Georges Spriet
12 septembre 2012
Les élections pour un nouveau parlement aux Pays-Bas ont une signification particulière pour la Belgique également. Tout d’abord, parce que les lignes directrices de la politique de nos voisins immédiats sont toujours d’un grand intérêt, mais aussi parce que la collaboration entre Pays-Bas et Belgique sur le plan militaire est telle qu’une décision hollandaise peut mener à ce que l’aviation militaire belge ne soit plus en mesure de transporter ni lancer des bombes atomiques.
Intégration – Les Marines néerlandaise et belge travaillent ensemble depuis plus de 15 ans pour garantir une opérationnalité optimale de leur flotte. Elles ont même un commandement intégré. (..) Au début de cette année, les ministres de la défense belge et néerlandais –tous deux démocrates-chrétiens- ont eu des entretiens pour réaliser également une intégration sur le plan de l’aviation. Ils ont parlé, par exemple, d’une « Quick Reaction Force (QRF) » réunissant F-16 hollandais et F-16 belge pour une surveillance commune des espaces aériens. Les avions de la QRF sont prêts 24 heures sur 24 à décoller pour intercepter d’éventuels appareils ennemis ou non identifiés. Tout ceci est une parfaite réponse à la question posée par l’Union Européenne aux Etats membres en ce qui concerne le » pooling and sharing » - la mutualisation et le partage des moyens militaires et c’est aussi une application de ce que l’OTAN a désigné comme la « défense intelligente », un chapitre important de la nouvelle stratégie de l’Alliance Atlantique.
F-16 - Les avions de combat F-16 seront progressivement mis hors de service à partir de 2023- selon les dires du ministre De Crem. Des décisions à propos d’un éventuel remplacement devront être prises prochainement. De Crem a manifesté son intérêt pour l’achat des chasseurs à réaction américains F-35 (JSF, Joint Strike Fighter) en remplacement des actuels F-16. Un courrier diplomatique, datant de 2009, entre De Crem et l’ambassadeur américain en Belgique, Howard Gutman, le confirme. Selon ce document, révélé par Wikileaks, De Crem reconnaît qu’il était trop tard pour que notre pays s’intègre comme partenaire à la phase de développement du programme de JSF. Le ministre proposait alors comme alternative, l’achat d’appareils déjà construits. « Probablement vers 2020 », notait l’ambassadeur Gutman dans son rapport.
Lorsque le ministre De Crem fut interrogé sur la question des F-16 à la commission de la Défense du 19 octobre 2011, il répondit ceci : « Le nombre d’appareils F-16 a été maintenu à niveau selon les normes internationales, dans le cadre du "Multinational Fighter Program (MNFP)". Les pays participant à ce Programme – Belgique, Danemark, Pays-Bas, Norvège, Portugal – devraient continuer à utiliser les F-16 jusqu’en 2020. Ils ont développé une approche commune, qui permet de maintenir les capacités opérationnelles de ces avions. Les F-16 dans nos pays européens partenaires, peuvent assurer 8000 heures de vol. Sur la base du profil de la flotte belge actuelle, la Défense prépare une mise hors service des F-16 en 2023. La préparation d’une nouvelle génération d’avions de combat prend une dizaine d’années. Une telle période de transition est nécessaire pour couvrir les négociations sur les achats, la mise en service, la production de l’avion, la mise au point d’une formation minimale et la mise en service des nouveaux systèmes.
Nos principaux partenaires ont déjà fait leur choix : la Grande Bretagne, l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie ont développé l’Eurofighter Typhoon, qui est déjà en service. La France a choisi le Rafale. Les USA, la Grande Bretagne, l’Italie, les Pays-Bas, la Norvège et le Danemark participent activement au programme de développement des F-35 JSF. Les Pays-Bas et la Norvège ont annoncé qu’ils ne prendraient pas de décision avant 2014 quant à l’achat et la production en série des F-35 ».
Contrairement à la Belgique, les Pays-Bas se sont donc inscrits dans la phase de développement des F-35, et les entreprises hollandaises travaillent déjà à la fourniture de certains éléments du programme. Cependant, le 6 juillet dernier, une majorité des parlementaires de la 2ème Chambre ont voté une motion demandant le retrait des Pays Bas du Projet JSF. Le ministre Hillen promet maintenant de faire une enquête approfondie sur les évolutions des coûts du projet JSF.
Le nucléaire – En temps de crise économique, la question de la nécessité du remplacement des F-16 va se poser. Certains vont peut-être penser qu’il vaut mieux investir dans un autre matériel, comme par exemple, les drones. D’autres plaideront pour des alternatives moins coûteuses. A part l’aspect financier, la décision sur le remplacement des F-16 a aussi des conséquences militaires. On peut se demander si l’armée de l’air d’un Etat non –nucléaire peut et doit être équipée pour lancer des bombes atomiques. Les JSF et les Rafale peuvent le faire, tandis que les Eurofighter Typhoon ne sont pas conçus pour porter des armes nucléaires. Les bombes du type B-61 qui se trouvent actuellement sur des bases militaires belges ( Kleine Brogel) et néerlandaises (Volkel) sont pour le moment l’objet d’un gigantesque programme de modernisation aux Etats-Unis. On veut y ajouter une capacité de percer des bunkers de béton et precisieverhoging door staartbesturing. Si dans le futur, ces nouvelles bombes B-61 peuvent être transportées par un avion ayant un très grand rayon d’action (tel que le JSF), ces bombes ne sont plus des armes tactiques, mais des armes stratégiques, dont l’utilité militaire augmente tout d’un coup énormément.
Un consensus existe actuellement, sur le fait que l’actuel B-61, comme bombe à bord d’un F-16, n’est d’aucun intérêt militaire, vu que ces avions ne peuvent pas s’éloigner suffisamment de leurs bases pour atteindre un ennemi possédant une capacité nucléaire. L’OTAN affirme toujours, à la suite de Washington, qu’elle n’attaquera pas un Etat non nucléaire par des moyens nucléaires. (…)
Si le gouvernement des Pays-Bas, après les élections du 12 septembre, passe outre la motion majoritaire du parlement et choisit quand même le JSF (F-35) , cela va aussi déterminer quel sera le choix de la Belgique, vu que le Ministre de la Défense De Crem veut avancer vers une force aérienne intégrée des deux pays. Si les élections néerlandaises donnent une forte majorité aux partis qui ont voté contre les JSF, alors le mouvement de la paix aura un bon point de départ pour donner force à son exigence d’éloignement des armes atomiques américaines installées à VOLKEL et à KLEINE BROGEL.