cette galère ?

Vingt années sans URSS : le grand basculement

« Vingt années sans URSS » - c'est de ce lieu-temps là que je parle - ont signifié pour l'ex-Union et la Russie de profondes transformations économiques, sociales, géopolitiques et culturelles. L'ignorer – comme c'est notamment le cas dans les milieux de gauche qui ont « tourné la page » il y a vingt ans- peut entraîner des jugements anachroniques, tel qu'attendre encore de la Russie des comportements « idéologiques » qui ne sont plus de saison. Par exemple, à la différence de l'URSS, qui soutenait les révolutions nationalistes et anti-impérialistes arabes, dans les années 1950-60, l'actuelle Russie, devenue une puissance « normale », défend plus prosaïquement des intérêts, qui peuvent très rapidement varier. Le soutien (conditionnel) au régime syrien n'est donc que très accessoirement un legs historique. On pourrait dire que, dans le monde arabe comme ailleurs «  la Russie n'a plus d'amis, mais seulement des intérêts  ». Et on le voit d'abord au sein de l'ex-URSS, où le «  peuple frère  » d'Ukraine est traité sans ménagement comme un client de « Gazprom ». Si rapprochement il peut encore y avoir, et même reconstitution d'un ensemble Russie-Belarus-Kazakhstan-Ukraine, voire plus, ce serait en tant que « Marché » commun.

Deux décennies se sont écoulées, marquées par les privatisations, le démantèlement du secteur social, l'explosion des libertés marchandes, l'occidentalisation des mentalités urbaines, le règne d'une classe possédante oligarchique et clanique. La première décennie, sous Boris Eltsine, a été celle d'un grand effondrement et d'un écartèlement social et régional du pays. La deuxième, sous Vladimir Poutine (et son adjoint Dmitri Medvedev ), a été marquée par la recentralisation (verticale du pouvoir), un redressement économique qui a permis la formation d'une « classe moyenne » aisée (environ 15 à 20% de la population), surtout grâce aux revenus des exportations de gaz et de pétrole, mais non par la renaissance espérée des industries, de la recherche et de l'éducation ou de la santé publique. Tel est le contexte – autoritaire et de redéploiement fragile– au sein duquel se conçoit la politique extérieure de la Fédération de Russie. Celle-ci joue le rôle d'une puissance régionale eurasienne, très affaiblie quoique dotée du plus puissant arsenal nucléaire mondial après les Etats-Unis- isolée politiquement, encerclée par des pays (ex-« Europe de l'Est », Azerbaïdjan, Géorgie) plus ou moins hostiles depuis qu'ils ont posé leurs candidatures ou adhéré à l'OTAN ou-et à l'Union Européenne. La politique extérieure russe fut orientée, de 1990 à 1996, par Andrei Kozyrev, dans un sens très pro-occidental puis, de 1996 à 1999, par Evguenyi Primakov, adepte d'un recentrage euro-asiatique incluant les pays arabes qu'il connaissait bien. Son projet aurait consisté à nouer une alliance entre les mondes russe, chinois, indien et musulman faisant contrepoids au bloc atlantiste. L'agenda de la « réalpolitik » impose, lui, de répondre aux urgences à court terme : l'une est la poussée islamiste au Nord-Caucase, porteuse de tensions avec le monde musulman, l'autre est la stratégie d'expansion de l'OTAN qui a entraîné la Géorgie de Michaël Saakachvili par le biais de la « révolution des roses » en 2003 et l'Ukraine de Viktor Iouchtchenko et Ioulia Timochenko via la « révolution orange » au pouvoir de 2004 à 2010. Mise au défi, la Russie a retrouvé en Ukraine en 2010 un président russophone et plus conciliant, Viktor Ianoukovitch , et « puni » la Géorgie en août 2008, répliquant à une attaque militaire par une contre-offensive d'envergure et la reconnaissance des indépendances des deux territoires séparatistes d'Abkhazie et d' Ossétie du Sud, ce qui équivalait à l'éclatement de la Géorgie. Une ère de violation du Droit international inaugurée par le démantèlement de la Yougoslavie et la sécession du Kosovo.

Du « Grand Moyen-Orient » aux « Balkans eurasiens ».

La Russie est la cible d'une politique de refoulement de la part des Etats-Unis, spécialement dans toute la zone méridionale de l'ex-URSS (de l'Ukraine à l'Asie centrale en passant par le Caucase) que le stratège Zbiegniew Brzezinski désigne comme les « Balkans eurasiens », eux-mêmes partie intégrante des « Balkans mondiaux » (allant des Balkans proprement dits au Pakistan en passant par tout le Proche-Orient). ( Pour mémoire, la métaphore des « Balkans » évoque des états fragiles et exposés aux ingérences extérieures, où se joue la bataille pour l'hégémonie mondiale.) En l'occurrence, les principaux enjeux sont ici les réserves et les transports d'hydrocarbures du golfe arabo-persique, de la Caspienne et de la Sibérie occidentale. La première offensive étatsunienne contre les intérêts russes dans le bassin de la mer Caspienne a été, dès le milieu des années 90, la mise en chantier de l'oléoduc BTC (Bakou-Tbilisi-Ceyhan) qui, de l'Azerbaidjan « puits de pétrole » caspien à la Turquie en passant par la Géorgie, détournait des réseaux ex-soviétiques une part des hydrocarbures de la Caspienne, une autre part devant être transportée sous la Caspienne ou encore par le gazoduc devant aller du Turkmenistan au Pakistan via l'Afghanistan- un projet négocié par les Etats-Unis avec les Talibans jusqu'à la veille du 11 septembre 2001 . Ce projet reste sans doute l'un des enjeux de la maîtrise de l'Afghanistan, outre l'accès qu'elle permettrait aux ressources d'autres pays ex-soviétiques d'Asie centrale et du Kazakhstan. La deuxième offensive, ratée, de Washington, aurait été la tentative de mainmise d'Exxon-Mobil (via les groupes russes Youkos et Sibneft) sur les pétroles sibériens. Poutine l'a brutalement bloquée en 2003, à la veille de la guerre en Irak, ce qui explique bien des hostilités à son égard, tant en Occident qu'au sein des milieux d'affaires et des oppositions en Russie. Tout cela montre bien l'interconnexion entre ce que Washington appelle le «  réaménagement du grand Moyen-Orient  » et ce qu'ils nomment « l'expansion de la Démocratie » en Eurasie, soit dans l'ancienne Union soviétique et en Chine.

Face à une alliance américano-islamiste ?

Contrairement au discours sur le « clash des civilisations », il existe, entre les pétromonarchies très « intégristes » du Golfe et le bloc occidental des convergences d'intérêts stratégiques. Ces convergences avaient déjà été mises à profit dans les années 50-60 du 20 ème s, par les Etats-Unis et Israël, pour combattre le panarabisme laïc, et dans les années 80, pour tenir en échec l'intervention soviétique en Afghanistan. Les attentats du 11 septembre 2001 et la montée de l'islamisme ont constitué l'effet boomerang de cette politique, qu'entrave également l'obstination d'Israël à détruire l'autonomie palestinienne. Mais toute puissance entretient plusieurs fers au feu. Le président de l'Institut du Proche Orient à Moscou, Evguenyi Satanovski, voit à l'horizon une menace globale pour la Russie : l'alliance d'Obama avec les Saoudiens contre la Syrie serait l'indice que se forme une nouvelle alliance entre les Etats-Unis, l'Europe et l' islamisme – selon le schéma privilégié de longue date par Brzezinski.

Une nouvelle alliance américano-islamiste impliquerait néanmoins, selon Brzezinski, le refus de toute guerre contre l'Iran et, partant, la mise au pas de l'allié israélien, source de tensions croissantes avec le monde musulman, d'autant que les « révolutions arabes » portent au pouvoir des gouvernements islamistes dits « modérés ». La Russie est forcément « refoulée » de cette nouvelle conjoncture, où les régimes nationalistes laïcs, ses anciens alliés, de l'Irak à la Syrie, tombent les uns après les autres. Sans oublier l'affaiblissement de l'Organisation de Libération de la Palestine et, partant, du rôle des Russes dans le règlement du conflit israélo-palestinien.

Syrie : « les six raisons du Kremlin ».

Le grand commentateur Maxime Ioussine, dans le quotidien libéral des milieux d'affaires «  Kommersant » explicitait en février les principales raisons du soutien russe à la Syrie : l'alliance, le commerce, la base navale de Tartus, la crainte des islamistes, le précédent libyen, les propres soucis intérieurs de Vladimir Poutine. «  Les experts que nous avons interrogés, explique Ioussine , énumèrent les six principales raisons pour lesquelles le Kremlin, qui avait accepté de ne pas s'opposer à la résolution de l'ONU sur la Libye, se montre cette fois aussi obstiné, et semble prêt à faire du maintien de Bachar El-Assad un casus belli avec l'Occident. 

 1. La Syrie est l'un des alliés essentiels de la Russie dans le monde arabe. Si, à un moment critique, Moscou se détournait de Damas, ses autres partenaires auraient le sentiment que le Kremlin n'est pas fiable. 

 2. Damas est important pour Moscou sur le plan commercial. Le montant des contrats d'armement passés entre eux ces dernières années est évalué à 4 milliards de dollars. Durant la seule année 2010, la Syrie a acquis pour 700 millions de dollars d'armes russes. Récemment, Moscou a donné son accord à la vente de 36 Yak-130, appareils militaires d'entraînement, pour un total de 550 millions de dollars. Le volume global des investissements russes dans l'économie syrienne avoisine les 20 milliards : actuellement, la construction d'une raffinerie de gaz, réalisée par la compagnie Stroïtransgaz, est notamment en cours. Si les adversaires de Bachar El-Assad arrivaient au pouvoir, rien ne les empêcherait de mettre fin à la coopération avec Moscou. 

 3. La Russie s'inquiète du devenir de la base de ravitaillement et de maintenance de sa marine dans le port de Tartous [au nord de la Syrie]. A ce jour, ce site militaire est le seul dont la Russie dispose hors de l'ex-URSS. 

 4. La Russie redoute l'actuelle intransigeance de l'opposition syrienne, dont les chefs lorgnent du côté des monarchies du Golfe, de la Turquie, de l'Occident, mais aucunement vers Moscou. En outre, les islamistes, en premier lieu les Frères musulmans, ont une forte influence parmi les opposants, et leur arrivée au pouvoir dans une Syrie où vivent de nombreux chrétiens et chiites constituerait une division du pays suivant des lignes de faille religieuses et une menace d'éclatement. 

 5. Les responsables russes n'ont aucune confiance dans les promesses des Occidentaux lorsque ceux-ci certifient qu'une résolution de l'ONU ne doit pas être considérée comme une étape sur la voie d'une intervention militaire en Syrie. Moscou considère que les Etats-Unis et l'UE jouent sur les mots et rappelle le précédent libyen : l'Otan a commencé à bombarder les troupes de Kadhafi quelques jours seulement après l'adoption de la résolution 1973 par le Conseil de sécurité de l'ONU, en mars 2011. 

 6. Les spécialistes soulignent enfin le rôle que joue le calendrier politique intérieur russe. A un mois de l'élection présidentielle, on voit mal Vladimir Poutine choisissant de passer aux yeux de ses électeurs et de ses opposants pour un faible qui cède aux pressions de l'Occident et abandonne un allié de longue date. En Russie, on n'a toujours pas digéré la décision de s'abstenir lors du vote de la résolution 1973, et de faciliter ainsi le renversement de Kadhafi. Le Kremlin se refuse à voir Bachar El-Assad partager le sort du dictateur libyen, du moins jusqu'à l'élection du 4 mars.  »

L'article était publié avant les élections qui ont porté Poutine à la présidence, et en plein mouvement de contestation des fraudes aux législatives du 4 décembre 2011 et, en général, du régime poutinien que la dite « révolution blanche » (ou « orange ») espère faire tomber. «  La Russie sans Poutine  », tel est le cri de ralliement d'oppositions disparates, allant des libéraux aux communistes et à la gauche radicale, en passant par les néofascistes et les nationaux-bolchéviks. Or, cette contestation citoyenne, qui se réclame parfois de l'exemple arabe, est également « aidée » par les Etats-Unis, qui entretiennent sur tout le territoire de l'ex-URSS un réseau tentaculaire d'ONG financées par une kyrielle de « foundations ».

Menaces sur l'Iran, le Caucase et la Caspienne

A toutes ces raisons, Fedor Loukianov, rédacteur en chef de « Russia in Global Affairs » ajoute les menaces qu'une intervention en Syrie feraient peser sur l'Iran et le Caucase. «  Le danger que ces changements (dans le monde arabe en général) font courir à la Russie est lié à une islamisation du Nord Caucase. Le conflit tchétchène a mis en évidence le soutien fourni par des pays comme l'Arabie saoudite ou le Qatar à la république séparatiste, soutien qui a provoqué une forte détérioration des relations de ces États avec la Russie. Mais l'enjeu n'est pas là. Pour de nombreux observateurs, les événements qui se déroulent aujourd'hui en Syrie ne sont qu'un prélude à ce qui va se passer en Iran. Allié de Téhéran, le régime de Bachar el-Assad relaie l'influence de l'Iran au sein du monde arabe. Ceux qui soutiennent les rebelles syriens (l'Arabie saoudite, le Qatar et d'autres) espèrent utiliser la rébellion pour affaiblir l'influence acquise par l'Iran après la chute du régime de Saddam Hussein. Et, pour revenir à la Russie, une grave déstabilisation de l'Iran pourrait entraîner une déstabilisation du Caucase Sud et une rupture de l'équilibre au Nagorny Karabakh.  » Une guerre en Iran aurait forcément des conséquences dans les pays voisins d'Arménie et d'Azerbaïdjan, dont l'une est en bons termes avec l'Iran tandis que le second pourrait servir de base aux opérations militaires américaines. Dans « Vzgliad », une revue en ligne de milieux d'affaires, l'analyste Alexandre Razubaiev, met en rapport les risques de la déstabilisation politique (par la contestation anti-Poutine), de la crise en Europe (baisse des commandes de gaz russe) et de l'attaque israélo-américaine contre l'Iran. «  Si les Etats-Unis occupent l'Iran et atteignent la Caspienne, la Chine et la Russie ne resteront pas indifférentes  » .

Léonid Kalachnikov, premier vice-président du Comité des Affaires Extérieures de la Douma, estime que lors de la discussion au Conseil de sécurité (où la Chine et la Russie opposèrent leur veto à la résolution du 4 février 2012 ), il ne s'agissait pas de « soutenir le régime syrien » mais d'exiger que soient désengagés des combats en Syrie non seulement l'armée syrienne mais tous les groupes qui y guerroient avec des soutiens extérieurs. C'est le refus occidental d'accepter ce « désarmement général » qui aurait entraîné le veto russe sur la Syrie. Le refus, et l'évidence aux yeux de Moscou qu'une intervention militaire se prépare sous couvert de « couloirs humanitaires ».

Le tournant du 21 mars à l'ONU et la position du BRICS.

La diplomatie (notamment russe) a marqué à la mi-mars quelques points par rapport au scénario interventionniste, qui s'avère risqué et difficilement praticable.

Le 21 mars, le Conseil de sécurité de l'Onu a adopté une déclaration "soutenant pleinement" les propositions de solution négociée par Kofi Annan. Sa mission a été soutenue par les membres du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) Leur déclaration adoptée à Delhi le 28 mars dit notamment : 

" Nous sommes profondément inquiets par la situation actuelle en Syrie et appelons à mettre d'urgence fin à toute violence ainsi qu'aux violations des droits de l'homme dans ce pays (…)

"Notre objectif consiste à favoriser le processus politique intérieur mené par les Syriens et nous saluons les efforts conjoints effectués en ce sens par les Nations unies et la Ligue arabe" Et d'en appeler " le gouvernement syrien et toutes les strates de la société à faire preuve de volonté politique afin d'entamer un processus indispensable pour l'instauration de la paix ".

Ce fragile recul des positions bellicistes semble conforter les choix obstinés du Kremlin, sans que l'on puisse préjuger de ce qui se passera sur le terrain.

Si les milieux patriotiques et nationalistes russes plus ou moins proches du président Poutine, de même que ses opposants communistes, appuient une solution négociée de la crise syrienne, cette politique est dénoncée par l'opposition libérale. L'ancien vice-premier ministre (eltsinien) Boris Nemtsov, l'un des leaders de la contestation de décembre-février à Moscou, estime que les positions de la Russie « contre le monde arabe » sont catastrophiques (pour les intérêts russes). Le jugement de Nemtsov est en partie pertinent. Il est un fait que ces intérêts, déjà fort malmenés en Libye, d'où firmes et coopérants russes ont été chassés, seraient désservis avec la chute, à Damas, du dernier allié de Moscou dans le monde arabe. Pour le Kremlin, c'est précisément l'un des objectifs des Etats-Unis dans la région : chasser la Russie. Mais pour les opposants, c'est plutôt la « vague démocratique » arabe qui fait contagion en ex-URSS et que redoute Vladimir Poutine.

«  Il a d'abord eu (la chute de) Kadhafi puis de Moubarak, précise Boris Nemtsov, maintenant c'est Assad, et le suivant sera Poutine  ». Rejoignant ainsi le sénateur John Mc Cain, qui promettait à Poutine le même sort que Kadhafi. Boris Nemtsov et les opposants libéraux, alignés sur Washington, estiment que les « dangers » extérieurs agités par Moscou relèvent d'une tendance « paranoïde ». «  Personne ne menace la Russie  », du moins pas en Occident. Le vrai danger est à l'Est, c'est la Chine.

L'entrée en scène du BRICS trace cependant la perspective de ce monde « multipolaire » dont se réclame la diplomatie russe.

Jean-Marie Chauvier

texte clôturé le 30 mars 2012

Après deux mandats présidentiels (2000-2004 et 2004-2008) de Vladimir Poutine, un troisième lui étant interdit par la Constitution, Dmitri Medvedev lui succéda (2008-2012).

La « tandemocratie », comme on l'a appelée, s'était entendue pour que Poutine prenne le relais en 2012. Un « arrangement » secret qui a beaucoup cvhoqué l'opinion russe.

Avec plus de 48% des voix au second tour des présidentielles, le 7 février 2010, le leader du Parti des Régions Viktor Ianoukovitch l'emporte de peu sur la dite « Egérie » (on dit aussi : « icône ») de la « Révolution orange » Ioulia Timochenko – 45%.

Celui qui négociait le pactole avec Exxon-Mobil et Chevron-Texaco, Mikhaïl Khodorkovski, patron de Youkos, fut arrêté en 2003, plus tard condamné pour fraude fiscale et détournement de pétrole, et son empire démantelé. Considéré comme « héros de la Démocratie » par les opposants à Poutine, sa libération est revendiquée en 2012 dans les milieux d'affaires russes et par un vaste mouvement de soutien occidental, dont Amnesty International qui l'a adopté comme « prisonnier de conscience ».

Le stratège américain Zbiegniew Brzezinski avait inspiré la stratégie de soutien aux Moudjahiddin (contre l'URSS) en Afghanistan dès la fin des années 70. Il fut également actif dans la guerre au Kosovo et la « révolution orange » en Ukraine, mais s'opposa à la guerre de George W. Bush en Irak, qui risquait d'éloigner Washington du monde musulman. Il considère la maîtrise de l'Eurasie (Europe, ex-URSS, Chine) comme le grand enjeu pour l'hégémonie américaine dans le monde.

« Kommersant », 9-02-2012, traduction du « Courrier international » 17-02-2012

Cf JM Chauvier « En Russie, « révolution blanche », drapeaux rouges et forces de l'ombre », Le Monde diplomatique (valise diplomatique) 22 décembre 2011.

Cf JM Chauvier « Que font les Etats-Unis pour aider la contestation en Russie ? » in : http://www.mondialisation.ca/PrintArticle.php?articleId=29048

Territoire de l'Azerbaidjan ex-soviétique, peuplé d'Arméniens, à l'indépendance autoproclamée en 1991, le Nagorny (ou Haut) Karabagh (Artsakh en arménien) pourrait être reconquis militairement par l'Azerbaidjan, allié des Etats-Unis et de la Turquie, alors que l'Arménie est alliée de la Russie.

Vzgliad, 24-02-2012

Le 4 février 2012, la Russie et la Chine , membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, ont opposé leur véto à un projet de résolution condamnant la répression en Syrie et demandant le départ du président syrien Bachar Al-Assad. Le texte, calquée sur le plan de sortie de crise de la Ligue arabe , a reçu le soutien des treize autres membres du Conseil.

http://sana.sy , 8 mars 2012.

Cf JM Chauvier « Les « désordres arabes » : alerte en Russie ». Le Monde diplomatique (valise diplomatique) 8 mars 2011

« SVS » Canada, en russe sur http://inosmi.ru , 9-02-2012

Cf Boris Nemtsov, Vladimir Milov « Poutin.Itogui », ed.Novaïa Gazeta, Moskva 2008.